C O N C E R T S
 
...
[ Sommaire de la rubrique ] [ Index par genre ]
 
......
PARIS
12/02/2007
 
 Orchestre Atelier OstinatO
© DR

Henri BUSSER (1872 – 1973)

Concertino pour contrebasse
Soliste : Bernard Cazauran

Claude DEBUSSY (1862 – 1918)
Petite suite
Orchestration : Henri BUSSER

Henri BUSSER
LE CARROSSE DU SAINT SACREMENT

Comédie lyrique en un acte d’après Prosper Mérimée
Créée à l’Opéra Comique le 2 juin 1948

Distribution :

Camille Périchole : Stéphanie Loris
Le Vice-Roi du Pérou : Michel Trempont
Martinez - Le Licencié : Thomas Morris
L’évêque de Lima : Jérôme Varnier
Balthasar : Maxime Cohen

Orchestre – Atelier Ostinato
Direction : Olivier Holt

Opéra-Comique – Salle Favart
Lundi 12 février 2007

L’AUTRE PÉRICHOLE…


Il était fort astucieux de programmer pendant une série de représentations de « La Périchole » d’Offenbach, ce « Carrosse du Saint Sacrement », petit bijou humoristique et impertinent, également composé d’après Mérimée et créé dans cette même salle Favart, pour lequel il s’agissait finalement d’un véritable « retour aux sources ».

De plus, les quelques éléments de décors demeurés sur la scène, constituaient un atout non négligeable, avec un « effet miroir » plutôt bienvenu.

Paul-Henri Busser, compositeur et chef d’orchestre, originaire de Toulouse, fut l’élève de Franck, Gounod et Massenet. Lauréat du Grand Prix de Rome en 1893, il dirigea réguliérement à l’Opéra-Comique – entre autres les représentations de « Pélléas et Mélisande » après sa création par André Messager - puis à l’Opéra National de Paris, avant de devenir Directeur de la Salle Favart. Professeur de contrepoint, puis de composition au CNSM de Paris, il était également organiste et exerça à Sainte-Marie-des-Batignolles, à Saint-Cloud, où il succéda à Gounod en 1892 et à Notre-Dame, où il suppléa Vierne pendant la Première Guerre Mondiale. Il avait épousé la célèbre cantatrice et professeur de chant au CNSM, Yvonne Gall (1885 - 1972). D’une exceptionnelle longévité - 101 ans – il eut des élèves célèbres, comme le compositeur japonais Tomojiro Ikenouchi (1906 – 1991) et Henri Dutilleux.

Egalement ami de Verdi, Delibes, Widor, d’Indy, Chabrier, Bizet et Debussy, il réalisa des orchestrations pour ces deux derniers. En digne héritier de ses maîtres, il fit preuve d’un grand talent mélodique en composant une dizaine d’œuvres lyriques et des pièces symphoniques dans un style souple et délicat, rempli de charme et d’humour, très représentatif de « l’esprit français »

La première partie de la soirée allait permettre d’en juger, avec le « Concertino pour Contrebasse », exécuté avec maestria par Bernard Cazauran, soliste à l’Orchestre de Paris, et surtout la « Petite Suite de Debussy » (à l’origine une œuvre pour piano à quatre mains) où l’on perçoit les influences hispanisantes de Bizet et de Chabrier, dont l’orchestre livra une lecture remplie d’humour et de fraîcheur.

Le jeune orchestre OstinatO (il est composé de musiciens âgés de moins de 26 ans , titulaires d’un premier prix de Conservatoire National) fut créé par le chef d’orchestre Jean-Luc Tingaud en 1997, à l’initiative du regretté Manuel Rosenthal. En résidence à l’Opéra-Comique depuis 2002, il a pour but d’offrir aux jeunes instrumentistes un apprentissage du métier de musicien d’orchestre, et par voie de conséquence, de faciliter leur insertion dans la vie professionnelle. L’orchestre participera encore à deux concerts à Favart : « La Belle Epoque de l’Opéra-Comique » le 12 mars, « Angélique » d’Ibert et les « Mamelles de Tirésias » de Poulenc le 12 avril, puis sera à l’Athénée du 27 au 30 juin pour « Le Viol de Lucrèce » de Britten.

