C O N C E R T S
 
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TOULOUSE
19/04/2007
 
Carlos Alvarez & Béatrice Uria-Monzon
© Patrice Nin
Georges BIZET (1838-1875)

CARMEN

Opéra-comique en quatre actes
Livret de Henri Meilhac et Ludovic Halévy

Mise en scène, Nicolas Joel
Décors, Ezio Frigerio
Costumes, Franca Squarciapino
Lumière, Vinicio Cheli
Chorégraphie, Patrick Segot

Carmen, Béatrice Uria-Monzon (12, 15, 18,19, 21, 22)
 Maria José Montiel (14, 17, 20)
Don José, Marcelo Alvarez (12, 15, 19, 22)
 Zoran Todorovich (14, 17, 18, 20, 21)
Escamillo, Angel Odena
Micaela, Barbara Haveman
Zuniga, Jérôme Varnier
Morales, Ivan Ludlow
Le dancaïre, Francis Dudziak
Le Remendado, Philippe Do
Frasquita, Sophie Graf
Mercedes, Patrizia Fernandez

Chœur et Maîtrise du Capitole
Direction, Pierre Marie Aubert

Ballet du Capitole

Orchestre National du Capitole
Günter Neuhold

Toulouse, le 19 avril 2007


 


Une architecture monumentale domine cette production où de hautes parois montagneuses cernent et surplombent les personnages, à l’image du destin auxquels ils sont soumis sans pouvoir lui échapper. Le jansénisme de cette vision est accentué par l’austérité de la palette de couleurs, qui refuse le pittoresque et les costumes traditionnels. Ainsi l’Andalousie est réduite à une abstraction ; le drame auquel nous allons assister, échappant aux singularités locales, atteint à l’universel.

L’interprète du rôle-titre s’engage à fond dans cette conception ; sa Carmen est une épure qui dégraisse le personnage d’une tradition de séduction provocante. Ses vêtements ne sont guère moins austères que ceux de la sage Micaela. Ni accroche-cœur ni décolleté opulent. C’est une femme sans fard qui se donne pour ce qu’elle est, sans travestir ou truquer sa personnalité. Le spectacle y gagne une cohérence très forte.

On peut néanmoins s’interroger : en sacrifiant la couleur locale, on rend incompréhensible le commentaire « drôles de gens que ces gens-là » et on passe à la trappe le choc culturel vécu par Don José dans cette contrée si différente de son milieu originel, où il est coupé de ses références féminines et morales, ce qui le prépare d’ailleurs à succomber à la tentatrice. Quant à la séduction de Carmen, c’est physiquement qu’elle opère sur Don José, d’abord suffoqué par une sensualité qu’il perçoit comme animale et menaçante, et bientôt subjugué par cette enivrante proximité. Certes, Béatrice Uria-Monzon est belle ; mais son austérité volontaire la rend plus proche d’Audrey Hepburn que de la « bombe » sensuelle attendue, sinon souhaitable.

Peut-être faut-il voir dans cette conception et ce qu’elle entraîne de distance à l’égard de la tradition les raisons de la tiédeur qui a accueilli les « tubes » célèbres de l’acte I. Il est vrai aussi qu’enchaînant les représentations, Béatrice Uria-Monzon a peut-être présumé de ses forces ; par moments, le souffle est court et les graves sont poitrinés plus que nécessaire. Mais le rôle n’a plus de secrets pour le mezzo qui ne flanche pas, même si elle semble épuisée aux saluts.

A ces réserves près, la réalisation musicale et vocale offre de grandes satisfactions. Les chœurs, sollicités par les représentations successives, restent remarquables d’expressivité, de précision, de tenue, même si la cohésion des mouvements d’ensemble laisse parfois à désirer. L’orchestre répond amoureusement à la direction équilibrée de Günter Neuhold qui traite l’œuvre avec le souci d’en respecter les rythmes et couleurs (ouverture, prélude du troisième acte), ce à quoi il parvient superbement.

Les interprètes sont tous remarquables. Charmantes Frasquita et Mercedes, malgré quelques menues stridences pour Sophie Graf, efficaces Moralès et Dancaïre, percutant Remendado, Zuniga sûr de lui avec Jérôme Varnier. Angel Odena est un Escamillo de prix, prestance, aplomb vocal et scénique au rendez-vous. Barbara Haveman est une Micaela émouvante aux beaux moyens, qui, peut-être un peu fatiguée elle aussi par le cadence des représentations, donne l’impression au troisième acte de forcer légèrement.

Nulle trace de fatigue en revanche pour Marcelo Alvarez qui a chanté un Don José de grand ténor lyrique avec une santé vocale à rendre jaloux bien de ses collègues, une prononciation du français assez bonne et un contrôle de l’émission proprement admirable de justesse et d’efficacité, et ce malgré un engagement scénique constant et plutôt convaincant. Il triomphe, au rideau final, devant Carmen et Micaela, l’ensemble du plateau et la fosse recueillant les longues ovations d’un public assez réservé pendant la soirée.



Maurice SALLES


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