C O N C E R T S
 
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PARIS
05/06/2006
 
© Serge Alvarez
Gioacchino Rossini (1792-1868)

Il Barbiere di Siviglia

Opéra Bouffe en deux actes
Livret de Caesare Sterbini d’après la pièce de Beaumarchais
(Créé au Teatro Argentina de Rome le 20 février 1816)

Mise en scène : Jérôme Savary
Décors : Serge Marzolff
Costumes : Emmanuel Peduzzi
Lumières : Alain Poisson

Rosina : Delphine Haidan
Berta : Cécile Galois
Figaro: Jean-François Lapointe
Almaviva : Florian Laconi
Bartolo : Michel Trempont
Basilio: Vincent Le Texier
Fiorello: Armando Noguera
Ambrogio, le Notaire: Olivier Podestà
L’Officier: Guy Vivès

Ensemble Orchestral de Paris
Pianoforte : Nathalie Steinberg

Direction musicale : John Nelson

Paris, Opéra-Comique, le lundi 5 juin 2006 , 20h

Prochaines représentations :
les 7, 9, 13, 15 et 17 juin2006 à 20h et le 11 juin à 15h.

Un Barbiere di qualità

L’opéra bouffe rossinien sied à Jérôme Savary qui est plus à son affaire dans la comédie débridée que dans le répertoire dramatique. De fait, si ses productions d’Attila à la Scala (1991) ou de Rigoletto à Bastille (1996) n’ont pas convaincu, La Cenerentola à Garnier et Le Comte Ory à Glyndebourne (1) ont obtenu un franc succès qui repose essentiellement sur son sens aigu du rythme et du burlesque.

Point de transposition hasardeuse ni de relecture psychanalytico-fantaisiste chez Savary qui annonce la couleur dans le programme du spectacle : « J’ai voulu mettre en scène Le Barbier de Séville de façon très simple, en suivant le plus fidèlement possible le livret et la musique ».

Le dispositif imaginé par Serge Marzolff se révèle ingénieux :Au centre du plateau, trône la demeure de Bartholo avec son balcon grillagé, qui, au gré des tableaux, s’ouvrira en deux comme une maison de poupée, découvrant un intérieur cossu, avec Séville en toile de fond. Jongleurs, ballerines, soldats, aux costumes chatoyants, traversent pêle-mêle la scène tout au long de la représentation. Pas un instant les chanteurs ne sont livrés à eux-mêmes. Ainsi, tel Dulcamara dans L’Elisir d’amore, Figaro fait son entrée accompagné d’une nuée de figurants, et s’amuse, durant son air « Largo al factotum », à raser l’un, coiffer l’autre et même à redonner du galbe au décolleté d’une villageoise. On le verra ensuite jouer au bonneteau avec Almaviva pendant le duo « All’idea di quel metallo ». Le reste est à l’avenant, émaillé de gags et de trouvailles toujours en situation.

La distribution est dominée par le Figaro haut en couleur de Jean-François Lapointe qui arbore une voix large, d’une solidité à toute épreuve, et une technique impeccablement maîtrisée. On aurait cependant souhaité davantage de nuances dans le chant, la dynamique vocale du baryton québécois se limite trop souvent à l’alternance forte/fortissimo. Néanmoins son Barbier jovial et rusé finit par emporter l’adhésion.

La Rosine de Delphine Haidan, tout en délicatesse et spontanéité, est un peu en retrait, notamment au premier acte où le timbre a paru un peu mat. Les difficultés techniques du rôle sont surmontées avec aisance même si les variations de « Una voce poco fa » sont un rien trop sages tout comme sa conception générale du personnage auquel il manque l’aplomb et le piquant que d’autres ont su lui conférer. Une interprétation en demi-teintes qui, certes, se défend mais conviendrait somme toute mieux à L’Angelina de La Cenerentola.

Florian Laconi fait montre d’une belle prestance scénique et d’un sens inné du théâtre mais la voix a mis quelque temps à se chauffer : le timbre a paru nasal et incertain lors de son air d’entrée aux vocalises peu orthodoxes. Mais au fil de la représentation le ténor a gagné en assurance et en clarté pour aboutir à un second acte on ne peut plus convaincant à tous égards. Voilà un jeune chanteur au talent prometteur, un nom à suivre.

Le Vétéran Michel Trempont n’a rien perdu de son tempérament comique ni de sa verve. Son Bartolo est bougon et retors à souhait mais force est de reconnaître que les moyens ne suivent plus, il parle son rôle plus qu’il ne le chante et l’usure du temps se fait cruellement sentir dans son air « A un dottor » -donné dans la version la plus complète- dont la redoutable vélocité lui pose désormais de sérieux problèmes.

Enfin, le Basile de Vincent Le Texier est une bonne surprise. On n’attendait pas le baryton français dans ce répertoire et il s’en tire avec les honneurs. Il campe un maître de musique à la fois vénal et obséquieux, toujours en situation. Si sa voix trouve ses limites dans l’extrême grave, elle s’épanouit dans l’aigu pour donner des « colpo di cannone » impressionnants dans l’air de la calomnie qui lui a valu un beau succès mérité.

Les seconds rôles sont bien tenus, une mention particulière pour l’excellente Berta de Cécile Galois dont la voix saine et admirablement projetée fait merveille dans son air chaleureusement applaudi.

A la tête de l’Ensemble Orchestral de Paris, John Nelson livre une direction d’une grande précision et d’une belle vitalité, notamment dans les finals très bien enlevés. Ailleurs, il ralentit sensiblement les tempi au point de donner par moment à certaines pages, l’air de Rosine, notamment, des allures d’opéra seria.

La partition est donnée dans son intégralité à l’exception de l’air d’Almaviva « Cessa di più resistere » au dernier acte que peu de ténors parviennent à affronter.

Une équipe solide dont la somme des qualités l’emporte sur les quelques défauts, une mise en scène bon enfant et sans prétention font de ce spectacle une soirée revigorante et tonique.


Christian PETER


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(1) Cette production de 1997 que l’on a pu applaudir à l’Opéra-Comique est également disponible en DVD chez NVC ARTS.


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