Curieux destin que celui de ce « Carrosse du Saint-Sacrement » pièce figurant dans la deuxième édition du Théâtre de Clara Gazul, (1830) et qui fit tout bonnement scandale en 1850 lorsqu’elle fut donnée à la Comédie Française, au point que, jugée insultante pour la religion, elle dut être retirée de l’affiche.

Plus tard, elle allait inspirer Meilhac et Halévy pour « La Périchole » d’Offenbach (1868) puis le cinéaste Jean Renoir, pour son célébrissime « Carrosse d’Or », avec, en Camille Périchole, l’inoubliable Anna Magnani. (1952).

L’oeuvre en un acte écrite par Busser, se référant aux « saynètes » du Siècle d’Or, reprend en majeure partie le texte de Mérimée, avec quelques coupures cependant, et des ajouts servant de support aux airs. Elle possède aussi la particularité de se donner dans une parfaite unité de lieu, puisque toute l’action se déroule dans la chambre du Vice-Roi, l’apparition de la Périchole dans le fameux carrosse pour se rendre à l’église étant quasiment « virtuelle » puisqu’on ne la verra jamais. En effet, le Vice-Roi décrit ce qu’il est censé apercevoir à la longue-vue, et c’est l’imaginaire du spectateur, sollicité en ce moment crucial de l’histoire, qui fera le reste…

Enfin, si, comme Bizet dans « Carmen », Busser fait appel au pittoresque et à la couleur locale, il est également évident que le personnage fascinant de Camille Périchole, son aplomb et son insolence, est très proche de celui de l’illustre cigarière, autre figure issue également de la plume de Mérimée.

Cependant, différence de taille, cette « Carmen/Périchole », mezzo aussi bien chez Offenbach que chez Bizet, est, chez Busser, devenue soprano, colorature de surcroît et l’écriture musicale de l’œuvre n’est pas sans rappeler Debussy, Chabrier et Bizet, avec pas mal de virtuosité dans la colorature.

En tête , il convient de saluer le vétéran et inénarrable Michel Trempont en Vice-Roi, même si, pour la circonstance, il a sa partition sous les yeux. Mais le rôle est difficile et le personnage ne quitte jamais la scène, puisqu’il est cloué dans un fauteuil par une crise de goutte. Chez ce chanteur, on admirera comme toujours l’extraordinaire diction (on ne perd pas une virgule) la remarquable projection de la voix et une capacité infinie à camper un personnage attachant et drôle.

Même remarque pour la prestation de Thomas Morris, lui aussi remarquable diseur et excellent comédien, cauteleux à souhait et jouant à la perfection les deux rôles de Martinez et du Licencié, écrits dans une tessiture de ténor assez périlleuse et dont il s’acquitte avec panache.

Avouons-le, la déception vient de l’unique rôle féminin de la distribution, celui de Camille Périchole. Certes, Stéphanie Loris a de l’abattage, de la personnalité, de la présence, et possède de surcroît un physique agréable. Certes, la voix est précise et bien projetée, mais le timbre est cependant assez quelconque, et le médium manque de moelleux. Bien sûr, Périchole est quelque part une peste, mais pourquoi ses aigus doivent-ils être aussi stridents, voire perçants comme des vrilles ?

C’est d’autant plus regrettable que ses partenaires ont, dans l’ensemble, des voix plutôt agréables et bien menées - n’oublions pas l’Evêque de Lima de Jérôme Varnier - et ce, même si le Balthasar de Maxime Cohen fait entendre à plusieurs reprises des défauts d’intonation.

Plus encore que dans la première partie, l’orchestre, fermement mené par Olivier Holt, fait merveille par son allant, sa joie de vivre et une constante attention aux chanteurs.

En conclusion, malgré quelques réserves, on peut remercier l’équipe de programmation de l’Opéra –Comique pour cette soirée fort agréable, qui nous a offert l’opportunité de découvrir cette œuvre pleine de charme et d’esprit, qu’on aimerait réentendre bientôt.


Juliette BUCH

[ Sommaire de la Revue ] [ haut de page ]