C O N C E R T S 
 
...
[ Sommaire de la rubrique ] [ Index par genre ]
......
AVIGNON
08/10/04

© DR
LE BOURGEOIS GENTILHOMME

Comédie-ballet de MOLIERE ET LULLY

Direction artistique : Vincent Dumestre 

Mise en scène : Benjamin Lazar
Assistante : Louise Moaty
Chorégraphie : Cécile Roussat
Scénographie : Adeline Caron
Costumes : Alain Blanchot
Lumières : Christophe Naillet
Maquilleuse : Mathilde Benmoussa

Comédiens
Dorimène : Anne-Guersande Ledoux
Lucile : Louise Moaty
Nicole, Le Maître de musique : Alexandra Rübner
Dorante, le Maître d'armes Lorenzo Charoy
Cléonte, le Maître de philosophie Benjamin Lazar
Le maître à danser Julien Lubeck
Monsieur Jourdain Olivier Martin Salvan
Covielle, le Maître tailleur Jean-Denis Monory
Madame Jourdain Nicolas Vial 
 
Chanteurs
Le Mufti, le vieux bourgeois babillard, L'élève : Arnaud Marzorati (baryton)
La musicienne, la femme du bel air, L'Italienne : Claire Lefilliâtre (soprano) 
Le premier Musicien, La vieille bourgeoise : François-Nicolas Geslot
Un Espagnol, un Poitevin : (haute-contre) 
Un Gascon, un Poitevin, un Chanteur : Serge Goubioud (ténor)
Un Espagnol, un Gascon, un Chanteur : Lisandro Nesis (ténor)
Un Espagnol, l'homme du bel air, Un chanteur : Bernard Arrieta (baryton)
L'Italien, le Suisse : Arnaud Richard (baryton-basse)

Danseurs
Un Espagnol, un Poitevin, un laquais : Caroline Ducrest
Arlequin, le donneur de livres,
Un garçon tailleur : Julien Lubek
La siamoise de la vieille bourgeoise : Cécile Roussat 
Babillarde 
Un Trivelin, un garçon tailleur : Flora Sans
Scaramouche, un garçon tailleur : Gudrun Skamletz
Un Importun, un élève danseur 
Un Trivelin, un Importun : Akiko Veaux

Instrumentistes
 
Ensemble le Poème harmonique
Direction : Vincent Dumestre

Ensemble Musica Florea
Direction : Marek Stryncl

Opéra-Théâtre d'Avignon
8 & 9 octobre 2004



L'Opéra-Théâtre d'Avignon et des pays de Vaucluse accueillait ces 8 et 9 octobre la première étape française d'une coproduction pour laquelle il s'est associé (réalisation des costumes en ses ateliers) au Poème harmonique et à la Fondation Royaumont, avec l'appui de nombreux partenaires parmi lesquels le prestigieux Holland Festival Oude Musiek d'Utrecht (Pays-Bas) et l'Arsenal de Metz.

Il s'agit de la recréation de la version originale de la comédie-ballet de Molière et Lully Le Bourgeois gentilhomme, fruit d'une commande de Louis XIV destinée à exorciser le mauvais souvenir de la réception fastueuse et disproportionnée qu'il avait réservée à un diplomate de second ordre envoyé par la Sublime Porte. En présence du souverain, l'auteur comédien et le musicien, dont c'était la onzième collaboration, interprétèrent leur ouvrage au château de Chambord le 14 octobre 1670.

L'âme de l'entreprise, Vincent Dumestre, explique sa visée : "rendre à cette oeuvre ce qui faisait toute la force des spectacles baroques au XVIIe" par l'association de comédiens, de danseurs, de musiciens et de chanteurs entraînés à un long travail en commun. Jeu sur instruments anciens, costumes parfois proches de la vérité historique grâce à des inventaires d'époque, maquillage au blanc, gestuelle et diction inspirées des recherches d'Eugène Green - dont Benjamin Lazar, le metteur en scène, fut naguère l'élève - pas de danse cherchant l'équilibre entre le beau et l'expressif, éclairage entièrement à la bougie par la rampe et des lustres, décors constitués de grands panneaux de feuilles de métal patinées et huilées qui évoquent aussitôt la marqueterie de Boulle, tout, absolument participe à la réussite de ce concert entre les arts que réclame la comédie-ballet.

