C O N C E R T S 
 
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ROME
19/06/06

Saimir Pirgu, Adriana Damato, Laura Polverelli, Alex Espositio
© DR
Wolfgang Amadeus MOZART

Cosi Fan Tutte

direction musicale : Roland Boër
mise en scène : Daniele Abbado
décors, lumières, costumes : Gianni Carluccio
éclairages : David Finn
chorégraphie : Alessandra Sini
Vidéo : Luca Scarzella
chef des chœurs : Roberto Gabbiani
Fiordiligi : Adriana Damato
Dorabella : Laura Polverelli
Despina : Nuccia Focile
Ferrando : Saimir Pirgu
Guglielmo : Alex Esposito
Alfonso : Andrea Concetti
 
Orchestre et Choeur de l’Accademia Santa Cecilia

Rome, 19/06/2006

Cosi devraient faire tutti

Amour et désillusion, grâce et gravité, rire et larmes, tendresse et cruauté – Cosi est cette petite dialectique, assez abstraite. Ensuite, on trempe cela où on veut : dans un salon rococo avec vue sur la mer, dans une arrière-boutique, dans une pizzeria, sur un court de tennis, dans un vaisseau spatial ou dans la grotte de Lascaux. Seule compte la mathématique des affects. Et là, assaut d’invention des metteurs en scène pour nous faire la démonstration de la démonstration. Le metteur en scène de Cosi, c’est souvent un Don Alfonso bis, en plus raseur.

Daniele Abbado, non. Lui est horloger plus que mathématicien. Homme de théâtre plutôt que de démonstrations. Don Alfonso est rieur, bonhomme et arrogant comme il doit l’être. Les deux filles sont pimpantes et écervelées. Despina est une coquine. Les deux garçons sont des benêts qui tournent vinaigre. Point commun : l’emportement, la vitesse, l’adhésion, l’absence de ce second degré qui se plante comme un panneau indicateur pour nous orienter vers le troisième, le quatrième (etc.) niveau de lecture. Il plane sur toute cette mise en scène l’esprit de jeunesse, la drôlerie, la gaieté simple – sans ajout de substances acides. Le théâtre dans le théâtre n’est pas surchargé de post-brechtisme (Despina se change dans la salle). Tout est dans la fluidité, la finesse du coup d’œil.

Les costumes façon Naples années 50 de, et d’effets de vidéo décalés mais très rusés de Luca Scarzella (avec matelots années 50 au sourire ultra-bright). Ensemble qui compose un Cosi sépia, où la nostalgie perce comme une vapeur légère, où la douleur n’est pas tenaillement cruel, mais fatalité ordinaire.

Dans la salle Petrassi du Parco della Musica, l’Accademia Santa Cecilia sonne plein et rond, avec des timbres succulents dosés impeccablement par Roland Boër.


© DR

Aucun des jeunes chanteurs de cette production n’était inexpert de son rôle. Disons même que chacun en était en quelque sorte spécialiste. Pour Adriana Damato, Fiordiligi est devenu un cheval de bataille, qu’elle enfourche avec une aisance peu commune. Si ses deux airs sont fort réussis, mais c’est dans les ensembles surtout qu’elle fait entendre la longue ligne mozartienne, les extases et les éplorations portées haut que Mozart lui réserve. Sa prestance scénique ne le cède pas à celle de Laura Polverelli. D’une féminité plus animale que sa consoeur, celle-ci se jette dans Dorabella tête baissée, fait entendre la nature qui commande, les instincts qui sollicitent, d’une voix charnue et sombre qui la destine maintenant à des territoires nouveaux. Il faudra retenir le nom d’Alex Esposito : son énergie scénique et sa personnalité vocale le destinent à devenir le Stéphane Degout italien, avec en plus quelque chose d’anguleux et de tranchant dans la voix qui pourraient demain faire de lui un Don Giovanni racé (il est aujourd’hui un Leporello) et après-demain un Scarpia grand format. Quant à Saimir Pirgu, c’est avec une voix ample et solaire qu’il se joue de toutes les difficultés du rôle de Ferrando : tant de santé vocale confond. Et que dire d’une Nuccia Focile qui, renonçant cette fois aux grandes tragédiennes qu’elle sait incarner, campe une Despina populaire, mains sur les hanches, moue en coin, cheveux en choucroute, qui fait s’écrouler la salle ? Face à elle, l’Alfonso distingué et roublard d’Andrea Concetti nous change des pervers qu’on a maintenant trop coutume de nous présenter.

 
Sylvain Fort
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