C O N C E R T S 
 
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BERLIN
27/09/05
WINDOWS & MIRRORS Kate Strong
© Monika Rittershaus
SEVEN ATTEMPTED ESCAPES FROM SILENCE

Libretto : Jonathan Safran Foer

Musikalische Leitung : Max Renne 
Bühnenbild : Hugo Gretler 
Kostümdesign : Janina Audick 
Dramaturgie : András Siebold 
Musikalische Beratung : Isabel Mundry 
Regieassistenz : Sandra M. Heinzelmann, Lorenzo De Nobili 
Bühnenbildassistenz : Gerd Neubert 
Kostümassistenz : Inga Timm 
Kostümhospitanz : Maren Geers, Ilze Vasiljeva 

Mitglieder der Staatskapelle Berlin
und der Orchesterakademie bei der Staatskapelle Berlin 

TUNNELS
Komposition : Karim Haddad 
Regie : Eszter Salamon 
Sopran : Ksenija Lukic, Anna Prohaska 
Tenor : Noriyuki Sawabu 
Bariton : Nicholas Isherwood 
Sprecherin : Kate Strong


TUNNELS
Ksenija Lukic, Noriyuki Sawabu, Anna Prohaska,
Nicholas Isherwood
© Monika Rittershaus

WALL
Komposition : Miroslav Srnka 
Regie : Peter Mussbach 
Sopran : Anna Prohaska, Ksenija Lukic 
Mezzosopran : Regina Jakobi, Hanna Dóra Sturludóttir 
Alt : Heike Wessels 
Countertenor : Tim Severloh 
Bariton : Meik Schwalm 

WALL
Hannadora Sturludottir, Heike Wessels, Ksenija Lukic,
Anna Prohaska, Meik Schwalm
© Monika Rittershaus

ROPES
Komposition : Annette Schmucki 
Regie : Katarzyna Kozyra 
Sopran : Ksenija Lukic, Anna Prohaska 
Alt : Sabine Neumann 
Bariton : Nicholas Isherwood, Meik Schwalm 
Bassbariton : Assaf Levitin 

ROPES
Extra Thomas Funke on the ground, Nicholas Isherwood
© Monika Rittershaus

DOORS
Komposition : Larisa Vrhunc
Regie : Alex & Liane
Sopran : Anna Prohaska
Mezzosopran : Hanna Dóra Sturludóttir 
Countertenor : Tim Severloh 
Bariton : Meik Schwalm 
Bassbariton : Assaf Levitin

WINDOWS & MIRRORS
Komposition : Cathy Milliken 
Regie : Sjoerd Vreugdenhil 
Mezzosopran : Regina Jakobi, Hanna Dóra Sturludóttir 
Alt : Sabine Neumann, Heike Wessels 
Countertenor : Tim Severloh 
Tenor : Noriyuki Sawabu 
Sprecherin : Kate Strong 

IMPOSTERS
Komposition : Bernhard Lang 
Regie : Xavier Le Roy 
Sopran : Anna Prohaska 
Mezzosopran : Regina Jakobi 
Alt : Sabine Neumann 
Countertenor : Tim Severloh 
Bassbariton : Assaf Levitin 

SILENCE
Komposition : José-María Sánchez-Verdú 
Regie : Juan Dominguez 
Sopran : Ksenija Lukic, Anna Prohaska 
Mezzosopran : Hanna Dóra Sturludóttir, Regine Jakobi 
Alt : Sabine Neumann, Heike Wessels 
Countertenor : Tim Severloh 
Tenor : Noriyuki Sawabu 
Bariton : Meik Schwalm 
Bassbariton : Assaf Levitin, Nicholas Isherwood 

Das Projekt wird realisiert aus Mitteln des Hauptstadtkulturfonds und der Ernst-von-Siemens Musikstiftung. Mit freundlicher Unterstützung der American Academy, Berlin.

http://www.staatsoper-berlin.de

27 Septembre 2005

Une création mondiale dont le librettiste est le héros, on n'avait plus vu ça depuis longtemps. C'est pourtant ce que proposait le Staatsoper Unter den Linden comme inauguration de sa saison 2005-2006, un choix vraiment courageux pour un projet très ambitieux. La moyenne d'âge des personnages-clés ne devait pas excéder les trente ans et la star de la soirée en avait à peine 27. Le principe ? Une sorte de concours, d'émulation ou de réflexion sur l'opéra d'aujourd'hui, un unique livret mis en musique par sept compositeurs et mis en scène par sept artistes, vidéastes, danseurs ou tout simplement metteurs en scène. Le librettiste choisi, Jonathan Safran Foer, est encore trop peu connu dans le monde latin. Aux Etats-Unis, c'est ce qu'on appelle une shooting-star et l'adaptation cinématographique de son premier roman est déjà en salle de l'autre côté de l'Atlantique. Je termine actuellement la lecture de Everything is illuminated (1) et me délecte. Foncez, lisez-le et savourez l'intelligence, l'humour, le décalage de cette écriture épique de la même verve que celle de Jeffrey Eugenides.

L'équipe s'est rencontrée une première fois en 2004 puis chacun a travaillé dans son coin, d'abord l'écrivain puis les compositeurs Karim Haddad, Miroslav Srnka, Annette Schmucki, Larisa Vrhunc, Cathy Milliken, Bernard Lang et José Sanchez-Verdù. Le concours initial s'est développé en soirée à thème avec un livret en sept parties car un même livret pour tout le spectacle aurait ennuyé tant l'écrivain que le public (mais pas les musiciens). Richard Wagner avait révolutionné l'opéra en dissimulant l'orchestre, Jonathan Safran Foer, lui, rajoute une couche en rendant les chanteurs muets, un comble pour un opéra ! Ils sont emprisonnés dans le silence et essayent d'en sortir par différents moyens, tunnels, fenêtres, portes ou miroirs par exemple. Ils émettent néanmoins de nombreux sons mais les seules paroles distinctes émanent de leur gardien. L'écrivain s'est imprégné pour ce concept de l'atmosphère kafkaïenne du lieu de la représentation: le Magazin, l'entrepôt des décors.

