OPERAS - RECITALS - CONCERTS LYRIQUES
[ Sommaire de la rubrique ] [ Index par genre ]
 
......
BARCELONE
01/10/2007
 
Sonia Ganassi © DR


Christoph Willibald GLUCK (1714-1787)

(CONCERT)

Sonia Ganassi, mezzo soprano

Première partie

Alceste (version originale de 1767)
Ouverture
« Che avenne ? Oh infortunata Alceste...Senza del tuo sospir »
Récitatif et air d’Alceste, acte I, scène 4
« Fatal divinità »
Aria d’Alceste, acte I scène 5

Iphigénie en Aulide
Ouverture
« Seigneur, j’embrasse vos genoux…Par un père cruel »
Récitatif et air de Clytemnestre, acte II, scène 4
« Dieux puissants que j’atteste…Jupiter, lance ta foudre ! »
Récitatif et air de Clytemnestre, acte III, scène 6

Deuxième partie

Armide
Ouverture
« Enfin il est en ma puissance…Ah, quelle cruauté »
Récitatif et air d’Armide, acte II, scène 5
Ballet, acte I, scène 3
Ballet, acte II, scène 3

Iphigénie en Tauride
« O malheureuse Iphigénie ! »
Air d’Iphigénie, acte II, scène 6
« Je cède à vos désirs…D’une image, hélas, trop chérie »
Récitatif et air d’Iphigénie, acte III, scène 1
« Non, cet affreux devoir…Je t’implore et je tremble »
Récitatif et air d’Iphigénie, acte IV, scène 1

Orquestra de l’Acadèmia del Gran Teatre del Liceu
Direction, Michele MARIOTTI

Barcelone, le 1er Octobre 2007

Revival Tragique


C’est un parcours des plus intéressants que le Liceo propose avec ce concert Gluck, construit de façon chronologique autour de quatre opéras « réformistes », Alceste (1767), Iphigénie en Aulide (1772), Armide (1777) et Iphigénie en Tauride (1779).

On sait qu’à partir de 1762, même s’il compose encore quelques années dans le goût italien, Gluck et son nouveau librettiste Calzabigi réagissent aux excès de l’opera seria, où la recherche incessante de virtuosité vocale asservit la musique au détriment de la cohérence dramatique. La préface d’Alceste – signée par Gluck mais probablement rédigée par Calzabigi, théorise en 1767 cette « révolution » esthétique destinée à rendre à la musique la fonction expressive que lui assignait la tragédie lyrique française. Choix que viendra conforter le départ pour la France de la princesse Marie-Antoinette, dont Gluck était le maître de musique. C’est à la demande d’un attaché de l’ambassade de France à Vienne qu’il compose pour l’adaptation de la tragédie de Racine Iphigénie en Aulide qui sera représentée à Paris en 1774, où Armide et Iphigénie en Tauride seront créés.

Les airs rassemblés pour composer le programme concernent des personnages en proie à des situations douloureuses à l’excès, dont la plainte va du lamento à l’imprécation sans se départir de la noblesse attachée à leur position prééminente. Alceste embrasse en un instant les conséquences de la condamnation de son mari et se hisse aussitôt au plus haut du sublime en décidant de se sacrifier et de convaincre les dieux de l’accepter comme victime. Clytemnestre est pur désespoir quand elle découvre que la mort de sa fille est programmée, et quand ses prières restent vaines elle devient pure fureur qui invective les dieux. Armide triomphe avec délices de qui lui résistait et découvre avec emportement la puissance du sentiment inconnu qu’elle éprouve pour la première fois. Iphigénie détaille ses deuils et déplore l’extinction de tous les siens, avant de se reprocher le trouble vain qu’un captif ressemblant à son frère éveille en elle.

S’ils ne recourent pas au chant orné, ces airs n’en sont pas moins exigeants en terme d’étendue car si le suraigu n’est jamais atteint, en plus d’une occasion les graves sont extrêmes. Le mezzosoprano de Sonia Ganassi semble y être particulièrement à l’aise : à aucun moment on n’éprouve l’impression d’une gêne ou d’un effort. Bien mieux, tout semble facile pour une voix parfaitement homogène sur toute son étendue. Pas une ombre de grandiloquence dans une interprétation qui restitue justement toutes les nuances des sentiments exprimés. Et on se plaît à souligner la qualité de la diction française, la netteté de l’articulation, la précision des couleurs, le respect des intensités. L’alternance d’airs à dominante lente et d’airs plus agités permet à l’interprète d’étaler la qualité du legato et sa maîtrise dans les passages rapides, et au public de les savourer.

L’orchestre de l’Académie du Liceo n’est pas composé de musiciens expérimentés ; mais les lacunes sont supplées par la bonne volonté et la fougue de la jeunesse. Cordes et vents ont des sonorités agréables, d’une homogénéité satisfaisante, et les percussions sont efficaces. A leur tête le jeune Michele Mariotti obtient un joli succès personnel ; on aurait parfois souhaité des accents plus marqués mais compte tenu des circonstances sa lecture restitue au mieux le climat des airs et l’élégante architecture qui charpente aussi bien les ouvertures que les ballets tirés d’Armide. De plus il accompagne la soliste sans la couvrir bien que l’orchestre soit sur scène. Voilà qui est de bon augure pour l’Orfeo qu’il doit diriger à Bologne avec Roberto Alagna.

Vif succès pour tous, acclamations pour Sonia Ganassi, et compliments au Liceo pour sa programmation !


Maurice SALLES


[ Sommaire de la Revue ] [ haut de page ]