L'objectif, disons-le sans ambages, est atteint pleinement dans la limite des moyens disponibles. Passé le choc du jeu frontal, de la diction et de l'éclairage inhabituels, on se laisse persuader de la pertinence d'une gestuelle qui prive le spectateur de l'illusion du naturel dans une entreprise réunissant les artifices, même si on peut regretter une certaine uniformisation qui affaiblit la caractérisation des personnages, par exemple ceux de Dorimène et de Madame Jourdain. La mise en scène de Benjamin Lazar - hormis une inopportune entrée du Bourgeois en chaise à porteur, accessoire plus tard utilisé à bon escient lors de la querelle des Maîtres - exploite intelligemment le texte que le nombreux public, moitié ados, moitié rassis, découvre ou retrouve manifestement avec plaisir. Tous les acteurs sont à féliciter, même si Monsieur et Madame Jourdain - Olivier Martin Salvan et Nicolas Vial - ainsi que Covielle - Jean-Denis Monory - s'imposent dans les rôles les plus porteurs.

Les intermèdes chantés et dansés s'insèrent avec fluidité dans l'action. L'on apprécie l'invention de Cécile Roussat, la chorégraphe, dans une recherche de pas et d'enchaînements qui se distinguent de la danse de cour et esquivent l'anachronisme d'esthétiques ultérieures. Les interprètes ont toute l'élégance, la prestesse et la maîtrise des codes souhaitables. 

Vincent Dumestre, vigilant et scrupuleux, dirige Le Poème Harmonique et l'ensemble tchèque Musica Florea. Les 24 instrumentistes, tous spécialistes de la musique baroque, répondent avec brio, souplesse et précision aux sollicitations du chef comme s'ils ne formaient qu'un seul et même ensemble. Si la guitare se distingue - on sait que Louis XIV en jouait - aucun pupitre n'émerge, car tous excellent et s'allient dans un savoureux équilibre.

Très homogène aussi, le groupe des chanteurs n'appelle que des éloges. Seuls, en duo ou en trio, dans la pastorale ou les chansons à boire, dans les ensembles de la Turquerie et les intermèdes du Ballet des Nations, ils contribuent à l'oeuvre commune sans chercher à se valoriser individuellement. Seul le goût que l'on peut avoir pour tel ou tel timbre pourrait amener à faire des distinctions, tant le souci de l'unité stylistique est partagé.

On le voit, ce spectacle original, bien qu'il réunisse une très impressionnante diversité de talents, atteint à une cohérence rare qui justifie l'entreprise et explique sa réussite. Nous permettra-t-on de regretter que pour un projet et un résultat si dignes d'intérêt, ceux grâce à qui l'entreprise fut matériellement possible n'aient pas accordé davantage de moyens financiers ? L'orchestre de Lully comptait probablement une quarantaine de musiciens, plutôt que vingt-quatre, et l'effectif des danseurs était certainement plus important... Autrement dit, on est passé à côté du grand spectacle tel qu'il a sans doute été monté à Chambord. N'est-il pas rageant que ce soit pour des motifs d'intendance, quand le pari artistique était largement tenu ?
 
 

Maurice SALLES


Prochaines représentations

le 12 octobre au Havre
les 15,16 et 17 octobre sur la Scène Nationale de Cergy-Pontoise
les 19 et 20 octobre au Théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine
les 11 et 12 novembre au Trianon de Paris
le 18 novembre à l'Arsenal de Metz

[ Sommaire de la Revue ] [ haut de page ]