OPERAS - RECITALS - CONCERTS LYRIQUES
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PARIS
17/06/2008

Paul Agnew (direction) © DR

Georg-Friedrich Haendel (1685-1759)

Coronation anthems
"Zadok the Priest" HWV 258

"My heart is inditing" HWV 261
"The king shall rejoice" HWV 260

Ode for St Cecilia's day HWV 76

Choeur et Orchestre des Arts Florissants

Sophie Daneman, soprano
Ed Lyon, ténor

Direction Paul Agnew

17 juin 2008, Cité de la Musique, Paris.

King size


Le concert comprend trois des quatre Coronation Anthems de Haendel, commandés à l'occasion du Couronnement de Sa Très Gracieuse Majesté George II, en la Cathédrale de Westminster, l'an 1727. L'énormité des effectifs (plus de 200 musiciens), les impératifs de la cérémonie, ainsi que l'acoustique réverbérante de l'édifice conduisirent Haendel à adopter une écriture de masse, assez homophonique, jouant sur les oppositions entre les pupitres des chœurs, et les couleurs chatoyantes de l'orchestre.

Le "Zadok the Priest", toujours interprété à chaque couronnement de monarque de la Perfide Albion depuis plus de 250 ans, mérite amplement son indémodable succès. Comme dans son "Nisi Dominus" de jeunesse, Haendel met la patience de l'auditeur à rude épreuve grâce à ces interminables 23 mesures d'arpèges et leur crescendo par paliers avant qu'enfin n'explose de manière jubilatoire ce chœur massif à 7 parties, doublé par les trompettes, scandé martialement par les timbales. Le Chœur et l'Orchestre des Arts Florissants, menés d'une main à la fois ferme et nerveuse, mais sans brutalité par Paul Agnew, jouent le jeu de la pompe régalienne, et de la vivacité rythmique. On connaissait Paul Agnew comme haute-contre. Il faudra désormais compter avec le chef. La battue est précise, la gestuelle vive, élégante millimétrée.

Le chœur est massif, bien équilibré, avec des parties intermédiaires très pures (excellente combinaison de contres-ténors et de mezzos pour la partie d'alto), les départs parfois imprécis. Ainsi, l'écriture à la fois plus fine plus déliée, en un mot, plus féminine, du "My Heart is inditing" destiné au couronnement de la Reine a pâti d'un nuage vocal dense certes impressionnant mais qui semblait bien trop à l'aise dans sa toute-puissance forcenée pour déjouer avec grâce et candeur ces arabesques sincères. En revanche, "The King Shall rejoice" et son premier mouvement aux motifs répétés si jubilatoires a été interprété avec une majestueuse perfection, digne de l'exercice d'autosatisfaction le plus royal qui se puisse imaginer.

Les Arts Flo, élégants et incisifs, ont pendant toute la soirée dénoté une grande cohésion d'ensemble et laisser admirer la maîtrise technique des instrumentistes qui purent laisser pleinement exprimer leur inventivité et leur virtuosité lors des reprises de l'Ode à Sainte-Cécile. Ainsi, si l'on excepte un violoncelliste en petite forme et au jeu à la fois sans relief est quelque peu boursouflé ("What passion cannot music raise and quell ! "), les mélomanes ont pu se délecter du jeu éminemment virtuoses des trompettistes (tout au long des Coronation Anthems et de "The trumpet’s loud clangor") se laisser aller aux doux échanges murmurant d'une flûte coulante et d'un théorbe rêveur ('The soft complaining flute") ou des départs brusques des cordes ("Sharp violins proclaim").

En revanche, les prestations des deux solistes furent nettement plus inégales, Ed Lyon révélant un chant instable, peu à l'aise dans les ornements et les coloratures, flageolant dans les aigus poussifs, souvent recouvert par l'orchestre comme pendant le "When Nature underneath a heap". Il y a des soirs "sans"… Au contraire, Sophie Daneman a fait preuve d'élégance et de musicalité, soignant l'intelligibilité de la diction. Comme à l'accoutumée, l'émission est un peu confidentielle, l'ensemble plus charmant que spectaculaire. Et si le timbre s'est peu à peu durci, il a conservé sa mutine clarté. A cela s'ajoute le fait que le livret allégorique de l'Ode a accentué l'impression de voir défiler une succession de jolis airs sans grande cohésion.

La soirée s'acheva sur "Zadok the Priest" donné en bis à la demande générale, et où les quelques défauts d'intonation n'avaient d'égal que l'enthousiasme débordant et communicatif des Arts Flo. Pour un peu, emporté par ce chœur si expressif, nous nous serions joints à ces majestueuses clameurs, beuglant à tue-tête "God save the King, long live the King, may the King live for ever !". Heureusement pour les oreilles du public, nous nous sommes retenus. 


Viet-Linh NGUYEN
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