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VIENNE
05/08/06

G. Finley (Don Giovanni) & H. Müller-Brachmann (Leporello)
© Armin Bardel
Wolfgang Amadeus MOZART (1756-1791)

DON GIOVANNI

Livret de Lorenzo Da Ponte

Don Giovanni : Gerald Finley
Commandeur : Attila Jun
Donna Anna : Myrtò Papatanasiu
Don Ottavio : Mathias Zachariassen
Donna Elvira : Heidi Brunner
Leporello : Hanno Müller-Brachmann
Masetto : Markus Butter
Zerlina : Adriane Queiroz
 
Mise en scène : Keith Warner
Décor : Es Devlin
Lumières : Wolfgang Göbbel
Radio-Symphonieorchester Wien
Arnold Schoenberg Chor (chef de chœur :Erwin Ortner)
 Direction musicale : Bertrand de Billy

Nouvelle production du Theater an der Wien,
coproduite avec l’Opéra royal de Copenhague

Theater an der Wien,Vienne, 6 août 2006

Du neuf avec du vieux

Les occasions de voir Don Giovanni ne manquent pas. Et pour ce qui est de Mozart à Vienne, on frise cette année l’overdose. Voir une énième représentation du chef d’œuvre Da Ponte/Mozart n’était pas une priorité absolue. Oui, mais voilà, cette nouvelle production de Keith Warner était précédée d’une rumeur favorable, les échos de la Première ont aiguisé notre curiosité, et nous avons fini par céder et par rempiler.

Disons-le d’emblée, ce Don Giovanni est une réussite scénique et musicale. Oublions les mises en scène traditionnelles, telle celle du Staatsoper, respectable pour les néophytes ou les touristes, mais sans surprise. L’approche de Keith Warner pose un regard neuf sur l’œuvre mythique. Sur le rideau se découpe l’enseigne lumineuse : « Hotel Universale ». Leporello est le gardien de nuit de cet hôtel de luxe. Surgissent de l’ascenseur Don Giovanni et Anna, puis le Commandeur. Exit paysans et paysannes, place aux clients fortunés, femmes de chambre, grooms et autres chasseurs.

Il se passe des choses bien étranges dans ce grand hôtel. En appelant l’un des deux ascenseurs, Leporello peut montrer à Elvira les conquêtes féminines de son maître. Au gré des montées et descentes des deux appareils, les rencontres fâcheuses se multiplient. De temps en temps le décor devient couloir à l’étage avec ses rangées de portes, portant le numéro de la chambre. On organise même des soirées à thème : on retrouve le bal masqué pour la fin de l’acte I. C’est parmi les bagages et les caisses que Don Giovanni et Leporello découvrent, sous verre, une tête (de commandeur) qui bouge et répond à l’invitation finale.


Adriane Queiroz (Zerlina) & Arnold Schoenberg Chor
© Armin Bardel

La liste des idées nouvelles introduites dans cette production serait trop longue à établir. Elle peut choquer les partisans du respect à la lettre des didascalies d’origine, mais le public ne s’ennuie pas car il découvre un nouveau Don Giovanni, tantôt drôle, tantôt inquiétant.

Le dénouement, lui aussi, n’échappe pas à l’originalité. Don Giovanni et Leporello titubent, leurs cheveux ont blanchi. Lorsque le commandeur surgit du sous-sol, à l’endroit même où il fut tué et où fut dessiné le contour de son cadavre, Don Giovanni, frappé par Donna Elvira, est déjà en train de cracher son sang et de chanceler. Lorsque Don Giovanni donne sa main au commandeur, point de descente aux enfers avec l’envoyé de l’au-delà, mais il se retrouve enfermé dans une boîte en verre où il agonise.

C’est la vision terrifiante qui restera gravée dans nos mémoires puisque nous assistons à la version viennoise de 1788, sans l’épilogue. Les cinq autres personnages ne reviennent pas tirer la leçon de l’histoire avec Leporello. Une vision comme les romantiques du XIXe l’affectionnaient.

Puisque nous évoquons les coupures ou les ajouts, la partition entendue ne comporte pas le deuxième air de Don Ottavio, mais réintroduit le duo « Per queste tue manine » presque jamais donné entre Zerlina et Leporello.

Il fallait pour endosser cette vision renouvelée de l’œuvre une solide équipe. Dans la fosse l’orchestre de la radio viennoise sous la direction de son titulaire n’appelle aucun reproche. Bertrand de Billy a su convaincre par la justesse de ses tempi, l’attention portée aux chanteurs, l’équilibre des pupitres et l’alliance du drama et du giocoso.

L’équipe de solistes réunis est homogène et a accompli un beau travail d’acteurs. Gerald Finley et Hanno Müller-Brachmann sont remarquables; Attila Jun est un commandeur suffisamment sonore ; Heidi Brunner une Elvira émouvante ; le Don Ottavio (en col romain) de Mathias Zachariassen satisfaisant. Seul le timbre de Myrto Papatanasiu peut paraître à certaines oreilles un peu dur ; on aimerait entendre plus de mezza di voce. Markus Butter et Adriane Queiroz ne dépareillent pas l’ensemble.

Franc succès au rideau final, ce Mozart rebattu s’est finalement révélé une heureuse surprise.


 
Valéry Fleurquin
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