C O N C E R T S 
 
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PARIS
21/10 & 04/11/05
 © DR

LA BOHÈME

Opéra de Giacomo Puccini

Mise en scène : Jonathan Miller
Réalisée par : Alejandro Stadler
Décors : Dante Ferretti
Costumes : Gabriella Pescucci
Lumières : Guido Levi

Mimi : Angela Marambio / Marina Mescheriakova
Rodolfo : Rolando Villazon / Stefano Secco
Musetta : Elena Semenova / Maria Fontosh
Marcello : Franck Ferrari / George Petean
Colline : Alexander Vinogradov / Giovanni Battista Parodi
Schaunard : José Fardilha
Benoit : Jean-Philippe Marlière
Alcindoro : Jean-Philippe Marlière
Parpignol : Pascal Meslé
Sergent : Omar Benamara
Douanier : Marc Chapron

Chœurs et Orchestre de l’Opéra de Paris

Direction : Daniel Oren

Paris Bastille, les 21 octobre / 4 novembre 2005

Note de la rédaction : l'accréditation de Forum Opéra à l'Opéra de Paris étant conditionnée par des contraintes que nous considérons comme de l'ingérence à notre ligne éditoriale, nous avons préféré chroniquer les spectacles de l'institution parisienne sans bénéficier de places de presse. L'Opéra de Paris nous a donc fait savoir que nous ne pourrions pas utiliser de photos de leurs productions. Veuillez nous excuser de ce désagrément mais il nous semble primordial de préserver notre liberté de parole.


Rolando Villazon est une des chouchous lyriques du moment ; il est jeune, drôle ; il a un joli coup de crayon, il sait bouger sur scène… c’est amplement suffisant pour les médias d’autant que Virgin Classics s’est beaucoup investi pour faire connaître cet artiste. Côté vocal,  deux récitals, l’un italien, l’autre français, ont démontré son adéquation stylistique à des répertoires fort différents.

Tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes, si l’art lyrique ne se jugeait aussi (et peut-être avant tout) à ce qu’un artiste est capable de transmettre sur une scène. Au risque de passer pour un grincheux, j’avouerai mas très grande déception devant cette Bohème. Manque de projection et timbre un peu sourd rendent le premier acte assez pénible ; la transposition de Che gelida manina d’un demi-ton n’arrange rien, le chanteur ne pouvant compenser un  volume confidentiel par des aigus lumineux ; au deuxième acte, rien à dire : c’est totalement inaudible ; heureusement, les deux derniers actes viennent compenser cette médiocre impression, le ténor retrouvant alors une certaine vaillance, mais non pas sans forcer constamment sa voix. L’acteur est attachant, mais à tendance à utiliser les mêmes « trucs » d’un rôle à l’autre.

Certes, le chanteur sait admirablement ménager son souffle, offrant de superbes diminuendo et son legato est admirable. Certes l’acoustique de Bastille est impitoyable. Mais il n’est pas de nuances qui vaillent si elles restent inaudibles. Espérons donc réentendre rapidement ce jeune artiste dans une salle à sa mesure et dans un répertoire qui lui sied davantage.

Stefano Secco assure Rodolfo dans la seconde distribution. Paris l’a découvert à l’occasion du récent Roberto Devereux du Théâtre des Champs-Élysées. L’interprétation est plus convenue et le chanteur manque très largement de charisme. Vocalement, il n’est pas davantage dans son répertoire que Villazon, le rôle demandant une voix plus large. Malgré un volume vocal lui aussi limité, Secco arrive largement à passer la rampe par la luminosité de son timbre, qui rappelle de loin celui de Juan Diego Florez, d’autant qu’il ne transpose pas sa partie (ce qui nous vaut certes un contre-ut, mais un peu pincé tout de même). Sans avoir la souplesse de son collègue, il sait réserver quelques moments de vrai beau chant.

La carrière internationale d’Angela Marambio n’a démarré qu’en 2002 : c’est dire si cette chanteuse est jeune et encore largement inexpérimentée (1). La voix est franche, généreuse (un peu trop pour ce pauvre Villazon, systématiquement couvert à l’unisson) mais ce n’est pas celle de Mimi (rôle qu’elle a pourtant déjà chanté un peu partout). Les piani sont rares et la technique un peu élémentaire. Scéniquement, l’artiste est gauche, d’autant qu’elle est particulièrement engoncée dans un costume qui ne la flatte guère. Une artiste dont il faudra néanmoins suivre la carrière dans les prochaines années.

Après un Trovatore, Marina Mescheriakova nous revient dans un rôle beaucoup moins exposé techniquement, mais malheureusement assez éloigné de ses moyens actuels. Se battant continuellement avec ses deux voix (l’une pour 90% des notes, assez inaudible, l’autre pour les aigus), le soprano cherche plus à sauver les meubles qu’à imposer une véritable caractérisation.

Elena Semenova est une Musetta assez pétulante scéniquement mais sans grand intérêt vocal (on est assez inquiet d’apprendre qu’elle remplace Alexia Cousin pour la prochaine reprise de « Juliette ou la Clef des Songes ») ; elle vaut toujours mieux que Maria Fontosh qui ravira surtout les amateurs de crécelles.

Franck Ferrari est un Marcello remarquable (on serait presque tenté de dire « de luxe ») ; plus en retrait est celui de George Petean, un peu terne parfois.

Alexander Vinogradov et Giovanni Battista Parodi alternent en Colline. Le premier fait partie de ces basses au timbre de baryton (et nous en avons eu souvent dans ce rôle à Bastille) et sa Vecchia zimarra nous semble bien terne ; le second est plus impressionnant mais sa technique est tellement sommaire qu’on pense plutôt à Garou dans Notre Dame de Paris

José Fardilha complète le trio avec chaleur et humour.

Les comprimari sont particulièrement bien tenus : Jean-Philippe Marlière évite la caricature en Benoît et en Alcindoro et Pascal Meslé est un Parpignol plein d’aisance.

Remplaçant au dernier moment Gustav Kuhn (qui lui même remplaçait pour le Cosi fan tutte de Garnier, Daniel Harding parti au bout de deux répétitions), Daniel Oren reprend du collier pour un ouvrage qu’il avait dirigé en ces mêmes lieux en 2001 (2). La partition est dirigée avec amour, l’orchestre est somptueux, plein de contrastes dynamiques, et attentif aux chanteurs. Oren semble vivre au rythme de ses chanteurs, interprétant en play-back tous les rôles avec une intensité qu’on cherche parfois vainement sur scène.  Malheureusement, ces raffinements se perdent dans cette acoustique effroyable, et ce ressenti dépend grandement de la place que l’on occupe dans l’auditorium.

Placido Carreroti


1.     Le rôle de Mimi, pour la première distribution, n’a été connu que fort tardivement. C’est ainsi qu’au dernier moment, ont alterné Olga Guryakova (qui venait de terminer une série de Rusalka et Angela Marambio ; quand on sait que les distributions se préparent plusieurs années à l’avance dans les grandes maisons, on reste un peu étonné de cette improvisation de dernière minute.

2.     A l’époque, Roberto Alagna y chantait en compagnie d’Angela Gheorghiu. C’était avant qu’on augmente le prix des places de 20% pour améliorer la qualité artistique ! On pourra se référer à cette critique pour la mise en scène de Jonathan Miller, amplement traitée dans nos colonnes.

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