C O N C E R T S
 
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PARIS
Institut Finlandais
09/03/2004

Pia Freund & Juhani Lagerspetz
© DR
Récital Pia Freund
 

Pia Freund, soprano
Juani Lagerspetz, piano
 

Jean Sibelius (1865 - 1957)
Kaiutar (Fée de l'écho) op.72/4 (Larin Kyösti)

Toivo Kuula (1883-1918)
Sinipiika (Fée des bois) op 23/1 (V. A. Koskenniemi)

Leevi Madetoja (1887 - 1947)
Tule kanssani (Viens avec moi) op.9/3 (L. Onerva)

Robert Schumann (1819 - 1856)
Liederkreis, op 39 (J. von Eichendorff) :
In der fremde - Intermezzo
Waldesgespräch - Die Stille
Mondnacht - Schöne Fremde
Auf einem Burg - In der Fremde
Wehmut - Zwielicht
Im Walde - Frühlingsnacht

Benjamin Britten (1913 - 1976) 
Cabaret Songs (W. H. Auden) :
Tell me the truth about love
Funeral Blues - Johnny
Calypso

Paris, Institut Finalandais
Mardi 9 Mars 2004



UN SOLEIL FINLANDAIS...
 

De tous les centres culturels étrangers installés à Paris, l'Institut Finlandais est probablement l'un des plus dynamiques. Admirablement situé au 60 rue des Écoles, à deux pas de la Sorbonne, il propose des activités variées, aussi bien dans les domaines du cinéma, des arts plastiques que dans celui de la musique de chambre, contemporaine et vocale. Ce récital inaugurait un cycle intitulé "Soirées Lyriques" (1) dont Valérie Gabail est la directrice artistique.

D'emblée, l'on est conquis par la voix large, ronde et pure, très riche en harmoniques, de ce jeune soprano qui effectue un brillant début de carrière dans son pays et à l'étranger. Son médium dense et ambré, ses aigus rayonnants, sa générosité, son charme et sa fraîcheur font irrésistiblement penser à la divine Lucia Popp, hélas trop tôt disparue.

Dotée d'une forte présence et d'une personnalité extravertie, quasiment solaire, Pia Freund est heureuse de vivre et de chanter : elle communique très rapidement ce bonheur à son auditoire, aussi bien dans les mélodies finlandaises, lumineuses, que dans le très célèbre Liederkreis auquel elle confère une atmosphère oscillant généralement plus entre l'élégie et la joie, que l'élégie et... la mélancolie. D'autres, telle sa compatriote Soile Isokoski, Barbara Bonney et la grande Susanne Danco, pour ne citer que celles-là, en ont donné une lecture plus sombre, plus "romantique", sans doute. Il n'empêche que l'on est conquis par tant de naturel, de spontanéité et de ferveur, presque naïve.

Il faut dire qu'elle a trouvé en Juhani Lagerspetz un comparse de haut vol. Ce pianiste fervent, qui se produit également comme soliste et qui est à la tête d'une vaste discographie, accompagne chaque mot, chaque respiration avec une attention presque gourmande et, la plupart du temps, "chante" avec elle.

Malgré une diction allemande parfois un peu précieuse et une certaine tendance à "surjouer" certaines mélodies, comme le célèbre "Waldesgrespräch", qui est un dialogue ambigu entre la Lorelei et un preux chevalier perdu dans la forêt, elle livre sans aucun doute une très belle interprétation de ce cycle réputé difficile, à laquelle quelques années de maturité supplémentaires donneront probablement un peu plus de profondeur.

Avec les Cabaret Songs de Britten, on se trouve propulsé dans un tout autre univers, évidemment plus contemporain, plus sarcastique aussi, assez proche, par certains côtés, de celui de Poulenc.

Ce répertoire révèle la veine comique de la cantatrice, son sens de l'humour aussi. Ces "songs" sollicitent plus le médium de la voix, qu'elle a très charnu, tout en mettant aussi en valeur ses aigus, éclatants et puissants. Son abattage, sa vitalité, son sens du théâtre, font ici merveille et, malgré l'ironie souvent grinçante de ces pages, Pia Freund décide encore une fois de tourner le dos au désespoir et choisit délibérément de nous offrir leur versant "solaire", là où d'autres, comme Ian Bostridge, auraient privilégié le caractère plus lunaire de la noire mélancolie.

Mais non, Pia Freund rayonne, encore et toujours, et chasse bien loin les nuages de la tristesse, en ayant l'air de nous dire : "En somme, tout cela n'est pas si grave et, finalement, la vie est belle !"

Il est dommage que cet agréable auditorium, à l'acoustique superbe, ait accueilli un public si peu nombreux. Frilosité, manque de curiosité ? Toujours est-il que les personnes présentes, venues fort heureusement se réchauffer à ce clair soleil, firent un accueil enthousiaste à Pia Freund et à son talentueux pianiste. Ce fut aussi le cas le lendemain, dans le Grand Foyer de l'Opéra de Lille (2), où le même récital fut chaleureusement applaudi.

En ces temps souvent moroses, une telle artiste fait plaisir à voir et à entendre ; indiscutablement, on tient là une chanteuse promise, si elle est "raisonnable" bien sûr, à un brillant avenir.

Décidément, ces "voix chaudes venues du froid" n'ont pas fini de nous étonner !
 
 
 

Juliette BUCH

(1) Neuf récitals de Mars à Mai 2004, réunissant artistes finlandais et français (ndlr)
(2) Dans le cadre des "Concerts du Mercredi" de l'Opéra de Lille (ndlr)
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