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METZ
26/01/05
 
LA CLEMENZA DI TITO

Wolfgang Amades MOZART

Direction musicale : Jacques MERCIER

Mise en scène, décors,
costumes et lumières : Jean-Paul SCARPITTA

Tito : Jean-Francis MONVOISIN
Vitellia : Gillian WEBSTER
Sesto : Isabelle CALS
Servilia : Laure BAERT
Annio : Blandine STASKIEWICZ
Publio : Jean TEITGEN

Orchestre national de Lorraine
Choeurs de l'Opéra de Metz

Nouvelle production
Opéra-Théâtre de Metz, mercredi 26 janvier 2005

Cette production de la Clémence de Titus, première véritable nouveauté du mandat d'Eric Chevalier, offrait à l'Opéra de Metz l'occasion de tirer un trait définitif sur de récentes controverses et d'oublier un début de saison assez pâle. L'occasion a été saisie avec ce spectacle sobre mais soigné, servi par un chef enthousiaste et une distribution aussi jeune que talentueuse. Le rythme imprimé à la soirée, avec des récitatifs écourtés, gomme partiellement l'aspect statique qui résulte d'une trop stricte observance des règles de l'opera seria et empêche la Clémence de bénéficier de la même reconnaissance auprès du grand public que les autres opéras de maturité de Mozart. Du coup, on oublie sans peine la dernière production messine, immobile et glacée, qui valait surtout, il y a dix ans, par la présence de l'impérieuse Vitellia de Michèle Lagrange.

Metteur en scène, décorateur, costumier et créateur des lumières de la présente production, Jean-Paul Scarpitta choisit la carte de l'intemporalité pour souligner l'universalité des caractères. Les chanteurs sont placés dans un espace nu, que ne sculptent que les éclairages et des tulles peints d'un goût parfait, tandis que les costumes n'appartiennent à aucune époque précise : la Rome antique est ici revisitée par les Lumières, avec en prime une touche contemporaine. Dans ce cadre épuré, Scarpitta propose une direction d'acteurs très soigneusement réglée, dans laquelle chaque déplacement et chaque attitude ont été étudiés pour éclairer les tourments des protagonistes. L'engagement scénique des artistes donne vie et crédibilité aux personnages, et deux représentations allégoriques viennent à point pour conclure chaque acte. La sensualité, moteur du drame, est mise en scène avec force mais sans complaisance. Cette mise en scène, à la fois sobre et précise, est parfaitement conduite de bout en bout et offre au spectateur un éclairage pertinent sur les passions et les souffrances qui animent l'ouvrage, tout en le plaçant dans des conditions optimales pour goûter les nombreuses merveilles de cette partition très exigeante. Entre hiératisme et inutile agitation, le maître d'oeuvre de cette production a choisi un juste milieu tout à fait convaincant.

La distribution réunie par l'Opéra de Metz vaut avant tout par un remarquable quatuor féminin. Chacune de ces chanteuses affirme en effet une qualité de timbre, une maîtrise technique et un tempérament scénique affirmé qui lui permet de faire face à toutes les exigences de son rôle. L'Ecossaise Gillian Webster avait chanté à Nancy, en 1998, une Servilia charmante mais légèrement impersonnelle. Elle revient en Lorraine avec une voix élargie (elle a notamment tenu le rôle d'Elsa à Covent Garden) mais homogène et parfaitement contrôlée, qui lui permet de se jouer des vertigineux intervalles du rôle de Vitellia. Dès "Deh se piacer mi", elle impose une princesse véhémente et manipulatrice, mais aussi vocalement irréprochable, avec un registre grave bien assumé et jamais poitriné. Son intelligence musicale lui permet de rendre justice avec beaucoup d'émotion à son magnifique rondo "Non piu di fiori", véritable sommet de la partition. Elle partage les lauriers de la soirée avec Isabelle Cals, qui, elle aussi, témoigne d'une grande générosité vocale sans rien céder sur le plan technique. La mezzo française, très crédible dans le travesti et dont la voix semble désormais arrivée à pleine maturité, campe un remarquable et ardent Sesto. Elle nous offre un "Parto, ma tu ben moi" impétueux et parfaitement maîtrisé, avec un timbre rond et une musicalité irréprochable, puis déploie une grande palette expressive dans un émouvant "Deh per questo istante".

La jeune Laure Baert, révélée ici-même lorsqu'elle remporta le concours national des Voix d'or en 2003, affiche dans Servilia une assurance scénique qui lui permet d'arracher son personnage à la mièvrerie. Avec un timbre qui a gagné en pulpe, elle compose une jeune femme volontaire et chante avec la grâce requise son superbe aria "S'altro che lagrime". L'Annio séduisant et légèrement sopranisant de Blandine Staskiewicz concourt également à la réussite de la soirée. Le Tito de Jean-Francis Monvoisin est plus problématique. Je ne pense pas m'avancer en affirmant que le récitatif mozartien n'est pas le terrain d'élection de ce chanteur qui réalise par ailleurs une carrière fort honorable. L'écriture du rôle de l'empereur le met à mal à plus d'une fois et les longues vocalises de "Se all' impero" semblent excéder ses ressources. Pourtant, le ténor aborde sa partie avec probité et intelligence, et témoigne de respectables intentions musicales et dramatiques. Enfin, le rôle peu gratifiant de Publio met à nu les problèmes d'intonation de Jean Teitgen.

La direction de Jacques Mercier tient compte de certains apports baroqueux, mais s'inscrit dans une optique résolument classique. Dès l'ouverture, le chef messin impose une lecture contrastée et dynamique, dont la vivacité n'exclut pas la précision. Il mène avec un enthousiasme communicatif les forces d'un orchestre national de Lorraine une nouvelle fois desservi par l'acoustique très sèche du lieu. Il faut également souligner la bonne prestation des choeurs de l'Opéra de Metz, qui apportent leur pierre à l'édifice d'un spectacle efficace qui soutient l'attention sans discontinuer et sans la moindre faute de goût.
 
 

Vincent DELOGE
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