C O N C E R T S
 
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SAN JOSE
07/05/2007
 
Pinkerton, Christopher Bengochea
Cio-Cio-San, Deborah Berioli
 © Pat Kirk

Giacomo PUCCINI (1858-1924)


MADAMA BUTTERFLY


Opéra en trois actes
Livret de Giuseppe Giacosa et Luigi Illica
D’après la pièce de David Balasco
Création, La Scala de Milan, 1904

Mise en scène, Brad Dalton
Décors, Kent Dorsey
Costumes, Julie Engelbrecht
Éclairages, Pamila Z. Gray

Pinkerton, Christopher Bengochea
Goro, Bill Welch
Suzuki, Michele Detwiler
Sharpless, Daniel Cilli
Cio-Cio-San, Deborah Berioli
Bonze, Carlos Aguilar
Yamadori, Jason Sarten

Orchestre Opera San José
David Rohrbaugh

San José, Californie, le 6 mai 2007

Silicon Valley Connexion


C’est pendant qu’il se trouvait à Londres pour superviser sa Tosca que Puccini — bien qu’il comprenait fort mal l’anglais — fut frappé au cœur par Madama Butterfly, une pièce de l’américain David Balasco (1). Ce dramaturge prolifique, originaire de Californie avait aussi été acteur et directeur de théâtre — notamment à San José, capitale de la fameuse SiliconValley.

Le sujet inspiré du roman de Pierre Loti Madame Chrysanthème est dans l’air du temps, il a déjà fourni à André Messager un livret pour son opéra du même nom. Pourtant, à sa création à La Scala en 1904, Madama Butterfly fait un fiasco. Puccini remet donc son ouvrage sur le métier et il en fait l’opéra aujourd’hui le plus populaire après Carmen !


© Pat Kirk


Tout en grâce et délicatesse, la production du San José Opera est une réussite. Dans cette petite salle de style ibérique, intime et confortable, avec une excellente acoustique, on se trouve dans les meilleures conditions pour goûter le subtil tissu orchestral de Puccini. Il est ici ciselé avec amour, sous la conduite d’un chef attentif à préserver le lien entre la fosse et les chanteurs. Toutes les nuances de la partition sont mises en valeur, jamais au détriment du tempo choisi — à la fois vif et sans aucune précipitation.

Avec un judicieux dosage entre réalisme de bon goût et stylisation de l’esthétique japonisante de rigueur, les costumes et les éléments de décor sont agréables à l’œil. Aucune surcharge, aucune lourdeur. Cependant, chaque détail important pour l’action est lisible. À la fois simple et efficace, le dispositif scénique permet des déplacements et des changements de tableaux fluides. De nombreux effets visuels bien en situation et de beaux éclairages maîtrisés exhaussent le plaisir et soutiennent l’attention sans distraire de l’essentiel : la musique et le chant.


Pinkerton, Christopher Bengochea
© Pat Kirk


Bien sûr, les chanteurs américains en résidence au San José Opera ne sont pas en reste. Tous, petits rôles compris, sont plus que satisfaisants. Avec une voix pure, au timbre particulièrement agréable dans le medium, Deborah Berioli (Cio-Cio-San) parvient à exprimer les diverses facettes du personnage de la jeune geisha : une certaine rouerie doublée de naïveté, une sincérité touchante dans son entêtement à ne pas comprendre. Elle chante avec toute la grâce requise l’air « Un bel di, vedremo » impatiemment attendu par le public. Le ténor Christopher Bengochea (Pinkerton) a une voix stable et bien projetée. Dans le duo de la fin du premier acte et au moment de la mort tragique de Butterfly, il fait preuve d’une sensibilité qui finit par le rendre sympathique malgré son inconséquence. Sans doute une interprétation destinée à susciter l’indulgence du public américain vis-à-vis d’un compatriote…

L’élégant baryton Daniel Cilli (Sharpless) et Michele Detviller (Suzuki) tiennent leur partie avec aisance et sincérité. Les couleurs chaleureuses de la voix de la mezzo lui permettent d’exprimer une profonde émotion au dernier acte.

Il semble que la direction d’acteur ait été très fouillée car l’évolution psychologique de chaque personnage est perceptible tandis que l’action progresse. Au moment du dénouement dramatique, le metteur en scène se révèle original dans sa proposition. Pinkerton se précipite sur Cio-Cio-San qui vient de se suicider. Il saisit le poignard et c’est dans cette posture que son petit garçon et son épouse américaine le surprennent, laissant planer un doute étrange.

Cette Madama Butterfly, produite au pays de l’informatique, est un modèle d’équilibre et de respect de l’œuvre : un travail très professionnel.



Brigitte Cormier




1 Il est à noter que Balasco est aussi l’auteur de The Girl of the Golden West, une pièce à l’origine du livret de La Fanciula del West.
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