C O N C E R T S
 
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NEW_YORK
15/05/2005

© DR
MIRELLA FRENI
Concert anniversaire des 50 ans de ses débuts à l'opéra
et de ses 40 ans au Metropolitan

James Levine
Ouverture, (La Fiancée vendue, Smetana)

Mirella Freni
Adieu notre petite table (Manon, Massenet)

Frederica von Stade
Connais-tu le pays (Mignon, Thomas)

Salvatore Licitra
Un di, all'azzurro spazio (Andrea Chénier, Giordano)

James Morris
Prologue (Mefistofele, Boito)

Marcello Giordano
Cielo e mar (La Gioconda, Ponchielli)

Mirella Freni
Io son l'umile ancella (Adriana Lecouvreur, Cilèa)

Avec S.Licitra : Adriana ! Maurizio (Acte I)

Mirella Freni
Prostite vi (La Pucelle d'Orléans, Tchaikovsky)

Mirella Freni
Acte III (Eugène Onéguine, Tchaikovsky)
avec Dmitri Hvorostovsky, Robert Lloyd

Choeurs et orchestre du Metropolitan Opera de New York
Direction : James Levine

New-York, Metropolitan Opera, le 15 mai 2005


SEQUENCE EMOTION

Il n'y a sans doute aucun théâtre qui ne sache comme le Metropolitan honorer les artistes qui s'y sont produits. Et il n'y a sans doute aucun public qui ne sache témoigner son affection aux chanteurs, comme ce "noyau dur" des vrais passionnés new-yorkais, connaisseur en talents musicaux (autant que réfractaire aux mises en scène modernes !), fidèle et généreux.

Quand il s'agit d'une artiste comme Mirella Freni, l'émotion est d'autant plus grande qu'il y a moins d'un an disparaissait Nicolai Ghiaurov, son compagnon à la ville et bien souvent à la scène, un autre enfant chéri du public new-yorkais.

A 70 ans passés, il fallait beaucoup de courage à la soprano italienne pour oser ce retour sur les lieux de sa gloire passée : la chanteuse relève pourtant le défi, remportant à l'arraché une victoire méritée sur le destin.

Pour l'occasion, son public fidèle s'est déplacé en masse pour lui rendre hommage ; on peut supposer que certains étaient déjà là à ses débuts au Met 40 ans plus tôt, car on aura rarement vu dans cette salle une telle débauche de déambulateurs ou de chaises roulantes (et peut-être même une ou deux civières !).

Après une ouverture de La Fiancée Vendue d'une précision toscaninienne, la diva arrive sur scène au bras de John Volpe, directeur du Metropolitan. Très émue par l'ovation qui la salue, elle attaque (après un signe de croix) la "petite table" de Manon d'une voix moyennement assurée ; les aigus sont un peu courts, de même que le souffle, mais que signifient ces critiques en un tel moment ? Le triomphe qui suit achèvera de la rasséréner.

Frederica von Stade lui succède pour un "Connais-tu le pays" d'une émotion vibrante, simple et sincère, d'une parfaite musicalité ; impossible d'imaginer que cette artiste fêtera ses 60 ans le 1er juin prochain, et pourtant !

Salvatore Licitra campe un Chénier de fière allure, sonore, sans les incertitudes de justesse qu'on lui connaît parfois.

Changement de décor avec l'imposant Prologue de Mefistofele où les choeur (80 adultes et 22 enfants !) et orchestre du Metropolitan s'affirment comme une formation du plus haut niveau ; James Morris en pâlit un peu alors que son interprétation est digne d'éloge et justifierait une reprise de la production de Robert Carsen rien que pour lui.

Marcello Giordani chante un beau "Cielo e mar", avec des aigus somptueux qui électrisent la salle, mais toujours ce bas medium mal timbré, un peu fluctuant.

Les deux extraits d'Adriana qui suivent ne sont toujours pas convaincants pour ce qui est de Mirella Freni, d'autant que Licitra, en pleine forme, a du mal à ne pas la couvrir totalement dans les duos.

Après l'entracte, nous retrouvons Mirella pour un programme russe. La Pucelle d'Orléans permet à la chanteuse de dissiper nos doutes quant à sa capacité à interpréter une oeuvre intégrale ; l'artiste s'y révèle sans faille, les moyens vocaux et la qualité de l'interprétation n'appellent aucune réserve.

Même satisfaction avec l'acte III d'Onéguine, et principalement la scène finale et son duo passionné avec Dmitri Hvorostovsky. Ce dernier nous gratifie d'un chant impeccable, magnifiquement phrasé, mais hélas un peu court en terme de projection.

Auparavant, Robert Lloyd nous aura très agréablement surpris en chantant magnifiquement l'air du Prince Grémine. Autre triomphateur discret, James Levine dont la direction précise, dramatique, mais toujours attentive aux chanteurs, contribue à faire de cette version concert un vrai moment de théâtre.

Le spectacle se termine par un bis : "Non ti scordar di me", chanté en duo avec Marcello Giordani, dans une version orchestrale un peu sirupeuse qui contraste avec la tension des pages précédentes.

Après une immense ovation, quelques larmes et de beaux sourires, Mirella Freni se verra gratifiée de l'inévitable discours de John Volpe, retraçant les grandes étapes de sa carrière au Met, la disparition de Nicolai Ghiaurov (ce qui permettra à la salle de se manifester une nouvelle fois par ses applaudissements). Puis, le Directeur du Metropolitan Opera lui offrira une photo dédicacée de Puccini encadrée, le galon provenant du rideau du Met.

Visiblement bouleversée, Mirella conclura par quelques mots de remerciements à l'égard de "sa seconde maison", incluant tous ceux avec qui elle a collaboré (jusqu'aux coiffeurs !) et bien sûr son public fidèle.

Une bien belle soirée, comme on en voit hélas peu en Europe et moins encore en France.
C'est au Met, et c'est nulle part ailleurs.
 
 
 

Placido Carrerotti
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