C O N C E R T S
 
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PARIS
11 & 17/02/2004

(© Opéra de Paris)
Vincenzo BELLINI

I CAPULETI ED I MONTECCHI

Livret de Felice Romani d'après la pièce de Luigi Scevola

Direction musicale : Bruno Campanella
Mise en scène: Robert Carsen
Décors et costumes : Michael Levine
Lumières : Davy Cunningham

Capellio : Giovanni Furlanetto
Giulietta : Ruth Ann Swenson
Romeo : Daniela Barcellona
Tebaldo : Tito Beltran
Lorenzo : Giovanni Battista Parodi

Orchestre et Choeurs de l'Opéra National de Paris

Représentations des 11 et 17 février 2004



Voilà une reprise qui n'a pas manqué d'attirer les amateurs de bel canto d'autant que cet opéra est le seul du genre programmé cette saison et qu'il y a peu de chances, gageons-le, que l'Opéra de Paris monte de nouveaux ouvrages appartenant à ce répertoire dans les années à venir.

Cette production qui a vu le jour en 1996 n'est sans doute pas la plus aboutie de toutes celles que nous a données Robert Carsen mais elle a le mérite d'être efficace, fonctionnelle, et d'une grande lisibilité. De plus il faut reconnaître qu'elle vieillit plutôt bien. Les décors de Michael Levine, tout en rouge et noir, aux couleurs des deux factions rivales, réduisent considérablement l'immense profondeur du plateau de Bastille et s'avèrent très flatteurs pour les voix. Si la gestuelle des protagonistes est assez convenue, on relève ici ou là quelques idées bienvenues comme cette scène muette, pendant le prélude du deux, où l'on voit Juliette errer parmi les victimes de la bataille et retourner les corps gisant à terre avec la crainte de trouver parmi eux, celui de Roméo. La scène du tombeau, extrêmement dépouillée, est visuellement très réussie.

Sur le papier, la distribution on ne peut plus alléchante confirmait une fois de plus l'habileté de Hugues Gall à renouveler l'intérêt du public en proposant à chaque reprise des interprètes différents et non des moindres. Cette fois c'est l'équipe entière qui a été changée par rapport aux éditions de 96 et 99. Les deux rôles principaux ont été judicieusement confiés à Ruth Ann Swenson dont les prestations in loco en Gilda, Manon et Antonia ont été autant de triomphes et à Daniela Barcellona, star montante du chant italien qui effectuait à l'Opéra de Paris, des débuts attendus.

Succédant à Andrea Silvestrelli et Sorin Coliban, Giovanni Furlanetto campe un Capellio digne et sobre à qui il manque toutefois un soupçon d'autorité pour être totalement convaincant.

Tito Beltran ne possède ni la vaillance de Marcus Haddock ni l'élégance de Raùl Gimenez. Son Tebaldo, tout d'une pièce, est chanté constamment forte, avec un timbre claironnant qui devient à la longue pénible pour l'oreille.

Tel n'est pas le cas de Ruth Ann Swenson qui dispose d'une palette de nuances infinie et dont les superbes pianissimi laissent l'auditoire pantois. On ne se lasse pas d'entendre cette voix ample et généreuse au timbre rayonnant qui fait d'elle une Juliette anthologique à faire pâlir Laura Claycomb et même Cristina Gallardo-Domas qui avait livré en 1999 un portrait fort émouvant de la jeune amoureuse. Son "Eccomi in lieta vesta" est sans conteste le plus somptueux qu'ont ait entendu depuis des décennies : le sommet de la soirée.

Hélas, son Roméo ne s'élève pas aux mêmes hauteurs, loin s'en faut. Disons-le d'emblée, Daniela Barcellona a bien déçu. Pourtant la cantatrice italienne s'était fait une réputation flatteuse en interprétant sur toutes les scènes, les plus grands rôles de mezzos rossiniens : Tancredi, Arsace, Malcolm, marchant ainsi sur les traces de Marilyn Horne. Le Roméo bellinien semblait destiné à cette voix qui cependant y trouve ses limites. Son air d'entrée "Se Romeo t'uccise un figlio" et surtout la cabalette qui suit, "La tremenda ultrice spada", la montrent à court de souffle, incapable de soutenir les aigus qui se transforment en cris et la laissent aux prises avec des vocalises qu'elle savonne allègrement. Quelques huées accueilleront cette contre-performance, notamment le soir du 17 février. Déjà en 2002 à Montpellier, sa prestation dans La Donna del lago, pourtant remarquable, révélait un aigu un peu raide. Les choses ne se sont guère arrangées depuis et l'on peut craindre pour l'avenir de cette chanteuse, même si elle parvient à se rattraper par la suite en proposant notamment une belle scène du tombeau, toute en émotion contenue. 

En vieil habitué de ce répertoire, Bruno Campanella cisèle une direction en tout point idoine, avec des tempos souvent retenus mais toujours pertinents, d'un raffinement extrême, bien loin de la vulgarité dans laquelle trop de chefs (Pido en 96 !) plongent cette musique.

Une reprise en demi-teintes, illuminée par la radieuse Juliette de Ruth Ann Swenson.
 
 
 

Christian PETER

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Lire également le dossier de Yonel Buldrini sur I Capuleti ed i Montecchi

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