C O N C E R T S 
 
...
[ Sommaire de la rubrique ] [ Index par genre ]
 
......
MADRID - VIENNE
11 & 14/06/05
 
Giacomo Prestia
(Philippe II à Madrid)
Paata Burchuladze
(Philippe II à Vienne)
DON CARLO 

Giuseppe Verdi

Opéra en 4 actes
Livret de Méry et du Locle, d'après Schiller
 version italienne de Lauzières et Zanardini.

Filippo II : Giacomo Prestia
Don Carlo : Walter Fraccaro
Rodrigo, marquis de Posa : Simon Keenlyside
Le grand inquisiteur : Askar Abdrazakov
Un moine : Josep Miquel Ribot
Elisabetta de Valois : Ana Maria Sanchez
La princesse Eboli : Carolyn Sebron

Chef de Choeur : Jordi Casas Bayer
Mise en scène, décors et costumes : Hugo de Ana
Dir. musicale : Jesus Lopez Cobos
Choeur et orchestre titulaires du Teatro Real

Teatro Real, Madrid, 11 juin 2005

*****
Filippo II : Paata Burchuladze
Don Carlo : Johan Botha
Rodrigo, marquis de Posa: Georg Tichy
Le grand inquisiteur : Stefan Kocan
Un moine : Ain Anger
Elisabetta de Valois : Miriam Gauci
La princesse Eboli : Marianne Cornetti

Chef de Choeur : Ernst Dunshirn
Mise en scène, décors et costumes : Pier Luigi Pizzi
Dir. musicale : Philippe Jordan
Choeur et orchestre du Staatsoper

Wiener Staatsoper, Vienne, 14 juin 2005

LE ROI D'ESPAGNE TRIOMPHE EN CASTILLE.
 

Il est toujours intéressant de comparer deux représentations d'un opéra aussi riche que Don Carlo. Les deux théâtres proposaient une production traditionnelle mais disons tout de suite que Madrid l'emporte sur Vienne en ce qui concerne les représentations que nous avons pu voir.
Tout d'abord Madrid propose la version italienne intégrale incluant les inédits de Verdi alors que Vienne coupe certains passages, comme le début de la scène 1 de l'acte II.

Madrid l'emporte haut la main aussi pour l'aspect visuel. La reprise par le Teatro Real de la production de Hugo de Ana (coproduite avec Gênes et Turin) est pleinement justifiée. Certes la mise en scène est plus convenue qu' une production "façon Konwitschny" (cf Don Carlos critiquée ici en octobre). En revanche les yeux se régalent. Hugo de Ana a observé l'Espagne de Philippe II, son architecture, ses costumes. Il a travaillé de longs mois sur le legs artistique du règne de ce monarque. On a rarement vu dans un théâtre d'opéra des costumes aussi raffinés que ceux qu'il a dessinés : soie, taffetas, brocarts. Le spectateur aimerait pouvoir les observer de près, à commencer par les luxueuses chapes des six évêques présidant l'autodafé. Si l'on ajoute à cela des éclairages soignés, certaines scènes deviennent des tableaux du siècle d'or espagnol. On retrouve bien la pompe et le faste du grand opéra.

La production de Pizzi paraît plus économique, plus grise, plus austère, elle tire vers Zurbaran. Les choristes sont souvent habillés de gris, de noir, de blanc ; l'étoffe rappelle plus l'habit de moine que l'habit de cour. Une ou deux grilles, avec ou sans crucifix, sont les seuls décors. Il faut attendre l'autodafé pour retrouver une certaine magnificence.

L'orchestre du Teatro Real a bien progressé sous la direction de son chef titulaire Lopez Cobos. Sans se hisser au niveau du Philharmoniker il offre une lecture cohérente de l'oeuvre. Les choeurs madrilènes et viennois sont excellents et les directions de Jordan et de Lopez Cobos sont également convaincantes et équilibrées.

Côté chant, les voix masculines de Madrid éclipsent celles de Vienne. Certes Walter Fraccaro pourrait adopter un chant plus nuancé et améliorer son phrasé, mais le chant est généreux. Son homologue Johan Botha est parfois couvert par l'orchestre et la voix paraît plus terne.

Simon Keenlyside n'a aucun mal à éclipser Georg Tichy en beauté du timbre, en projection et en qualité de jeu. Du duel Paata Burchuladze/Giacomo Prestia l'Italien sort grand vainqueur. La basse georgienne semble prisonnière de défauts d'articulation et son italien est difficile à supporter. Prestia est LA révélation de la soirée : émouvant dans son grand air de l'acte III, superbe de classe et de retenue, il impressionne par des moyens vocaux confondants : aigus percutants, graves sonores : une interprétation modèle.

Les deux inquisiteurs manquent de coffre et leur voix sonnent en retrait par rapport à celle de leurs collègues.

Vienne a cependant le dessus pour les voix féminines. Miriam Gauci est une Elisabetta parfois couverte par l'orchestre mais au chant bien conduit, au souffle contrôlé, ce qui lui permet quelques beaux piani. Ana Maria Sanchez ne démérite pas mais le souffle est plus court, l'actrice un peu empruntée et les extrêmes de la tessiture la montrent moins à l'aise. La princesse Eboli de Carolyn Sebron cède le pas devant Marianne Cornetti. La mezzo américaine bénéficiait il y a quelques années d'un timbre intéressant propre aux chanteuses noires mais la voix semble de plus en plus fatiguée au cours de la soirée. Le dernier air est emporté de haute lutte contre une voix érodée ; on frôle l'incident. Marianne Cornetti, tout comme sa consoeur, n'est pas agile dans les doubles croches de l'air du voile, mais ses réserves étant faites, la voix est homogène et l'incarnation satisfaisante.

Dans la supériorité de Madrid sur Vienne, pour ce qui est de cette représentation, faut-il voir un signe historique ou géographique ? Le Prado est à quelques centaines de mètres du Teatro Real et l'Escorial à quelques kilomètres...
 
 

Valéry FLEURQUIN
[ Sommaire de la Revue ] [ haut de page ]