C O N C E R T S
 
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PARIS
29/12/2006
 
© DR

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)

IDOMENEO
 
Dramma per musica en trois actes
Livret de Giambattista Varesco
d’après Idoménée, d’Antoine Danchet.

Direction musicale : Thomas Hengelbrock
Mise en scène : Luc Bondy
Décors : Erich Wonder
Costumes : Rudy Sabounghi
Lumières : Dominique Bruguière
Dramaturgie : Geoffrey Layton
Chorégraphie : Arco Renz
Perruques : Catherine Friedland
Chef des chœurs : Peter Burian

Idomenée: Ramon Vargas
Idamante: Joyce DiDonato
Illia: Camilla Tilling
Electre: Mireille Delunsch
Arbace: Thomas Moser
Le Grand-Prêtre: Xavier Mas
La voix: Ilya Bannik
Le messager: Jason Bridges
Les deux crétoises: Yun-Jung Choi, Hye-Youn Lee
les deux troyens : Jason Bridges, Bartlomiej Misiuda

Chœurs et Orchestre de l’Opéra National de Paris

Paris, Palais Garnier, le 29 décembre

Idomeneo, c’est en partie l’histoire d’une menace. Ce qu’a bien compris Luc Bondy, qui crée à plusieurs moments des ambiances hitchcockiennes du meilleur effet. Mais Idomeneo, c’est aussi une action ancrée dans l’antiquité, où le chœur revêt une importance particulière. Ce que réfute Luc Bondy. La scène du sacrifice notamment, où n’interviennent que les personnages principaux, seuls sur le plateau dévasté, est significative de cette optique bien assumée, mais qui ne peut se développer sans trahir l’œuvre à plusieurs reprises : les personnages s’approprient des répliques qui ne sont pas dans leur partie ; de nombreuses coupures, que ce soit dans les récitatifs, les airs ou les marches, nous privent au moins d’une demi-heure de musique (si l’on ne tient compte que des morceaux habituellement joués qui, ici, disparaissent) ; le dénouement, enfin, n’est pas heureux (Idamante sera un mauvais roi…), comme l’attestent les coups de tonnerre, et la répétition dans un sombre ostinato du thème du chœur final… Le froid décor planté par Erich Wonder vaut surtout pour sa toile de fond : des images de vagues prêtes à déferler sur le peuple tel un tsunami, qui nous valent un beau final du II (les lumières de Dominique Bruguière n’y sont pas pour rien). Dans un tel environnement, c’est à un travail platement illustratif que se livre le plus souvent le metteur en scène – on aurait peut-être préféré qu’il en reste là, plutôt que de toucher à la partition de Mozart.

D’autant que la soirée se hisse à un très haut niveau musical. A l’impossible nul n’est tenu, Vargas n’aborde pas Idoménée avec la ferveur de la bête de scène qu’il n’est pas. Mais il fait mieux : il pétrit son timbre pour en faire sortir le velours pourpre qui convient naturellement à un souverain, et se lance avec aplomb dans la version longue de Fuor del Mar. Inoubliable ! Inoubliable aussi, Joyce DiDonato, qui nous offre d’exceptionnels moments d’abandons, tandis que son Illia (la gracieuse Camilla Tilling), avec sa tendre présence scénique et son beau soprano léger, vise (et touche) le cœur d’un public conquis. Mireille Delunsch, sûre techniquement comme jamais, regard perdu, allures de femme tantôt fatale tantôt blessée, nous fait une Electre à couper le souffle, s’investissant à fond dans un personnage nécessitant le maximum de son talent et de son intelligence. Thomas Moser campe un Arbace attachant, et dans un état vocal plutôt honorable pour un artiste de son âge, le prometteur Xavier Mas est un Grand-Prêtre parfait, et Ilya Bannik, ainsi que les deux crétoises et les deux troyens, ne déméritent à aucun moment.

A la tête d’un orchestre plutôt approximatif en cette dernière représentation (les cuivres !), Thomas Hengelbrock réalise un beau travail sur les dynamiques et les phrasés, mais toujours dans le plus grand respect de ses excellents chanteurs.

Si l’on était en droit d’attendre plus d’intelligence et moins de prétention dans le travail de Luc Bondy, le chef et les chanteurs auront au moins su nous consoler ; on entend pas tous les jours Mozart interprété de cette façon !



Clément TAILLIA


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