OPERAS - RECITALS - CONCERTS LYRIQUES
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SAINT DENIS
20/06/2008

Ophélie Gaillard (violoncelle & direction) © DR

Antonio Vivaldi

Stabat Mater
RV 621
Nisi Dominus RV 608
Concerto pour deux violoncelles RV 131
Concerto pour violoncelle RV 424

Francesco Geminiani
La Follia pour cordes

Max-Emanuel Cencic, contre-ténor
Xavier Sabata, contre-ténor

Ensemble Pulcinella
Ophélie Gaillard, violoncelle & direction


Vendredi 20 juin 2008, Basilique Cathédrale.
Concert donné dans le cadre du Festival de Saint-Denis

King size


Luxe, calme et volupté


Le concert débute par un entraînant concerto vivaldien pour 2 violoncelles, très aérien, mais tout au long duquel les musiciens lutteront contre l'acoustique réverbérante de la Basilique, qui privilégie les graves, et rend les contours imprécis. Les attaques des cordes en sortent comme amollies, diffuses, renforçant encore le parti-pris d'Ophélie Gaillard (toujours aussi ravissante) d'une lecture apaisée et lumineuse. Les Allegro sont enjoués mais sans vivacité, le Largo noble et mélancolique. L'archet de la belle Ophélie, velouté et soyeux, glisse sur les articulations, refuse de marquer trop abruptement les temps forts, préférant la suggestivité sensuelle au dynamisme rugueux. Certes, l'orchestre comme le violoncelle sont baroques, mais les cordes en boyaux ne masquent pas un aimable legato, et une certaine propension à mettre la mélodie fortement en avant. Cette vision sereine - et qui n'est pas si éloignée de celle d'un Christopher Hogwood voici déjà 20 ans – surprend aujourd'hui, parce que les baroqueux italiens fougueux d'Europa Galante ou d'Il Giardino sont passés par là, nous régalant de trilles échevelés, d'archets grinçants jusqu'à l'ivresse, de crescendos incendiaires quoique stylistiquement douteux. Parce que Vivaldi devient synonyme de spectaculaire virtuosité, de déferlement pyrotechnique. Et cette musicalité un brin contemplative, presque flegmatique, plus proche des vedute de Canaletto que d'un violent clair-obscur caravagesque, porte en elle un brin de nostalgie classicisante que l'on retrouvera dans le deuxième concerto. Seule l'entêtante Follia de Geminiani, avec ses variations sur cette basse obstinée si célèbre à l'époque, parviendra à faire preuve d'un réel mordant.


Max Emanuel Cencic ©DR

Côté église : le Stabat Mater et le Nisi Dominus ont été confiés à deux contre-ténors différents. Xavier Sabata, en dépit d'aigus bien projetés, manque parfois de souffle et de stabilité. L'émission est comme voilée, les notes parfois prématurément abrégées, les vocalises heurtées, les graves très aplatis. Toutefois, si la technique est défaillante, l'implication fervente du chanteur fait plaisir à voir, et le timbre est agréable, rappelant la transparence de Bowman. Max-Emanuel Cencic, quant à lui, fait preuve d'un chant puissant et véloce, plus cuivré et "viril" que celui de son confrère. Le contre-ténor a pris du temps pour s'échauffer, les aigus étant au départ assez étroits, mais le "Sicut sagittae in manu potentis", interprété avec une spontanéité et une justesse désarmantes, a montré de quel cordes vocales cet homme-là était fait.

Pour ces deux motets, l'Ensemble Pulcinella a accompagné avec discrétion et complicité les chanteurs. On distinguera parmi le continuo feutré l'excellent théorbe de Massimo Moscardo et la résonnante contrebasse de David Sinclair. Le premier violon a semblé désaccordé à plusieurs reprises, mais de tels inconvénients sont tout à fait normaux avec les instruments d'époque (si sensibles aux changements de température), et le passage avec viole d'amour obligée dans le "Gloria Patri" lui a permis d'exprimer un jeu tendre et ample. 

Un sympathique duo haendelien (le "Coronata di Gigli e di Rose" pour castrats extrait de Tamerlano, si notre mémoire est bonne) a conclu cette soirée à la suavité toute italienne, et à laquelle ne manquait qu'un brin de folie et d'emportement.


Viet-Linh NGUYEN
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