OPERAS - RECITALS - CONCERTS LYRIQUES
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PARIS
08/10/2007
 
Juan Diego Florez
© Photo: Decca / Jason Bell



Les Grandes voix
Récital Juan Diego Florez

Juan Diego Florez : ténor
Vincenzo Scalera : piano
 
Wolfgang Amadeus Mozart
Misero ! O sogno, o son desto ?

Vincenzo Bellini
Quatro sonetti n°2 : La ricordanza
Bianca e Fernando : All'udir del padre aflitto… All’udir del padre affito


Gioacchino Rossini
L'orgia
Guglielmo Tell : Oh muto asil del pianto
Prélude pour piano seul : Musique Anodine
Elisabetta d'Inghilterra : Deh troncate… Vendicar sapro l’offesa

Entracte

Francesco Paolo Tosti
Ideale
Seconda mattinata
L'alba separa dalla luce l'ombra

Giuseppe Verdi
Rigoletto : Questa o quella
Rigoletto : Parmi veder le lagrime
Rigoletto : La donna è mobile

Bis

Giuseppe Verdi
Rigoletto : Possente amor mi chiama

Amadeo Vives
Doña Francisquita : Por el humo se sabe

Maria Grever
Jurame

Gaetano Donizetti
La fille du régiment : Ah ! Mes amis, quel jour de fête !

Paris, Salle Pleyel, le 8 octobre 2007 à 20h

Le nouveau Pavarotti ?


Luciano Pavarotti a disparu mais avant de nous quitter il a eu la bonne idée de désigner son héritier : Juan Diego Florez. Le choix ne manque pas de surprendre. On aurait plutôt misé sur Roberto Alagna, pour le rayonnement, ou alors Marcelo Alvarez, pour une partie du répertoire. Pourquoi d’abord vouloir à tout prix un nouveau Pavarotti comme on recherche d’ailleurs depuis quarante ans une nouvelle Callas ? Nul n’est irremplaçable (pour les chanteurs, cela reste tout de même à démontrer) mais surtout chacun est unique. Peut-être est-ce là une manière de se convaincre que rien ne meurt vraiment, une façon de se rassurer face au silence de l’éternité… Mais s’il faut à tout prix un successeur à « Big Lulu », pourquoi choisir un ténor filiforme dont la renommée s’est bâtie sur la virtuosité rossinienne quand la rencontre entre le Tenorissimo et le Cygne de Pesaro se limite au seul Arnold de Guglielmo Tell ?

Juan Diego Florez apporte un premier élément de réponse en faisant la part belle dans la deuxième partie de son récital à Tosti et à Verdi alors qu’il aurait dû a priori se focaliser plutôt sur le bel canto romantique à travers la personnalité de Rubini, promotion discographique oblige. Les 3 airs du duc de Mantoue concluent la soirée tandis que « Possente amor mi chiama », la cabalette de « Parmi veder le lagrime » ouvre le festival des bis : prémices d’une prise de rôle attendue à Dresde en juin 2008 mais aussi, amorce d’un tournant dans une carrière dévolue jusqu’à présent aux opéras du début du 19e siècle, carrière qui pourrait alors emprunter les chemins de son illustre aîné… CQFD. Dans ces conditions, la comparaison s’impose mais tourne vite au désavantage de notre benjamin. Là où Pavarotti propose un duc gourmand et magnifique à la sensualité dévorante, Florez s’avance charmant mais trop poli pour être malhonnête. Ce n’est pas une question de ligne, de phrasé, de nuances ni même de puissance - sur ces points, notre jeune chanteur a matière à revendre - mais plutôt une question de couleurs : palette aveuglante d’un côté,  simple camaïeu de l’autre.
Et même en mettant de côté toute référence, force est de reconnaître la monochromie d’un chant surexposé qui, quelles que soient ses nombreuses qualités, finit à la longue par lasser quand il est servi seul ainsi sur un piano. La remarque ne s’applique pas qu’à Rigoletto, l’air de Doña Francisquita, la chanson sentimentale « Jurame » manquent tout autant de contrastes, sans parler de Mozart dont le style reste étranger au ténor péruvien. Seules les deux premières mélodies de Tosti, « Ideale » et « seconda mattinata », comportent la part d’ombre qui révèle la lumière.

Au bout du compte, le répertoire dans lequel on préfère applaudir Juan Diego reste celui auquel il doit sa gloire : Bellini dont il sait charger d’émotion comme nul autre les longues cantilènes et plus encore Rossini avec notamment un air de Norfolk ciselé, ornementé, vocalisé, bref électrisant.
Le concert s’achève dans le feu d’artifice d’« Ah ! Mes amis » et de ses 9 contre-ut nets et  précis, éclaboussants de facilité après une performance de plus d’une heure et demie, prouesse unique dont avant Juan Diego Florez un seul était capable : Luciano Pavarotti.



Christophe RIZOUD
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