OPERAS - RECITALS - CONCERTS LYRIQUES
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STRASBOURG
20/10/2007
 
Jean-Marc Andrieu -  Les Passions
© JJ Adler


« Buxtehude en son temps »

Dietrich Buxtehude (1637-1707)
Prélude pour orgue en sol mineur, BuxWV 149
Cantate « Herren vår Gud » (Der Herr erhöre dich) BuxWV 40

Lovies Busbetzky
Cantate « Erbarm’ dich mein, o Herre Gott »

Dietrich Buxtehude
Cantate « Walts Gott meine Werk ich lasse » BuxWV 103

Georg Böhm (1661-1733)
Cantate « Mein Freund ist mein »

Nicolaus Bruhns (1665-1697)
Cantate « Die Zeit meines Abschieds ist vorhanden »


Anne Magouët, soprano
Jean-Louis Comoretto, alto
Sébastien Obrecht, ténor
Stephan Imboden, basse

Les Passions, orchestre baroque de Montauban
Flavio Losco, Nirina Bougès, violons
Jennifer Lutter, alto
Étienne Mangot, ténor de viole
Jean-Paul Talvard, violone
Yves Rechsteiner, grand orgue et positif (continuo)

Gilles Cantagrel, narrateur

Jean-Marc Andrieu, direction

Strasbourg, Saint-Guillaume, 20 octobre 2007

Une musique passionnante servie avec Passions


Lorsque l’on sort de ce concert, on se dit que tous devraient être présentés ainsi, avec un commentateur aussi passionné et passionnant que Gilles Cantagrel qui replace les œuvres dans leur contexte, avec force détails historiques, musicaux et anecdotes (telle celle rapportant que Georg Böhm avait l’habitude de jouer du violon en actionnant lui-même les touches du pédalier d’un orgue afin d’avoir davantage de basses !). L’apport des commentaires de Cantagrel pour une musique aussi peu connue est d’une richesse indéniable et l’on apprécie autant la qualité de son discours que son talent d’orateur.        

Une musique aussi peu connue disions-nous, et c’est fort dommage tant elle recèle des beautés d’une fulgurance inouïe telle cette cantate de Lovies Busbetsky, dont la Sinfonia d’ouverture enchaîne des harmonies toutes plus folles les unes que les autres. Les cantates de Georg Böhm ou Nicolaus Bruhns ne cèdent en rien à cet art de l’éloquence, comme le fait justement remarquer Gilles Cantagrel, ni en ingéniosité et en inspiration d’écriture. Enfin, les cantates de Buxtehude, autour de qui tous les autres compositeurs de ce concert ont eu à faire de près ou de loin, semblent posséder en germe toutes les inventions à venir, tel un pilier de cathédrale supportant une voûte, si ce n’est un clocher et sa flèche.

Ce qui frappe dans ce programme, c’est l’homogénéité du style de tous ces compositeurs qui ont semblé se fédérer autour de la figure tutélaire de Buxtehude, géant musical de son temps (rappelons que le jeune Bach fit 400 kilomètres à pied pour l’entendre !). L’extraordinaire vie, si ce n’est énergie, que renferment ces pages (parfois à la limite du sacré et du profane, tels ces récitatifs de basse sortis tout droit d’un opéra, ou ces basses obstinées hypnotisantes soutenant un discours foisonnant d’invention) mais aussi parfois l’intériorité et surtout la ferveur profonde qui en émane sont tout à fait prodigieuses.

Admirable programme donc, qui choisit justement de commencer par un magnifique Prélude de Buxtehude (ce qui permet d’entendre le splendide orgue Koenig de l’église, absolument parfait pour cette musique), servi par de tout aussi admirables interprètes.
On ne saura qui louer le plus, mais c’est bon signe : il y a là une fusion, une volonté (et un plaisir) de faire de la musique ensemble, et non de se mettre en avant. L’ensemble instrumental est parfait, avec notamment un continuiste, Yves Rechsteiner, extraordinaire (c’est lui qui joua superbement le Prélude auparavant sur le grand orgue) et les solistes vocaux impeccables. Le chef Jean-Marc Andrieu porte ses musiciens... et nous transporte, nous, public. Il avait demandé à ce que l’on n’applaudisse pas avant la toute dernière pièce, son souhait fut difficile à respecter tant les mains nous démangeaient et ce, autant après les pièces qu’après les commentaires de Gilles Cantagrel !

Merci pour cette alchimie entre un lieu magique, des œuvres passionnantes et des interprètes passionnés. Un concert inoubliable qui rend intelligent et heureux.


Pierre-Emmanuel LEPHAY
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