OPERAS - RECITALS - CONCERTS LYRIQUES
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PESARO
16/08/2007
 
Manuela Custer, Paolo Bordogna, Kleopatra Papatheologou
© Studio Amati Bacciardi


Gioachino ROSSINI (1792-1868)


LA GAZZA LADRA

(La pie voleuse)

Opéra semi seria en deux actes
Livret de Giovanni Gherardini
Création, mai 1817 à La Scala de Milan

Mise en scène, Damiano Michieletto
Décors, Paolo Fantin
Costumes, Carla Teti
Éclairages, Mark Truebridge

Ninetta, Mariola Cantarero
Fabrizio, Paolo Bordogna
Lucia, Kleopatra Papatheologu
Giannetto, Dmitry Korchak
Fernando, Alex Esposito
Le Podestat, Michele Pertusi
Pippo, Manuela Custer
Isacco, Stefan Ciforelli


Chœur de chambre de Prague

Orchestre Haydn di Bolzano et Trento
Lü Jia

Pesaro, Adriatic Arena, le 16 août 2007

Un mauvais rêve de petite fille


Dès l’ouverture Damiano Michieletto nous donne la clé de sa mise en scène. Une petite fille bien de notre époque se couche et s’endort, abandonnant au pied de son lit un jeu de construction fait de cylindres blancs et allongés, tous de la même taille. Très vite, au moyen d’un ingénieux agrès de cirque, elle va s’envoler dans les airs pour se transformer en pie épieuse et voleuse comme il se doit. Le « jeu de construction » va devenir littéralement la structure de base du dispositif scénique qui se transformera au fur et à mesure de l’action. Quant à la pie, alias la petite rêveuse espiègle, elle va tirer involontairement les ficelles de l’action conformément au livret.

Ce concept onirique autorise une représentation visuelle anti-conventionnelle qui est plus ou moins bien acceptée par le public. Certains effets, comme la pluie diluvienne qui tombe au début du deuxième acte jusqu’à faire barboter tout le monde dans plusieurs centimètres d’eau, est l’un des plus spectaculaires.


Mariola Cantarero, Dmitry Korchak
© Studio Amati Bacciardi

Avec Semiramide et Guillaume Tell, La Gazza ladra est considérée comme l’un des trois opéras « testament » de Rossini. Si la symphonie d’ouverture fait aujourd’hui figure de « tube » (tiens donc !), à l’époque, aux oreilles des contemporains, elle sonnait comme entièrement nouvelle. La musique démarre avec d’inquiétants roulements de tambour qui réapparaîtront, comme un leitmotiv, chaque fois que Ninetta sera confrontée avec l’autorité malveillante. Cet opéra tragique avec une fin heureuse, comprend très peu d’auto citations ; il s’apparente plutôt au dramma giocoso proche de Mozart. Le livret est inspiré d’une pièce elle-même issue d’un fait divers contemporain où la jalousie et la vengeance ont abouti à une erreur judiciaire qui s’est terminée par la pendaison de l’innocente accusée. Les personnages sont fortement caractérisés aussi bien par la musique et la tessiture des voix que par leur évolution psychologique au cours du drame. Beaucoup de détails subtils sont particulièrement amusants. Par exemple : les échanges verbaux entre Pippo, la pie et le chœur, ponctués par les vents ou encore le boniment du vendeur ambulant débité sur une note répétitive dans le registre aigu.

Dans un rôle demandant encore plus de sensibilité et de charme que de virtuosité, la soprano andalouse Mariola Cantarero est à son affaire. Sa Ninetta séduit dès sa première cavatine « Di piacer mi balza il cor ». La voix chaude et souple dans le médium n’est pas rebelle aux ornements. S’inspirant de la Caballé qu’elle admire, elle nous séduit par sa manière de colorer sa voix et son aigu subtil et raffiné.

En Pippo, Manuela Custer tire bien son épingle du jeu, mais c’est dans le duo avec Ninetta qu’elle arrive vraiment à se libérer pour atteindre la poésie de ce joli personnage.

Avec une voix particulière mais assez prenante, la mezzo Kleopatra Papatheologu sait rendre perceptible l’évolution d’Emilia, mère autoritaire et peu sympathique qui se rend finalement compte de son erreur, la regrette et la répare.

Malgré des tensions perceptibles dans l’aigu, le ténor Dmitry Korchak se sort bien d’une partie spécialement difficile, notamment l’aria di sortita « Vieni fra queste braccia »


Alex Esposito
© Studio Amati Bacciardi


Avec son excellente technique vocale rompue au chant syllabique rossinien et sa présence scénique, la basse Michele Pertusi compose un Podestat à la fois élégant et cruel. La palme revient cependant au baryton basse Alex Esposito. Doté d’une voix robuste et expressive, il s’implique tellement dans son personnage de père prodigue que ses yeux lancent des éclairs perceptibles à distance. Son grand air « Eterni Dei, che sento ! » constitue l’un des sommets de la soirée.

Mais le plus remarquable dans La gazza ladra ce sont les ensembles. D’abord celui du finale du premier acte où l’interrogatoire de Ninetta aboutit inexorablement à la déclarer coupable et où les commentaires amusés des villageois finissent par tourner à l’inquiétude. On admire aussi le dernier sextuor avec sa marche funèbre, martelée par le tambour, et la prière d’adieu à la vie de Ninetta, avant le changement soudain qui introduit les habituelles variations d’une même phrase sur le mode joyeux. Seul le Podestat sait qu’il va devoir affronter un destin tragique.

C’est alors que le metteur en scène fait réapparaître le lit de la fillette endormie. Il nous rappelle ainsi que cette injustice et toute cette brutalité n’étaient pour lui qu’un mauvais rêve de petite fille !


Brigitte CORMIER
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