C O N C E R T S 
 
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MONTREAL
08/04/05
© Opéra de Montréal
DR
Claudio MONTEVERDI (1578-1643)

MADRIGAUX
(Extraits des Livres 7, 8 et 9)

Les stagiaires de l'Atelier lyrique 
de l'Opéra de Montréal

Henry PURCELL (1659-1695)

DIDON ET ÉNÉE
(Dido and Aeneas)

Opéra tragique en trois actes
Livret : Nahum Tate

Direction musicale : Jean-Marie Zeitouni
Mise en scène : François Racine
Assistant à la mise en scène : Sébastien Dubois

Décors : Sarah Heitz-Ménard
Costumes : Elli Bunton
Éclairages : David Desrochers
Chorégraphie : Lina Cruz

Didon : Ariana Chris
Énée : Étienne Dupuis
Belinda et Deuxième Dame : Allison Angelo
La Magicienne :Mia Lennox-Williams
Première Sorcière : Pascale Beaudin
Deuxième Sorcière : Charlotte Corwin
Esprit : Michèle Lozier
Un Marin : Pascal Charbonneau

Monument National
Salle Ludger-Duvernay

Montréal, 8 avril 2005

À Montréal, on sait peu de chose de Didon et Énée bien que dans le passé l'oeuvre y ait déjà été donnée soit en version de concert soit en version scénique. Elle vient d'entrer au répertoire de l'Opéra de Montréal (OdM), mais par le biais de son Atelier Lyrique et dans une production qui met à contribution ses stagiaires ainsi que des membres de l'École nationale de Théâtre du Canada (comme figurants et dans l'équipe technique). La réussite de cette production a valu à la troupe un beau succès marqué par des applaudissements nourris à la fin du spectacle. 

Vu sa brièveté, l'opéra est précédé d'un concert Monteverdi. Cinq madrigaux dont l'écriture illustre de façon significative le sens dramatique et la maîtrise contrapuntique du compositeur. Par leur rigueur stylistique, les solistes en font ressortir l'intensité émotionnelle même si on note ici et là un peu de retenue alors que cette musique fait appel à une palette sonore ample et fort élaborée. 

C'est dans un petit théâtre plus que centenaire de 800 places, à l'acoustique idéale, que Didon et Énée est présenté. Ce côté intimiste joue en sa faveur. Du début à la fin, on éprouve un réel plaisir à explorer, avec les artisans du spectacle, toute la richesse de l'oeuvre. Sur le plan scénique comme sur le plan purement musical, le public est convié à une réalisation de bonne tenue. 

La mise en scène traditionnelle de Robert Racine est remarquable par son efficacité et sa justesse expressive. Il s'en dégage une pensée élégiaque et des effluves qui nous ramènent au temps où l'oeuvre fut créée, elle concentre notre attention sur le jeu des protagonistes, en particulier Didon, personnage central des trois actes dont on suit le parcours, de l'amour naissant à la mort. Il ne laisse pas pour autant les autres personnages dans l'ombre. Belinda, par exemple, surveille activement les amours des héros éponymes. Pour Énée, il exige pourtant une discrétion un peu à l'image du temps qu'il passe en scène, ce qui a pour effet d'atténuer la portée dramatique du héros, heureusement, sans aucune conséquence fâcheuse sur l'impression d'ensemble. Racine tempère également le jeu de la magicienne et des sorcières dont on sait que l'action débridée pourrait en quelque sorte briser cet équilibre qui fait en partie la grandeur de l'ouvrage. Les contrastes ne sont pas évacués, loin de là, mais tout est fait avec mesure.

Réduit à sa plus simple expression, le dispositif scénique souligne la sobriété du jeu des acteurs. Un mur de pierre partiellement amovible jusqu'à la première scène du deuxième acte et ensuite, jusqu'à la fin de l'opéra, un écran sur lequel un arbre est projeté. Quelques pierres éparses et à la fin un petit rocher sur lequel Didon vient mourir. Avec des éclairages judicieusement orientés, le metteur en scène obtient des images diaphanes et d'une grande beauté dans le registre bucolique, en particulier au troisième acte. À l'exception des vêtements de Didon, d'Énée et des sorcières, tous les costumes sont dans des teintes pastel de gris ou de jaune. La reine vêtue de rouge, Énée dans son équipage guerrier et la magicienne en noir portent en somme la marque le leur emploi. Ce n'est pas exempt de ringardise, mais les contrastes sont saisissants. 

Il faut saluer un plateau d'une belle homogénéité, avec une mention particulière pour Étienne Dupuis. Son baryton bien timbré ne cesse de bonifier au fil des apparitions. Malgré son jeune âge, il déploie une belle musicalité et possède un agréable grain de voix. Après un excellent Lesbo (Agrippina) en début de saison et cette prise de rôle particulièrement réussie, on peut prévoir que des emplois plus importants sur la grande scène de l'OdM seront à sa portée. On lui reprochera tout au plus des gestes quelque peu stéréotypés, notamment sa réaction assez fruste lorsque Didon lui demande de partir. Ariana Chris, un peu moins à l'aise vocalement, incarne une reine à la fois douce et fière, dont la composition est plus aboutie. Sa voix cristalline aux aigus libres manque un peu de projection, surtout dans les moments de plus forte tension dramatique. Rien toutefois qui ne compromet sa prestation. 

En Belinda, Alison Angelo convainc par l'engagement scénique et la beauté d'un organe souple et fluide. Pour ce qui est des rôles secondaires, on retiendra le timbre velouté de la mezzo-soprano Michèle Lozier et la belle projection du ténor Pascal Charbonneau.

Notons encore l'excellente contribution du choeur. Composé également de stagiaires de l'Atelier Lyrique de l'OdM, il est impeccable de cohésion. À la direction de l'Ensemble Arion (douze instrumentistes), Jean-Marie Zeitouni offre aux chanteurs un soutien alerte et précis tout en prenant soin de faire ressortir les beautés harmoniques de l'oeuvre ainsi que les sonorités contrastées qu'elle renferme. Il sait lui communiquer un souffle épique digne de mention.
 
 

Réal BOUCHER
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