Le Staatsoper Unter den Linden ne possède pas, à l'instar d'autres grandes maisons d'opéra, d'opéra studio. Mais pourtant l'alternative existe depuis deux saisons, dans le Magazin. Ce bâtiment, attenant à celui de la maison principale, a été construit lors de la rénovation-reconstruction de l'opéra après la seconde guerre mondiale. Il était alors l'entrepôt le plus moderne de l'époque: grâce à un système relativement simple de roulement à bille géant couplé d'un ascenseur, il permettait un accès facile à toutes les salles abritant les décors. Or, cet accès est vital pour un opéra de répertoire... Visuellement, il se présente un peu comme une prison avec son grand hall central sur lequel donnent les cinq étages des entrepôts. Chaque porte a son nom écrit à la craie, celui de l'opéra qu'elle abrite, Falstaff, Aida, Tannhäuser etc. Le directeur technique a frôlé l'infarctus quand il a été mis au courant du premier projet: des représentations, dans le lieu où tous ses techniciens passent leurs journées à travailler? Et bien oui, justement, leurs journées, ce qui laisse encore un bon nombre d'heures aux artistes pour envahir le lieu et y déployer leur chant... ou leurs acrobaties. Le directeur technique s'étant laissé séduire, il ne restait plus que la tâche de convaincre également les autorités et les pompiers. Ce qui, à quelques frayeurs et rebondissements près, s'est bien déroulé.

Après un spectacle très réussi où le public s'est littéralement emballé pour le lieu, la direction a donc décidé de ne pas s'arrêter là et de créer une saison annexe à la grande saison d'opéra, celle des Satellites. Une saison d'été puisque les locaux ne peuvent être chauffés, une saison diamétralement opposée à celle d'en face. Le contraste le plus criant est-il celui du lieu, entre les dorures de la grande salle rococo et la crasse industrielle, ou du public, entre les têtes blanches et noires voire blondes ? L'objectif est différent en tout cas, et, alors que la grande maison se veut garde-fou de la tradition, avec les grandes oeuvres, les stars et les grands metteurs en scène (même si ces derniers se renouvèlent enfin depuis le début de l'intendance de Peter Mussbach), la petite salle est encore plus alternative que la majorité des opéras studios: elle permet de réfléchir à nouveau sur le sens ou le pouvoir de la musique, elle génère une réflexion sur le genre "opéra" également, comme c'est le cas pour le projet qui nous intéresse.

La seconde production était une opérette dont les Allemands sont fatigués à force d'entendre ses rengaines chez leurs grands-parents le dimanche ou sur ces chaînes de radio qui ne passent que du Schlager : Blume von Hawaii, opérette à succès des années 1920, que le Staatsoper avait décidé de dépoussiérer. C'est la première production qui a été pensée directement pour le lieu et le décorateur s'en est donné à coeur joie: transformation d'un vieux container, utilisation des roulements à bille et de l'ascenseur pendant la représentation et j'en passe, le Magazin était célébré, le public affluait, de plus en plus nombreux. La mise en scène d'Andrea Schwalbach y était pour beaucoup, détonante, énergisante, même le plus sérieux des Allemands se surprenait à rire à gorge déployée!

Mais la direction voulait développer également une autre forme de spectacle, une autre forme d'engagement aussi. Son objectif était de travailler avec des amateurs ne faisant pas partie habituellement du public réceptif à la musique classique mais aussi avec des êtres humains dotés d'un cerveau inhabituel, de naissance ou à cause de l'âge: des enfants hyperactifs lors de la première saison, des personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer lors de la seconde. 

Ces dernières productions, enrichissantes, éprouvantes, ont sans doute apporté plus aux acteurs qu'aux spectateurs et c'est sans doute le cas ici aussi. Le chemin est passionnant, l'aventure tient en haleine, la lecture de la correspondance électronique m'a tenue éveillée jusqu'au bout de la nuit mais le résultat pose problème. En raison de la cohérence d'abord. Difficile de tenir le cap pour une soirée entière. La soirée relève de la performance, de l'expérimentation légèrement ennuyeuse. On aurait sans doute obtenu un spectacle plus agréable pour le public en confiant la mise en scène à un artiste, mais c'était hors propos, c'est l'équipe de production qui aurait trouvé cela terriblement lassant ! Musicalement, il y en avait pour tous les goûts et toutes les couleurs même si les voix et instruments utilisés étaient les mêmes. Les pièces de Karim Haddad et de Cathy Milliken étaient très soutenues, tout en finesse. Cela ressortait particulièrement de par la confrontation avec les autres, bien sûr. Je pourrais à présent détailler les 7 parties du livret, les 7 compositions, les 7 mises en scène et les 7 performances musicales. Je n'en ferai cependant rien, le but étant ici plutôt de faire partager un concept et un lieu, une atmosphère plutôt que de faire un protocole scientifique de la rencontre. Le Magazin vit et fait vivre de nouvelles aventures, le Staatsoper se secoue et l'expérience continue, pourvu qu'elle dure.
 
 

Lise BRUYNEEL
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(1)  Everything is illuminated, en français Tout est illuminé, Paris, Ed. du Seuil, coll. Points, P1183, 2003, 8,50 euros

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