OPERAS - RECITALS - CONCERTS LYRIQUES
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MONTPELLIER
22/07/2007
 
© Marc Ginot


Wolfgang Amadeus MOZART (1756-1791)

DON GIOVANNI

Opéra en deux actes
Livret de Lorenzo da Ponte

Conception et mise en scène: Jean-Paul Scarpitta
Assisté pour la mise en scène de: Jean-Yves Courrègelongue
Lumières: Urs Schönebaum

Direction des Choeurs : Noëlle Geny
Chef de chant : Sébastien D'Hérin


 Don Giovanni : Franco Pomponi
Donna Anna : Raffaella Milanesi
Don Ottavio : Cyril Auvity
Il Commendatore : Peter Lindroos
Donna Elvira : Isabelle Cals
Leporello : Henk Neven
Masetto : Nicolas Courjal
Zerlina : Anna Kasian

Orchestre du Concert Spirituel en résidence à Montpellier
Choeurs de l'Opéra National de Montpellier

Direction musicale: Hervé Niquet

Montpellier, Opéra Comédie
Dimanche 22 juillet 2007

Don Giovanni sans couleurs


Le Festival de Montpellier qui s'est spécialisé dans l'exhumation d'oeuvres rares ou peu jouées, fait cette année une exception en proposant ce Don Giovanni qui permet à Hervé Niquet et son orchestre, en résidence dans la ville, d'interpréter leur premier opéra de Mozart.

Malgré l'estime que nous avons pour le chef français, force est de reconnaître que sa conception de l'oeuvre laisse perplexe. L'orchestre, en premier lieu, n'est pas au sommet de sa forme: vents à la justesse aléatoire et cordes grinçantes agressent d'emblée l'oreille. L'ouverture passablement brouillonne, les choix curieux des tempi souvent ralentis à l'extrême (l'air du Champagne) ou inexplicablement accélérés, les nombreux décalages (tout le début du second acte), trahissent une approximation  évidente qui, on le souhaite, se corrigera lors des reprises prévue en avril 2008.

La distribution vocale est dominée par le Don Giovanni de Franco Pomponi dont la virilité exacerbée est soulignée par un costume des plus suggestifs. La voix, sans être immense, sonne agréablement et le personnage dans sa course effrénée vers l'abîme est subtilement construit. Sa sérénade, reprise pianissimo, sera très applaudie.

Le Commendatore de Peter Lindroos arbore un timbre caverneux, pleinement convaincant, notamment dans son affrontement final avec Don Giovanni;

Cyril Auvity déçoit au premier acte, la voix semble engorgée et le registre aigu quelque peu acide. Fatigue passagère ? Il se rattrape pourtant au second, et son air "Il mio tesoro", finement nuancé emporte l'adhésion du public.
 
Nicolas Courjal est un Masetto impeccable, à la voix homogène, d'une belle musicalité. En revanche Henk Neven, très crédible scéniquement, n'a pas les moyens d'un Leporello, faute d'un registre grave solide. Sa prestation démontre qu'être un bon acteur ne suffit pas quand la caractérisation vocale du personnage est inexistante. Que dire de cet air du catalogue débité sans malice ni truculence aucune?

Côté femme, on n'est guère davantage à la fête. Isabelle Cals aborde Elvira avec les moyens d'un contraltino léger et ne peut masquer les stridences de son registre aigu ni ses écarts de justesse dans "Mi tradi'". Raffaela Milanesi peine dans le premier air de Donna Anna. Elle se rattrape au second acte mais sa composition globale du personnage demeure somme toute sommaire. En outre les timbres des deux cantatrices ne sont pas suffisamment différenciés ce qui nuit à leur crédibilité dramatique.

Seule la jeune Anna Kasian tire pleinement son épingle du jeu. Dotée de moyens prometteurs, elle campe une Zerline délicieuse au timbre ravissant et fruité.

Jean-Paul Scarpitta, grand habitué du Festival, signe ici sans doute sa production la plus aboutie. Peu de couleurs dans cette conception, si ce n'est le manteau bleu qu'arbore le Don au deuxième tableau. Noirs sont les décors et blancs la plupart des costumes à l'exception du ciré d'Elvira. Un ciel grisâtre et nuageux en guise de toile de fond plonge l'oeuvre tout entière dans une atmosphère onirique et presque irréelle qu'accentue la présence sur le plateau de danseurs aux mouvements ralentis, en lieu et place des choristes, relégués dans la fosse. Des cintres, descendent deux grand miroirs sans tain dont Scarpitta tire le meilleur effet, par exemple lorsque Don Giovanni chante sa sérénade à l'avant-scène, dos au miroir dans lequel son reflet semble faire face à "la cameriera di Don Elvira" qui s'avance de l'autre côté. Saisissante est la scène du cimetière où les tombes sont représentées par des figurants couchés tels des gisants - ou assis - tandis que des ombres fantomatiques ondoient dans le lointain. Enfin, le lustre gigantesque qui descend sur le plateau au début du dernier tableau est du meilleur effet.
Cette vision dont la noirceur assumée évacue l'aspect "giocoso" de la partition n'en demeure pas moins d'une cohérence exemplaire.




Christian PETER


Notes
Opéra
enregistré et diffusé sur France Musiques le 1er septembre 2007, 20h.
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