C O N C E R T S 
 
...
[ Sommaire de la rubrique ] [ Index par genre ]
 
......
PARIS
05/02/07

© DR 
Daniela Barcellona, mezzo-soprano
Juan Diego Florez, ténor

Gioacchino Rossini (1792 – 1868)
La Cenerentola, sinfonia
«Tutto è deserto» (La Cenerentola)
«Oh fiamma soave»,
«Mura felici» (La Donna del lago)
La gazza ladra, sinfonia
«Di che son reo» (Il Viaggio a Reims)

Entracte

Wolfgang Amadeus Mozart (1756 – 1791)
«Il mio tesoro» (Don Giovanni)
«Venga pur minacci» (Mitridate)

Gaetano Donizetti (1797 – 1848)
Don Pasquale, sinfonia
«Povero Ernesto» (Don Pasquale)
«O mio Fernando» (La Favorita)
«Minacciata è la mia vita» (Lucrezia Borgia)

Bis

Gioacchino Rossini (1792 – 1868)
La danza
«Ah ! No, piu cari palpiti» (Il Viaggio a Reims)
La danza

Orchestre Philharmonique de Navarre
Alexander Joel, direction

Les Grandes Voix

Théâtre des Champs-Élysées,
Paris, le 5 février 2006, 20 heures

Mi figue, mi raisin


Les grandes voix vont par paire en ce début d’année. Après la carpe et le lapin - Joseph Calleja et Patrizia Ciofi selon Christian Merlin dans Le Figaro (1) - voici la figue et le raisin - Daniela Barcellona et Juan Diego Florez - car l’expression associée aux deux fruits – mi figue, mi raisin – correspond au sentiment mitigé que l’on éprouve à la sortie du concert.

Il faut dire que les deux chanteurs se présentent à Paris riches de promesses ; la première précédée de sa réputation de belcantiste hors pair, ce qu’avait semblé encore confirmer son Adélaïde à Pesaro en août dernier, le second auréolé de l’éblouissant succès de La Fille du régiment à Londres dont la dernière représentation date de la veille ou presque. Promesses au final partiellement tenues.

Le chant de Daniella Barcellona d’abord répond-il vraiment aujourd’hui aux exigences de l’écriture rossinienne ? On est en droit d’en douter dès le premier morceau du programme, le duo de La Cenerentola. L’ambitus et le volume impressionnent mais la technique semble prise en défaut ; la vocalise se fait approximative et la ligne imprécise. Le trac aidant, la cantatrice échoue à traduire le frémissement amoureux de Cendrillon, ce mélange délicat d’émoi et de trouble comique qui s’empare de la jeune fille à la vue du Prince charmant. L’héroïsme de Malcom (La Donna del lago) et l’indignation de Melibea (Le voyage à Reims) la trouvent plus à son avantage mais derrière le noble chevalier ou la fière comtesse, se dessinent de manière envahissante des personnages trempés dans un autre acier, Azucena, Eboli ou Amneris. 

Le cas de Juan Diego Florez est différent. Son affinité vocale avec le répertoire rossinien ne peut être remise en cause. L’agilité s’affirme confondante, le timbre conserve sa beauté mais le chanteur, fatigué sans doute par ses récents Tonio londoniens, parait curieusement manquer d’éclat ; jamais la silhouette n’a semblé aussi frêle, l’absence de couleurs aussi flagrante. Autant de réserves qui empêchent de s’abandonner totalement à la jubilation de la musique même si l’ensemble reste d’un haut niveau ; le nombre de ténors capables d’interpréter ainsi Ramiro (La Cenerentola), Uberto (La Donna del Lago) et Libenskof (Le voyage à Reims) se compte tout de même sur les doigts de la main.

Après l’entracte, Mozart achève de plomber l’ambiance. Les deux chanteurs démontrent, chacun à leur manière, combien ils sont étrangers à ce répertoire. Florez s’essouffle à traduire la noblesse de Don Ottavio tandis que la virtuosité de Barcellona se révèle encore plus éprouvée dans Mitridate que lors de la première partie.

Et puis, miracle, survient d’abord Don Pasquale où, le ténor, sans renouer avec les prodiges d’expression et de nuance déployés à Londres dans « Pour me rapprocher de Marie », offre cependant à Ernesto un bel échantillon de son art : élégance du phrasé, sons filés, aigus faciles et clairs... Arrive ensuite le grand air de La favorite dans lequel Daniela Barcellona se montre à son tour souveraine. La partie semble gagnée …

Et bien non ! Les bis viennent rompre l’enchantement. Le choix d’un seul morceau - « La Danza » de Rossini – laisse déjà perplexe ; comme si des chanteurs de leur renommée n’avaient pas prévu qu’ils devraient se plier plusieurs fois à l’exercice. Mais en plus, elle ne convient ni à la vocalité de l’un, ni à celle de l’autre. Une reprise de la même chanson, en guise de dernier rappel, ne fera que confirmer cette mauvaise impression. Entre les deux heureusement, on retrouve un extrait du duo du Voyage à Reims, interprété de manière encore plus déliée que la première fois.

De son côté, la salle, comble, manifeste son enthousiasme jusqu’à se fendre d’une standing ovation. On remarque dans le public Rolando Villazon, échappé des Contes d’Hoffmann à La Bastille, qui se lève aussi pour rendre hommage à son confrère. Ce n’est pas un hasard ; ils devraient se retrouver ensemble la saison prochaine sur cette même scène pour un récital exceptionnel des Grandes Voix. Les paris sur le programme de la soirée sont déjà ouverts. A suivre…

 
Christophe RIZOUD

_______

(1)   Edition du 25 janvier 2007

[ Sommaire de la Revue ] [ haut de page ]