C O N C E R T S
 
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TOURS
(Grand théâtre)

22/02/2002

 
L'Etoile
d'Emmanuel Chabrier

Direction musicale : Jean-Yves Ossonce
Mise en scène et adaptation : Vincent Vittoz
Décors et costumes : Philippe Léonard
Lumières : Thierry Fratissier
Chef des Choeurs : John S. Craven

Orchestre Symphonique de Tours
Choeurs de l'Opéra de Tours

Lazuli : Claire Brua
Laoula : Caroline Mutel
Aloès : Hjördis Thébaut
Ouf 1er : Georges Gautier
Hérisson de Porc Epic : François Nicolas Geslot
Siroco : Till Fechner

 

Par ces temps de grisaille hivernale, le Grand Théâtre a eu la bonne idée d'égayer l'esprit des Tourangeaux en présentant cette petite perle musicale qu'est l'Étoile d'Emmanuel Chabrier.

Les librettistes, Eugène Leterrier et Albert Vanloo auxquels il faut adjoindre la participation de Paul Verlaine ont élaboré un livret amusant aux vers bien écrits.

Verlaine, grand ami de Chabrier, fut l'auteur des paroles de deux opéras bouffes inachevés, Vaucochard et fils 1er et Fisch-Ton-Kan, dont certains couplets des plus connus (la romance de l'Etoile, le choeur du pal) se retrouvent tels quels ou légèrement modifiés dans l'Étoile.

La musique de Chabrier est audacieuse, étonnante de modernité pour l'époque de la création (1877) et on comprend que le public du théâtre des Bouffes Parisiens ait pu être quelque peu décontenancé.

Jean-Yves Ossonce nous précise que Chabrier, qui passait à la fin de sa vie de très longues périodes en Touraine, avait cherché à faire jouer l'Étoile à Tours sans jamais y parvenir : ainsi, cette nouvelle production répare en quelque sorte le manque d'intérêt d'un lointain prédécesseur ! (sic).

Le manque de précision du livret concernant le lieu de l'action (la capitale des Trente-six royaumes) a visiblement stimulé l'imagination de Michel Vittoz.

Le metteur en scène se rappelle son enfance et imagine un hangar au fond d'un jardin (ici un jardin désertique fait de dunes) où chacun d'entre nous a pu rêver d'un monde imaginaire, merveilleux et multicolore, et se projeter dans des histoires abracadabrantes peuplées d'êtres extravagants.

Le rêve de Michel Vittoz , concrétisé par les décors et les costumes un tantinet surchargés de Philippe Léonard, se situe à la frontière entre un pays du Maghreb et d'Afrique noire.

Ouf 1er a quelque chose d'un chef berbère avec un petit soupçon de roi africain du Burkina, le visage est peinturluré comme celui des Masaïs en état de guerre.

L'idée est amusante, on peut cependant reprocher à Mr Vittoz d'avoir tendance à tirer un peu trop le jeu des acteurs vers la bouffonnerie et la grosse farce, ainsi la poésie qui parsème l'oeuvre est complètement reléguée au second plan pour ne pas dire éclipsée ( je vous épargnerai donc la description très significative du pal dont le choeur aurait pu parfaitement s'accommoder des vers originaux de Verlaine) .

Vocalement, on reste sur sa faim.

Georges Gautier est un vétéran du rôle d'Ouf 1er (il avait déjà participé dans le même rôle aux représentations lyonnaises de 1984 ainsi qu'à l'intégrale dirigée par John Eliot Gardiner), vingt ans après la voix n'accuse pas d'usure et le timbre est toujours aussi plaisant à l'oreille.

Si on ajoute à cela une interprétation cocasse, sans jamais tomber dans la vulgarité, il est véritablement la clef de voûte du spectacle.

Satisfaisantes également les voix de Caroline Mutel, soprano léger aux jolis aigus, qui affronte sans difficultés le rôle de Laoula, et de Hjördis Thébaut, mezzo au timbre chaud qui rend le personnage d'Aloès attachant.

En revanche, le Lazuli de Claire Brua déçoit beaucoup : voix ténue, inaudible dans l'aigu et le grave (au point qu'on ne l'entendait plus dans le rondeau du colporteur), timbre métallique désagréable, bref un Lazuli bien pâle qui ne restera pas dans nos souvenirs.

Les prestations de François Nicolas Geslot, Till Fechner et Thierry Vallier, alias Hérisson, Siroco et Tapioca n'appellent pas de remarques particulières, leurs interventions vocales étant plutôt réduites.

La direction de Jean-Yves Ossonce est inégale (j'en attendais mieux surtout dans l'interprétation de Chabrier), parfois l'orchestre sonne bruyant et lourd couvrant un peu trop les voix, puis soudain l'équilibre revient et l'on retrouve une orchestration légère, éthérée, poétique qui nous vaut de beaux moments (je pense au divin quatuor des baisers).

On notera ici et là quelques décalages de l'orchestre avec les voix, remarqués par exemple dans le quatuor de l'acte 1.

Je finirai par un très grand bravo aux Choeurs de l'opéra de Tours admirables à tous points de vue et qui ont la part belle dans cette oeuvre.

Je pardonne donc à Mr Craven, chef des Choeurs et mon voisin ce vendredi soir, ses rires gras et sonores qui ont contrepointé l'orchestre pendant toute la soirée, pour l'excellence de son travail.

Alain Colloc

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