C O N C E R T S 
 
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PARIS
04/12/04
© DR
HERCULES

Drame musical de Georg Friedrich Haendel
Livret de Thomas Broughton
d'après Les Trachiniennes de Sophocle
et Les Métamorphoses d'Ovide

Direction musicale, William Christie
Mise en scène, Luc Bondy
Décors, Richard Peduzzi
Costumes, Rudy Sabounghi

Hercules : William Shimmel
Dejanira : Joyce DiDonato
Hyllus : Toby Spence
Iole : Ingela Bohlin
Lichas : Malena Ernman
Priest of Jupiter : Simon Kirkbride

Orchestre et choeurs Arts Florissants

Paris - Palais Garnier
Samedi 4 décembre 2004



20 après Giulio Cesare et Tamerlano, 10 ans après Alcina, grands opéras italiens, Haendel, âgé de près de 60 ans, mais poussé par des raisons financières, veut conquérir définitivement les faveurs du public anglais. Bien qu'il maîtrise imparfaitement la langue anglaise, il réussit à la rendre "musicale", aussi bien que l'avait fait Purcell au siècle précédent. De grands oratorios à sujet biblique ou historique lui fournissent des épopées qui lui permettent de déployer tout son talent alors qu'il a atteint le sommet de son art. Dans ce même élan, il compose successivement deux oeuvres inspirées de la mythologie, à mi-chemin entre l'oratorio et l'opéra : d'abord Semele, puis en 1745, Hercules.

Prophéties, jalousie, vengeance, tous les ingrédients de la tragédie antique apparaissent dans ces trois actes, denses en rebondissements dramatiques, qui nous racontent le dernier épisode de la vie d'Hercule. Ils sont portés par une musique puissante et généreuse. Acte I : retour d'Hercule vainqueur. Acte II : les ravages de la jalousie. Acte III : mort d'Hercule et folie de Déjanire.

Si William Christie, les musiciens et les choeurs des Arts florissants, bien ajustés à l'expression baroque, nous restituent avec science et délicatesse cette musique sublime, hélas, une fois de plus, le décor, les accessoires triviaux et la "direction d'acteurs" à laquelle doivent se soumettre les chanteurs ne font que nous gêner pour goûter pleinement cet ouvrage magnifique.

Après avoir eu droit au grand rideau tout bleu interminablement gonflé par le vent pour meubler l'ouverture, aux morceaux de" colosse" épars sur le plateau pour évoquer le lieu et l'action, aux personnages habillés, selon les cas, en treillis militaire, en imperméable ou en sous-vêtement - le tout éclairé avec brutalité, après avoir encore admis que les princesses pouvaient très bien se promener pieds nus, siroter des jus de fruits en lisant des magazines, ramper sur le sable, jeter leurs bijoux de colère ou se vautrer sur leurs partenaires masculins, nous devons, pour l'apothéose finale, nous satisfaire d'un barbouillage de sang et d'un tas de fumée sans feu...

Mais, par chance, Haendel et son librettiste ont choisi un happy end !

Malgré tout, et en dépit du fait qu'ils doivent exécuter - la plupart d'entre eux sans conviction - quantité de gestes et de mimiques bien inutiles, les chanteurs s'en tirent plutôt très bien vocalement. Dans le rôle titre, William Shimmel est convaincant, solide et, apparemment, très à l'aise dans l'univers de Bondy. Son fils, Hyllus, est interprété avec brio par le jeune ténor Toby Spence. Sa voix bien timbrée et parfaitement contrôlée compense un jeu distancié, sans grande consistance. On attendait beaucoup de la Dejanira de Joyce DiDonato, personnage central du drame. Si la mezzo américaine confirme ses qualités, elle semblait, le soir de cette première parisienne, en-deçà de ses possibilités, surtout dans sa scène de folie furieuse. Sa voix contraste efficacement avec celle de la soprano Ingela Bohlin, agréable en princesse Iole. Leur duo "Joys of freedom, joys of pow'r'' fut un des meilleurs moments de la soirée. Dans le rôle du héraut, la belle mezzo Malena Ernman, au physique très athlétique, manque néanmoins de puissance vocale pour être appréciée dans cette salle du Palais Garnier, un peu grande pour le répertoire baroque. Pour conclure sur une bonne note, une mention spéciale pour les choeurs saisissants de cet ouvrage, merveilleusement chantants dans cette production.
 
 

Brigitte CORMIER
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