OPERAS - RECITALS - CONCERTS LYRIQUES
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PARIS
10/05/2008


© Opéra national de Paris / Eric Mahoudeau

Gioacchino ROSSINI (1792-1868)

Le Barbier de Séville

Opéra Buffa en deux actes (1816)
Livret de Cesare Sterbini,
lui-même inspiré de la pièce éponyme de Beaumarchais

Mise en scène : Coline Serreau
Décors : Jean-Marc Stehlé et Antoine Fontaine
Costumes : Elsa Pavanel
Lumières : Geneviève Soubirou

Figaro : Dalibor Jenis
Le Comte Almaviva : Javier Camarena
Rosina : Maria Bayo
Basilio : Samuel Ramey
Bartolo : John Del Carlo
Berta : Jeannette Fischer
Fiorella : Igor Gnidii
Un officier : Guillaume Petitot-Bellavène

Chœurs et Orchestre de l’Opéra National de Paris
Chef des chœurs : Alessandro di Stefano
Direction musicale : Marc Piollet

Paris, Opéra Bastille, le 10 mai 2008

Un Barbier toujours pas rasoir


Encore du succès pour le Barbier façon Coline Serreau. La direction d’acteur, pourtant, n’est pas toujours en accord avec les propos détaillés par la réalisatrice dans le programme : Rosine, « grande héroïque, à la limite du tragique, qui commence la longue marche de son sexe vers la liberté », ne semble pas plus intello que d’habitude, Figaro (« il se croit très utile mais n’est qu’un intermédiaire ») paraît aussi roublard qu’ailleurs, Bartolo, « pas méchant, très touchant », reste quand même ridicule à souhait,… au fond, tant mieux : le Barbier de Séville n’est pas de ces opéras qui supportent sans se tordre ou se défaire une dramatisation excessive, ou une intellectualisation hors de propos. Ici, le rire est à l’honneur, les gags sont innombrables et délicieux, les décors somptueux, la joie de vivre et l’énergie jaillissent à chaque instant. Le public s’extasie bruyamment, et applaudit (très) chaleureusement : pour un peu, on se croirait au Met !

Le casting, d’ailleurs, nous offre deux protagonistes de la production montée l’année dernière à New-York : Bartolo fulminant d’un John Del Carlo inoubliable, aussi bon acteur qu’habile négociateur de vocalises quand vient le moment de son grand air, et Basilio fascinant de la plus grande basse rossinienne des dernières décennies, Samuel Ramey. On pourra critiquer : un vibrato conséquent, une voix qui grisonne, une interprétation plutôt en marge de la veine buffa. Mais on devra, en tout état de cause, louer une puissance vocale apparemment inaltérable, et l’impact qui va avec, on devra s’incliner devant ce timbre de bronze si reconnaissable, et face à la magnifique cadence concluant une « Calomnie » machiavélique, l’un des grands moments de la soirée. Les autres grands moments nous sont offerts par Javier Camarena et Dalibor Jenis. Le premier se dirige d’un pas sûr vers un avenir radieux s’il continue à faire sonner aussi bien sa voix claire et souple, son aigu insolent et ses vocalises arrogantes (Vienne et le Met l’attendent de pied ferme). Un seul défaut, de taille, mais dont Camarena n’est pas responsable : pourquoi toujours pas de « Cessa di piu resistere » à Paris ? Le second, remplaçant George Petean, souffrant, dispense généreusement la truculence, l’esprit et les aigus ténorisants que l’on peut déjà admirer au DVD (1) : c’est beaucoup, et suffisant pour être le chouchou du public. Dans le rôle si anodin de Berta, Jeannette Fischer, chanteuse-acrobate ambiguë, est un vrai rayon de soleil, et nous console (un peu…) du grand regret de la soirée : Maria Bayo est une artiste attachante, mais son timbre aigrelet, ses vocalises scolaires et son grave éteint nous disent que Rosine n’est pas pour elle (et l’incarner régulièrement, hélas, n’y changera rien). Elles étaient pourtant nombreuses, les chanteuses qui pouvaient nous offrir un chant plus épanoui couronné d’une meilleure virtuosité ! Nous n’étions pas passés loin, mais « la distribution parfaite n’aura pas lieu ». En attendant la prochaine reprise.

Dans la fosse, le français Marc Piollet livre une prestation de très bonne facture, s’attachant à ne pas perdre de rythme ses chanteurs (toutefois ce n’est pas toujours évident). L’orchestre est vif, peut-être pas assez contrasté, mais les instruments solistes, intelligemment mis en valeur, chantent presque aussi bien que les protagonistes. Au même niveau se situent les chœurs, particulièrement nuancés à l’aune de leurs récentes prestations. Une reprise imparfaite, mais vivifiante, revigorante, jamais routinière (ce n’était pas gagné pour une œuvre si rabâchée),… bref : on est toujours content, quand le Barbier « séville »!

Clément Taillia


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* : DVD TDK de cette production, enregistré en 2002 sous la direction de Bruno Campanella, avec Joyce DiDonato, Roberto Sacca, Dalibor Jenis, Kristinn Sigmundsson, Carlos Chausson.

 
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