C O N C E R T S
 
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MARSEILLE
16/11/2006
  
Blanche de la Force / Barbara Ducret - Chevalier de la Force /Gilles Ragon
© Photo : Christian Dresse

Francis POULENC (1899-1963)

DIALOGUES DES CARMELITES

Opéra en trois actes et douze tableaux
Texte de l’œuvre de Georges Bernanos
porté à l’opéra avec l’autorisation d’Emmet Lavery
D’après une nouvelle de Gertrud von Le Fort
Et un scénario du R.P. Bruckberger et de Philippe Agostini

Production de l’Opéra d’Avignon et des Pays de Vaucluse

Mise en scène, Jean-Claude Auvray
Décors, Antoni Taulé
Costumes, Maria Chiara Donato
Lumières, Philippe Grosperrin

Blanche de la Force, Barbara Ducret
Madame de Croissy, Zlatomira Natolova
Sœur Constance, Laura Hynes Smith
Madame Lidoine, Manon Feubel
Mère Marie, Marie-Ange Todorovitch
Mère Jeanne, Lucie Roche
Le Marquis de la Force, Kristian Paul
Le Chevalier de la Force, Gilles Ragon
L’aumônier, Christophe Berry
Le geôlier, André Heyboer
L’officier, Bernard Imbert
Premier commissaire, Christophe Mortagne
Deuxième commissaire, André Heyboer
Thierry, François Castel
Monsieur Javelinot, Frédéric Leroy
Sœur Mathilde, Brigitte Hernandez

Les Carmélites, Joëlle Humbert, Jeanne Rocchesani,
Sophie Oinville, Marie-Louise Evora
 Fabienne Magnetto, Hélène Gilles, Evelyne Dubreuil-Guérin,
Claire Nazarian, Florence Oundjian-Laurent,
Agnès Petit, Marianne Eggers-Pobbig

Rôles parlés, Laurence Stevaux (première vieille)
 Christiane Banus (deuxième vieille)
 Bernard Albertini (le vieux monsieur)

Orchestre et chœur de l’Opéra de Marseille
Chef de chœur, Pierre Iodice

Direction musicale, Patrick Davin

Marseille, le 16 novembre 2006

Du sang au couvent

Cinquante ans après leur création, les Dialogues des Carmélites pourraient avoir perdu de leur intérêt dans une société où la pratique religieuse en milieu chrétien est en net recul. Mais le sujet choisi par Poulenc est moins la caractérisation religieuse des personnages que son influence sur leur attitude face à la mort. L’actualité nous offre de nombreux exemples d’individus qui, comme les religieuses de Compiègne, décident de vivre leur foi au péril de leur vie. Certes, les différences sont grandes, entre des femmes qui acceptent la mort qu’on leur inflige et ceux qui choisissent de se tuer pour tuer des « ennemis ». Mais chez les unes comme chez les autres existe cette confiance dans un au-delà qui permet de surmonter la peur du mystérieux passage. On peut trouver là un réconfort ou un motif d’inquiétude. Cette ambiguïté, que l’œuvre ne résout pas, participe de sa richesse.

La version scénique proposée à Marseille est celle montée en 1999 à l’opéra d’Avignon. Jean-Claude Auvray et Antoni Taulé proposent une vision minimaliste, qui dépouille la scène des accessoires décoratifs. La représentation y perd en spectaculaire, elle y gagne en concentrant l’attention sur l’essentiel, le verbe qui est l’action. En outre cette sobriété rend les émotions des personnages plus intimes, plus immédiates, et résout ainsi la difficulté de faire vivre des thèmes abstraits. La scène est divisée en deux espaces, l’un à l’avant qui est tour à tour la bibliothèque du Marquis de la Force ou le vestibule du couvent, délimité par des panneaux coulissant latéralement pour révéler plus ou moins largement, à l’arrière, des lieux variables, parloir, chambre de la prieure ou chapelle du couvent. Le tableau final, où les carmélites quittent la scène pour un échafaud invisible, a gardé toute sa force.

 
Blanche de la Force/Barbara Ducret
Mère Marie / Marie-Ange Todorovitch
© Photo : Christian Dresse

Globalement, la distribution est satisfaisante, à deux réserves près. Barbara Ducret a la fragilité, la raideur et les élans de Blanche de la Force ; mais jusqu’à l’entracte elle semble n’avoir qu’un filet de voix acide, et sa diction manque de clarté. Zlatomira Nikolova fait craindre dans un premier temps qu’elle soit de ces chanteuses distribuées dans la Prieure alors qu’elles n’ont plus les moyens de contrôler l’homogénéité de l’émission ; la scène de l’agonie effacera heureusement l’impression.

Chez les hommes Kristian Paul est un Marquis impressionnant physiquement et vocalement ; Gilles Ragon chante le Chevalier un peu comme Werther, peut-être contraint par moments par un orchestre peu nuancé à forcer le trait. L’aumonier de Christophe Berry est bien en voix et les autres rôles masculins sans reproche.

En Madame Lidoine, Manon Feubel déploie sa voix opulente, d’une virtuosité presque excessive pour ce personnage peu sophistiqué, à en juger par les termes de sa première allocution. Constance est échue à une jeune Américaine, Laura Hynes Smith, dont la qualité du français pourrait faire envie à beaucoup de nos compatriotes. Elle prête au personnage le mélange d’ingénuité et de gravité requis et une voix pleine dont le chant est d’un naturel exquis. A suivre !

Autre prise de rôle pour Marie-Ange Todorovitch en Mère Marie de l’Incarnation. Probablement une des plus grandes réussites de cette artiste qui s’immerge dans le rôle dont elle surmonte l’écriture tendue en mettant cette performance vocale au service d’une interprétation scénique qui fait vivre la moindre nuance ce personnage passionné. Bravo Madame !

Bonnes prestations des autres participants, y compris du chœur. Il n’aura manqué à notre bonheur qu’un orchestre et un chef plus engagés. Pas d’accident à déplorer dans l’exécution de la partition, mais le souffle émotionnel que dégage la partition de Poulenc était un peu court, un peu tiède. Bref, dans la fosse la grâce n’était pas au rendez-vous !



Maurice SALLES
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