C O N C E R T S 
 
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ORANGE
12/07/05
© Patrick Valasseris (AFP)
Jacques OFFENBACH

LES CONTES D'HOFFMANN

Direction musicale : Michel Plasson
Mise-en-scène : Jérôme Savary
Scénographie : Michel Lebois 
Costumes : Michel Dussarrat
Eclairages : Alain Poisson
Etude musicales : Janine Reiss

Nicklausse : Marie-Ange Todorovitch
Olympia : Desirée Rancatore
Antonia : Inva Mula
Giulietta : Béatrice Uria-Monzon
La Mère d'Antonia : Anne Salvan
Stella : Catherine Dune

Hoffmann : Marcus Haddock
Lindorf - Coppelius,
Docteur Miracle - Dapertutto : Laurent Naouri
Andrès - Cochenille,
Frantz - Pittichinaccio : Gilles Ragon
Crespel : Alain Vernhes
Spalanzani : Christian Jean
Schlemil : Didier Henry
Nathanaël : Florian Laconi
Hermann : Olivier Heyte
Luther : Christophe Fel

Orchestre National de Lyon
Choeurs des Opéras de Région
Ballet de l'Opéra-Théâtre d'Avignon

Chorégies d'Orange, 12 Juillet 2005

Donnant à voir plus qu'elle ne donne à comprendre, la mise en scène de Jérôme Savary a remporté un vif succès auprès du public des Chorégies d'Orange. L'oeuvre est le sujet de bien des ambiguïtés : trois épisodes différents (on ne sait jamais trop dans quel ordre, Offenbach mourut avant la première représentation) précédés d'une sorte de prologue et suivis d'un épilogue, constituent la trame d'un drame émouvant, centré sur la quête d'un amour impossible et posant des questions essentielles sur la nature du désir, l'incommunicabilité entre les êtres, le sens de toute vie. Ce livret très riche de sens, au caractère universel et presque métaphysique, contribue généralement pour beaucoup à la réussite de l'oeuvre, qui laisse rarement indifférent.

Profitant de l'ampleur des lieux et des moyens mis à sa disposition, Savary propose un spectacle de grande ampleur : des choristes et figurants par centaines, des équilibristes, un contorsionniste défilent comme à la parade, costumes et accessoires sont absolument magnifiques et créent pour l'oeil un ravissement permanent. Mais ces débordements luxueux et souvent comiques ne contribuent pas nécessairement à éclairer le sens de l'oeuvre, distraient sans cesse l'attention du spectateur qui voudrait s'attacher au texte, et paraissent dans bien des cas trop légers, inutiles et tapageurs.

Sur le plan musical, on notera tout d'abord la prestation remarquable de Laurent Naouri dans le quadruple rôle du mauvais génie (Lindorf, Coppelius, Dapertutto et le Docteur Miracle). Sa voix sombre et puissante, sa diction impeccable, son jeu de scène particulièrement efficace passent remarquablement bien la rampe : il respire la noirceur et fait frémir jusqu'au dernier rang des spectateurs. Victime de ses souvenirs et de ses rêves, Hoffmann, chanté par Markus Haddock, offre un peu moins de présence et de puissance vocales ; moins de précision aussi dans la diction française, mais qu'il rachète par une belle musicalité et un sens poétique touchant, du moins quand la mise en scène lui en laisse le loisir.

Nous avons moins aimé le Nikklause de Marie-Ange Todorovitch : elle force ses moyens pour remplir l'espace et perd en couleurs ce qu'elle pense gagner en volume. Du côté des rôles féminins, grand succès pour Désirée Rancatore en Olympia, dont la belle virtuosité dans l'aigu remplit d'aise un public conquis dëavance ; il faut dire qu'elle est aidée par une mise en scène particulièrement imaginative à cet instant de la pièce : d'énormes poupées roses aux proportions étranges, comme inspirées par des peintures de Botero, viennent lui tenir compagnie, créant un effet scénique stupéfiant et irrésistible. Plus émouvantes et plus intenses, les prestations de Béatrice Uria-Monzon (Giulietta) et surtout d'Inva Mula (Antonia) viennent apporter la touche dramatique qui fait défaut au reste de la production.

Pas moins de quatre choeurs, une troupe de ballet, une compagnie d'échassiers et de très nombreux figurants parcourent la scène et remplissent l'énorme espace du théâtre antique. Dans la fosse, luttant sans cesse contre le vent, jonglant avec les pinces à linge pour tenir les partitions, l'Orchestre National de Lyon sous la direction de Michel Plasson tente vaille que vaille de maintenir toutes ces troupes en ordre, et y réussit globalement, malgré quelques décalages inhérents à la disposition et à la démesure des lieux. Et quand, après les applaudissements, l'orchestre reprend la barcarolle en guise de bis, que tous les chanteurs se joignent au choeur, c'est un grand sentiment de bonheur qui se répand dans toute l'assemblée. Il est près d'une heure du matin, il fait enfin frais, les étoiles brillent dans le ciel de Provence et le public est ravi...
 
 

Claude JOTTRAND
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