OPERAS - RECITALS - CONCERTS LYRIQUES
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PARIS
12/01/2008
 
Jean-claude Malgoire
© Danielle Pierre


Gioachino ROSSINI (1792 - 1868)

CIRO IN BABILONIA
Ossia la Caduta di Baldassare

Opéra en deux actes
Livret de Francesco Aventi
Création à Ferrare, le14 mars 1812

Version concert

Ciro : Nora Gubisch
Baldassare : Cyril Auvity
Amira : Elena de la Merced
Argene : Sophie Daneman
Arbace : Daniel Auchincloss
Zambri : Till Fechner
Daniello : Pierre-Yves Pruvot

Chœur de chambre de Namur
Jean Tubery
 
La Grande Écurie et la Chambre du Roy
Jean-Claude Malgoire

Paris, Théâtre des Champs-Èlysées
12 janvier 2008

Fouette cocher !

Fondateur de La Grande Écurie et la Chambre du Roy, dont il a pris les rênes en 1966, Jean-Claude Malgoire est un infatigable meneur. Au-delà de la musique ancienne qui lui a mis le pied à l’étrier de la renommée, cet orchestre pousse aujourd’hui des pointes jusqu’au XXe siècle. La passion de son chef, également musicologue : tenter de restituer les œuvres telles qu’elles ont été écrites. Présenté en concert, après l’Atelier lyrique de Tourcoing, au Théâtre des Champs-Élysées, ce drame avec chœur, à mi-chemin entre l’oratorio et l’opéra seria, se prête bien à l’exercice.

Ciro in Babilonia est considéré comme une ébauche de Tancredi. Au deuxième acte, on y entend même un long passage musical semblable. Notons aussi que l’œuvre fut créée à Ferrare, où malgré son heureux dénouement, elle fit un fiasco tout comme la version tragique de Tancredi. Cela donne à penser que, fin joyeuse ou non, le public de cette cité n’était décidément pas mûr pour apprécier l’art du tout jeune Rossini.

Sous la conduite de son chef à la silhouette massive et aux gestes évoquant ceux du cocher d’un grand attelage qu’il incite à tenir sa route, l’orchestre restitue, sur des instruments d’époque cette partition étonnante d’invention. Airs concertants, bois et cors chantants, cellules répétitives, crescendos irrépressibles… Tout le pouvoir d’attraction d’une musique, alors en grande partie novatrice, est déjà présent.

Le livret, inspiré des historiens grecs et de l’ancien testament, conte une intrigue mi-profane mi-religieuse entremêlant tentative de s’emparer de l’épouse d’un rival vaincu et colère divine, intervention de mages, prophétie, sacrifice… Elle se termine, selon la morale chrétienne, par la punition des méchants et la récompense des bons.

Avec ses nombreux récitatifs et ses longues arias d’exposition, la première partie se déroule de manière assez fade et convenue. Inexperts dans ce répertoire, les principaux chanteurs ne parviennent pas vraiment à capter l’attention. Après une ouverture reprise de L’Inganno felice assez vivement menée, La Grande Écurie et la Chambre du Roy et le chœur d’hommes de Namur vont leur train de sénateur. Les spectateurs rossiniens puristes sont déçus, voire irrités par quelques couacs et le manque de satisfaction vocale. Quelques irréductibles, heureusement peu nombreux, s’enfuient à l’entracte.

Ils ont eu tort. Bien que les interprètes embarqués pour ce voyage dans la diligence Malgoire soient effectivement plus familiers de l’univers baroque, la magie de Rossini gagne du terrain. En même temps que sa chevelure rousse, Nora Gubisch libère sa voix de mezzo aux couleurs chaudes pour sa gran scena. Les fioritures ajoutées — dont elle ne possède ni la technique ni l’esprit — ne sont certes pas de mise dans cette équipée ; les graves manquent de puissance, mais elle soulève l’enthousiasme du public par la sincérité d’un chant généreux à l’émission très nette.

En dépit d’aigus un peu trop criés, la scène de prison, rappelant celle d’Amenaide dans Tancredi, est plutôt bien servie par la séduisante soprano espagnole Elena de la Merced. Elle est touchante dans le bel air « Vorrei veder lo sposo » que Rossini sauvera de l’oubli en le replaçant dans Mosè in Egitto. Le ténor, Cyril Auvity, ne cherche pas l’exploit ; il a la sagesse de ne pas forcer sa voix agréable, quoique petite. Dans le rôle court, mais crucial pour l’action, du prophète Daniel, le baryton Pierre-Yves Pruvot s’affirme avec un certain talent. Mentionnons enfin l’air de sorbet sur une seule note agrémenté uniquement par l’orchestre, chanté par la soprano Sophie Daneman. Ceux qui ont lu le programme l’attendent avec une curiosité qui ne sera pas déçue.

À l’arrivée, le chaleureux public du TCE, transporté lui aussi par l’heureuse conclusion, ne se montre pas avare d’applaudissements mérités. Tous les solistes, chanteurs et instrumentistes, sont embrassés ou salués par leur conducteur courageux, visiblement ému.

Brigitte CORMIER
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