C O N C E R T S
 
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METZ
Opéra de Metz

16/11/2001

 
Fidelio

Ludwig van Beethoven

Production de l'Opéra de Metz
d'après une mise en scène de Bernard Broca

Direction musicale : Marco Zambelli
Décors et costumes : Jean-Pierre Capeyron
Lumières : Patrice Willaume

Léonore : Lisa Houben
Florestan : John Uhlenhopp
Rocco : François Loup
Don Pizzaro : Patrice Berger
Marzelline : Valérie Debize
Jaquino : Florian Laconi
Don Fernando : Eric Martin-Bonnet

Choeurs de l'Opéra de Metz et l'Ensemble Mille e tré

 


Dans la brochure pliée en 8 qui fait désormais office de programme, comme dans d'autres Opéras qui cherchent à faire des économies, nous lisons avec surprise une "Lettre du metteur en scène au spectateur" qui nous indique que le metteur en scène , Bernard Broca, n'a pas souhaité figurer dans le programme. En effet, ce Fidelio, est une reprise d'un spectacle de 1994. La mise en scène que Bernard Broca avait conçue alors présentait en effet une particularité étonnante: elle faisait figurer dès le début de l'ouvrage le grand air de Léonore, qui apparaissait d'abord en femme, pour se retrouver travestie en homme à la fin de la scène. Bernard Broca voulait ainsi mettre en avant la figure de "cette femme d'exception chantant son amour, sa rage, sa haine enfin" et faire de cet air une sorte de "credo".

Belle idée je trouve, et certainement images saisissantes de voir entrer sur scène une femme, et d'en voir ressortir un homme... Le sacrifice et la détermination de Léonore n'apparaissant que plus forts encore par la suite. Mais voilà, cette idée qui avait trouvé l'accord du chef et de la chanteuse de la création de cette production, ne l'a pas retrouvé en la personne du chef de cette reprise, Marco Zambelli. "J'ai choisi la tempérance et la conciliation, abandonnant de ce fait ce qui me tenait très à coeur" nous dit Bernard Broca dans ce texte courageux, qui nous rappelle qu'une production d'opéra est un travail d'équipe, une symbiose, et non une simple somme de talents.

Le spectacle actuel a-t-il eu à souffrir de cette modification ? Je crois que non, tant le fameux chef, Marco Zambelli, mettait superbement en relief tous les ressorts dramatiques de l'oeuvre avec une direction très tendue et vivante qui convient très bien à cette partition. La Philarmonie de Lorraine qu'il dirigeait est pour moi un mystère. Comment cet orchestre peut il être sûr, très professionnel, absolument superbe de son et de prestance en concert, et être si rêche et approximatif à l'Opéra ? Est-ce dû aux solistes, différents selon le lieu ?, aux chefs ?, à l'acoustique des salles (sèche à l'Opéra, très petite salle, magnifique et légèrement réverbérée dans la grande salle de l'Arsenal) ? Toujours est-il que l'orchestre a paru en petite forme, ou/et pas assez préparé, et le pupitre des cors, si sollicité dans cette oeuvre, manquait singulièrement de puissance et d'assurance. Quelques décalages fosse-scène ternissaient également la prestation.

Distribution "maison" si je puis dire puisque nous retrouvions des artistes que nous avons déjà entendus dans d'autres productions de l'Opéra de Metz (qui, rappelons-le, est un des rares Opéras de France à renouer avec la tradition de troupe, puisqu'il accueille chaque année de jeunes "artistes en résidence" qui se distinguent dans les différentes productions de la saison). Cette distribution brillait par ses seconds rôles, du vétéran François Loup, très beau et humain Rocco, au très jeune, et prometteur Florian Laconi (24 ans) en Jaquino, en passant par les beaux baryton et basse de Patrice Berger en Pizzaro
et Eric Martin-Bonnet en Fernando. Quant aux rôles principaux, ils n'ont pas totalement convaincus du fait d'un timbre très nasal et un peu étranglé dans l'aigu de John Uhlenhopp (Florestan) et d'une prestation très inégale de Lisa Houben en Léonore, avec une voix aux aigus parfois courts et tendus, parfois plus épanouis (surtout dans les ensembles), mais belle de timbre. Les choeurs comme souvent à Metz étaient très beaux. Il est heureux de constater que même dans de "petites maisons" comme l'est l'Opéra de Metz, cet
élément n'est pas sacrifié (je préfère que ce soit les programmes !!).

Mais revenons-en à cette fameuse mise en scène de Bernard Broca, qui personnellement ne m'a pas enthousiasmé.

Elle offrait une transposition de l'action au XX° siècle, avec Gouverneur en costume noir trois pièces, entouré de soldats en treillis, et décor représentant.....quoi d'ailleurs ? Un escalier en ciment ou figurent quelques fauteuils de cinéma, des murs sales et délabrés, des déchets à droite à gauche: cadre d'une prison de fortune dans une ville dévastée par une guerre ? Tout celà n'est pas bien beau et convaincant. Celà fait un peu "tape-à-l'oeil" et n'apporte pas grand chose à l'oeuvre de Beethoven, si ce n'est son universalité, et son intemporalité. Mouais, bon... Reste cependant une certaine efficacité dramatique par un rythme et une direction d'acteurs qui font qu'on ne s'ennuie pas.

Bref, une soirée d'un niveau qui n'est pas transcendant, mais d'où vient alors cette sensation de bien-être à la sortie ? Les réactions de bonheur du public font plaisir à entendre, un public conquis peut-être plus par l'oeuvre que par le spectacle lui-même. Un bonheur qui n'est pas injustifié (rien n'était indigne) et qui s'explique par le fait que l'Opéra, c'est aussi le plaisir d'écouter "en vrai" de la musique, d'être touché par une émotion qui vient d'êtres de chair et de sang qui se trouvent devant vous, et non par l'intermédiaire d'un écran. C'est aussi ça la magie du spectacle vivant.
 
 

Pierre-Emmanuel Lephay
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