OPERAS - RECITALS - CONCERTS LYRIQUES
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PARIS
22/09/2007
 
Ton Koopman
© DR


Dietrich BUXTEHUDE (1637-1707)

Cantate « Nun danket alle Gott » BuxWv 79
Cantate « Gott fähret auf mit Jauchzen » BuxWv 33
Cantate « Frohlocket mit Händen » BuxWv 29
Motet « Benedicam Dominum » BuxWv 113

Johann Sebastian BACH (1685 – 1750)

Cantate « Ich hatte viel Bekümmernis » BWV 21

The Amsterdam Baroque Orchestra and Choir
Ton Koopman

Johannette Zomer, soprano
Bettina Pahn, soprano
Bogna Bartosz, alto
Jörg Dürmüller, ténor
Klaus Mertens, basse

Paris, Salle Pleyel le 22 septembre 2007

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Des cantates décantées


Privées de leur cadre religieux mais non de leur inspiration divine, ces cantates exécutées dans une Salle Pleyel, remplie environ aux deux tiers, ont suscité l’attention et le respect qui leur sont dus. Cependant, malgré la présence chaleureuse au pupitre du bouillonnant Ton Koopman qui dirige son orchestre de la tête et du cou autant que des bras et des mains, il manquait sans doute l’unité qui fait la différence entre une belle performance et un moment de grâce.

Les membres de l’orchestre baroque d’Amsterdam se retrouvent ponctuellement autour de leur créateur pour des concerts et des enregistrements. Certes, il comprend d’excellents musiciens, comme Stephen Keavy premier trompette, Alfredo Bernardini hautbois solo, et Jonathan Manson violoncelle, mais l’homogénéité qui distingue les formations permanentes lui fait inévitablement parfois défaut.

Par contre, les choristes, incontestables vedettes de la soirée, sont remarquables de cohésion, de musicalité et de précision. Plusieurs voix parmi les sopranos et les basses s’imposaient à tel point qu’on aurait souhaité les entendre plus longuement.

Parmi les solistes, on admirait la prestance de l’un des fidèles de Ton Koopman, la basse Klaus Mertens, qui a participé à tous ses enregistrements des cantates de Bach. Malgré son engagement, le ténor suisse Jörg Dürmüller — plus à l’aise dans le grave que dans l’aigu de sa tessiture — n’est pas parvenu à décoller à cause d’un manque de projection. Quant aux femmes, le nez un peu trop souvent dans la partition, elles ont chanté très correctement, sans plus.

En dépit de l’absence des voûtes qui faisaient résonner les instruments d’autrefois, les trompettes, trombones, dulcians, et cornets d’aujourd’hui nous restituent la musique de Buxtehude avec la même exaltation triomphale, tandis que les cordes, le continuo et le théorbe accompagnent et soutiennent la ferveur, l’affliction et l’allégresse qui s’expriment successivement à travers les différents registres vocaux.

L’action de grâce de la première œuvre « Maintenant remerciez Dieu » nous donne d’emblée l’occasion d’admirer les couleurs expressives des cuivres et des bois qui se répondent. La deuxième cantate « Dieu s’élève au milieu des cris de joie » frappe surtout par l’aria « Oh prince de vie, Seigneur Jésus-Christ » où la basse alterne avec les deux sopranos pour un récit de victoire entrecoupé d’incitations à célébrer Dieu. Dans « Exultez, battez des mains » et le motet « Je bénirai le seigneur » se déploie à plein régime l’art rayonnant de Buxtehude : dialogue entre chœur, solistes et instruments, effets de contrastes, variations subtiles — le tout relié par un même élan glorificateur.

Après l’entracte, nous entendons la cantate « Mon cœur était plein d’affliction » de Jean-Sébastien Bach (1), composée et créée à Weimar en 1714. Bach reprit cette œuvre d’une grande puissance dramatique qu’il affectionnait particulièrement en 1720, puis en fit une version définitive en 1723 pour Leipzig où il la fit exécuter plusieurs fois.

Après la solennelle sinfonie d’entrée, le chœur installe un climat de lamentation qui se mue graduellement en jubilation. Puis, soutenue par un hautbois d’une infinie tristesse, une voix de soprano chante sa détresse. Le récitatif et l’aria du ténor plantent le décor et expriment sa douleur « la tempête et les vagues me meurtrissent et cette mer d’affliction veut affaiblir mon esprit et ma vie… » Après de nouveaux encouragements du chœur à espérer, vient un véritable duo d’opéra entre l’âme (soprano) et Jésus (basse). Grâce à l’amour de Dieu pour chacune de ses brebis, « L’agneau égorgé est digne de recevoir force et richesse… » La joie par Dieu triomphe. Alléluia !

Leurs cantates, si Buxtehude et Bach pouvaient les entendre ainsi du haut de quelque paradis, ils ne pourraient qu’être agréablement surpris par les progrès accomplis dans la sonorité des instruments et charmés par la plénitude des voix de femmes remplaçant dans les parties de sopranos les voix blanches des jeunes garçons, imposées par la bienséance sacerdotale de leur temps. Merci Maître Koopman.


                                    Brigitte CORMIER



(1) - Pour venir écouter le grand Maître danois, titulaire de la Marienkirche de Lübeck, le jeune Jean-Sébastien Bach parcourut, dit-on, trois cents kilomètres à pied. En faisant cette visite à son aîné, peut-être avait -il aussi envisagé de devenir son successeur ? Si oui, la clause imposée d’épouser sa fille — selon la légende difficile à caser — l’en avait vraisemblablement détourné.

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