C O N C E R T S
 
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PARIS
20/10/2004

Juan Diego Florèz
© DR
Juan Diego Florèz

Orchestre National de France
Choeur de Radio France

Direction : Enrique Mazzola

Gioachino Rossini

Il Signor Bruschino : Ouverture
Il Signor Bruschino : "Deh, tu m'assisti amore"
Semiramide : "La speranza più soave"
Il Barbiere di Siviglia : Ouverture
Il Barbiere di Siviglia : "Cessa di più resistere"

Vincenzo Bellini

I Capuleti e i Montecchi : "E' serbato a quest'acciaro"
I Capuleti e I Montecchi : Ouverture

Gaetano Donizetti

L'Elisir d'amore : "Una furtiva lacrima"
Rita : "Allegro io son"
La fille du régiment : Ouverture
La Fille du régiment : " Ah, mes amis "

Bis

Rossini, La Cenerentola : "Si, ritrovarla io giuro"
Verdi, Rigoletto : "La donna è mobile"
Lara : Granada

Théâtre des Champs-Elysées,
le mercredi 20 octobre 2004



Le Bon, la Brute et quelques "couacs"
 

On l'attendait avec délectation ce premier récital parisien de Juan Diego Florèz, dont les apparitions à Garnier dans L'italiana in Algeri et La Cenerentola nous avaient enthousiasmés, et la foule se pressait nombreuse devant les portes du Théâtre des Champs-Elysées qui affichait salle comble. Pourtant, à la sortie, on pouvait difficilement cacher une certaine déception.

Le programme, alléchant au demeurant, était centré sur les trois maîtres du bel canto italien, Rossini, Bellini et Donizetti, répertoire de prédilection du ténor péruvien mais, il est vrai, peu familier de l'Orchestre National de France. Cela ne justifie pas pour autant la mise en place approximative, les nombreux décalages au niveau des choeurs, brouillons à souhait, ni surtout le festival de fausses notes auquel nous avons eu droit tout au long de la soirée (Ah, les cors dans l'ouverture du Barbiere, un vrai supplice pour les oreilles !). Est-ce dû à un nombre insuffisant de répétitions ? Peut-être, mais la faute en incombe essentiellement au chef qui nous a donné à entendre ce qui se fait de pire dans cette musique : dès la sinfonia du Signor Bruschino on frémit ! Monsieur Mazzola confond crescendo rossinien et marche militaire. Celle du Barbiere, on l'a dit est à ajouter à la liste des souvenirs à effacer d'urgence de notre mémoire tout comme celle des Capuleti, d'une légèreté toute pachydermique. Cerise sur le gâteau, le finale de l'ouverture de la Fille du régiment ferait passer n'importe quel orphéon tonitruant de sous-préfecture pour un orchestre de chambre raffiné ! Dans les arias on n'est guère plus gâté, mais fort heureusement, la voix du ténor parvient à racheter (partiellement, du moins) tout cela.

A tout seigneur, tout honneur, la première partie du récital est entièrement consacrée à Rossini, compositeur fétiche de Florèz, depuis ses débuts en 1996 au Festival de Pesaro dans Matilde di Shabran (c'est également à Rossini que le chanteur a dédié son premier album publié chez Decca, CD unanimement salué par la critique).

Dès qu'il entre sur le plateau, on tombe immédiatement sous le charme indéniable du jeune et fringant ténor. Si l'extrait du Signor Bruschino paraît quelque peu appliqué, Juan Diego Florèz nous livre une interprétation quasi anthologique du second air d'Idreno (Semiramide) : séduction irrésistible du timbre, sens de la nuance, et suraigu triomphant. La salle est conquise. Enfin, il se joue avec panache de toutes les difficultés du terrifiant "Cessa di più resistere" (1) qui met les spectateurs en délire et confirme son incroyable facilité à exécuter les vocalises les plus périlleuses, ce que le disque nous avait déjà laissé pressentir.

Plus à son affaire dans les morceaux d'agilité (l'extrait de Rita est à ce titre d'une bonne humeur communicative) que dans l'élégie ( la "furtiva lacrima" a paru quelque peu extérieure et privée de legato), le ténor péruvien achève son programme avec un ébouriffant "Ah ! mes amis", l'air aux neuf contre-ut, admirablement projetés, qui lui vaudra une ovation debout (2) de la part d'un public qui en redemande encore.

Trois bis, parmi lesquels une "Donna è mobile" bâclée, tout entière tournée vers l'aigu final et l'inévitable "Granada" concluent ce récital qui nous laisse malgré tout sur notre faim.

Juan Diego Florèz ne manque pas de qualités vocales, musicales et techniques ni de présence scénique, mais il est certain que sous une autre baguette, il aurait probablement su donner le meilleur de lui-même, ce qui n'était pas tout à fait le cas en ce soir du 20 octobre.
 
 
 

Christian PETER

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(1) Cet air, qu'Almaviva chante au dernier tableau du Barbier de Séville a longtemps été coupé, à la scène comme au disque. Il est aisé de comprendre pourquoi. Depuis que Rockwell Blake l'a rétabli dans les années 80, de nombreux ténors ont tenu à l'interpréter avec plus ou moins de bonheur.

(2) Pour le chef, d'aucuns auraient sans doute rêvé d'une ovation... de boue !

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