OPERAS - RECITALS - CONCERTS LYRIQUES
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LYON
25/01/2008
 
Diana Damrau
© DR (www.diana-damrau.com)


MOZART – SALIERI – GLUCK

Mozart
Thamos, KV 345 : musique de scène n° 5 & 2
Basta vincesti… Ah non lasciarmi KV 486a
Symphonie n°26 KV 184
Lucio Silla, Parto, m’affretto

Salieri
Basta voncesti… Ah non lasciarmi
L’Europa riconosciuta, Quando piu irato freme
Semiramide, Sento l’amica speme
Les Danaïdes, Par les larmes dont votre fille
La finta scema, Se spiegar potessi appieno

Gluck
Orphée et Eurydice,
Ballet des Ombres heureuses et Chaconne

Diana Damrau, soprano
Le Cercle de l’Harmonie
Jérémie Rhorer

Lyon, Opéra le 25 janvier 2008

Toute seule

Eh bien voilà ! On nous l’avait annoncé ; on l’avait craint ; on avait pu croire que la menace était écartée. Non ! Nous sommes entrés dans l’âge de la caricature ! On nous avait dit : « voyez, Minkowski dirige Scherza infida en 11 minutes » ; on avait regardé d’un œil mauvais Norrington donnant Mahler sans vibrato. Croyez-moi, ce n’était rien que tout cela ! Rien à côté de la « méthode » Rhorer !

Le disque qui sert de miroir à ce concert ne le laissait pourtant que moyennement supposer. In-sup-por-table ! Insupportable et douloureux comme un coup de poing dans le plexus qui vous laisse à la fois hébété et endolori. Pauvre Mozart qui vous tire les larmes, ainsi traité. Ah, oui ! La direction est énergique. Et sans doute elle peut faire quelque effet dans Thamos, scandée, burinée, comme un portique au drame. Ceci dit, le drame n’est pas là où l’on pense ! Donc, oui, la main de Rhorer est énergique. Elle n’est même que ça. A ce petit jeu, la symphonie KV 184 n’est qu’une succession de coups d’arrêt, d’accélérations, sans que le – beau – climat du mouvement lent puisse trouver à exister.

Mais si Rhorer sait être – extrêmement – rapide, il peut aussi être impitoyablement lent. Le ballet d’Orphée étiré comme un vieux chewing-gum sans goût ne s’en remet pas. L’auditeur non plus, d’ailleurs. Ce n’est pas de l’hédonisme, cela, Monsieur Rhorer ; et surtout pas les Champs-Elysées. Où est le chatoiement ? Le frémissement ? La mobilité ?

Si encore l’orchestre était bon ! Mais non ! Il est vrai que les obligati font très belle figure. Mais le reste ! Le reste, ce n’est qu’attaques floues, imprécises ; cuivres naturels qui détonnent ; équilibres très instables où la partie droite écrase impitoyablement la gauche. Ce sont des cordes rêches, métalliques, sans aura ni portée ; le grand crescendo  de la chaconne d’Orphée n’arrive qu’avec les cuivres. C’est fâcheux. Autant que de faire ressembler la fin du si bel air de Lucio Silla à du Grétry.

Bref, Diana Damrau a bien du mérite d’être aussi impressionnante dans ce contexte. Elle qui doit exister sur la trame élimée et sans tendresse de ses deux Basta vincesti ; elle qui doit se superposer à la petite moulinette de Rhorer sur des Salieri qui, soyons franc, ne sont pas la quintessence de l’opéra des Lumières. Pourtant elle y arrive ; mieux elle vous marque.

Damrau, c’est un peu la fille illégitime de Moser et Gruberova : l’audace et la mécanique ! Gruberova qu’elle pourrait bien détrôner, la première, avec son Lucio impitoyable. Damrau, c’est donc une mécanique fabuleuse, maîtrisée ; des vocalises assénées avec une régularité métronomique ; un suraigu jeté comme une bravade. Mais Damrau c’est aussi un foyer. Un timbre assez indéfinissable, sans vrai grave, au medium nourri, dense, charpenté et à l’aigu dardé, je viens de le dire. Damrau c’est une féminité pulpeuse qui transforme l’essai de la virtuosité instrumentale de Salieri et croque des Mozart de sang, de chair, palpitants comme un cœur mis à nu. Tout cela avec, en plus, un côté bonne fille qui transparaît dès que la chanteuse redevient « juste » femme, lorsqu’elle salue, sourit.

Damrau, c’est une affaire que l’on veut suivre ; Rhorer, lui, c’est une affaire que l’on va subir, apparemment, encore longtemps si l’on en croit les commentateurs !


Benoît BERGER
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