C O N C E R T S
 
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NICE
23/04/2004

Maria Bayo
Wolfgang Amadeus MOZART

Idomeneo, Rè di Creta

Direction musicale : Marco Guidarini
Mise en scène : Olivier Bénézech
Décors et costumes : Alain Lagarde
Chorégraphie : Servane Delanoë
Éclairages : Laurent Castaing

Idomeneo : Kobie van Rensburg
Idamante : Carmen Oprisanu
Ilia : Maria Bayo
Elettra : Iano Tamar
Arbace : Leonardo de Lisi
Le grand prêtre de Neptune : Elio Ferreti
La voix de Neptune : Stefan Kocan

Orchestre Philharmonique de Nice
Choeurs et Ballet de l'Opéra de Nice

23 Avril 2004



On sort un peu décontenancé de la production d'Idomeneo présentée ce mois d'avril à l'Opéra de Nice. Olivier Bénézech a de forts bonnes idées sur le papier, mais l'ensemble ne sort pas d'une certaine routine : mélange des costumes - entre moderne et médiéval futuriste -, initiation maçonnique dans la scène finale (aïe ! Mozart n'y avait pas pensé, mais Bénézech oui), ballet envahissant, rarement convaincant, et quelque peu déplacé, univers clinique pour une Électre isolée... 

Déroutant spectacle donc où, toutefois, passent des images fort belles comme cette mer, composante essentielle du drame, ou ces tons pastels pour une poupe de navire très bande-dessinée et du meilleur effet. Olivier Bénézech va certainement au-delà des mots, dont il ne semble utiliser que les motivations musicales. Une lecture philologique de la partition et du livret mis aux goûts du jour, pourquoi pas en fait ? Et s'il se laisse prendre au piège de l'anecdote (au deuxième acte on se croit chez Ionesco et ses Chaises !) c'est justement dans la mesure où tout refuge dans un esthétisme gratuit est banni au bénéfice d'un approfondissement des nuances psychologiques et valeurs purement humaines du drame. Le metteur en scène niçois s'est souvenu avec bonheur que Mozart a voulu exprimer ici ses luttes avec son père et a signé sa partition la plus personnelle.

Les voix, elles, touchent au sublime et cela suffit en fin de compte très largement. Véritable révélation de la soirée : Kobie Van Rensburg. Très en forme, en particulier dans son "Fuor del mal", le ténor sud-africain campe un Idomeneo puissant, solide, puis accablé, tendu à l'extrême, d'une belle complexité.

Son fils Idamante a été confié à la mezzo roumaine Carmen Oprisanu. Une annonce en début de soirée nous demandait son indulgence car souffrante. Nous n'avons jamais entendu un registre aussi somptueux, une pâte vocale aussi tendre et veloutée. De plus le travesti lui va comme un gant !

Maria Bayo en Ilia ? Un timbre toujours jeune, crémeux à souhait, des aigus à la fausse fragilité, des graves doucement exhalés. Une attachante composition là aussi quand on sait que l'artiste porte en elle une charmante excuse de quelques mois...

A leurs côtés, Iano Tamar chante Électre avec une véhémence toute contrôlée, aux accents gutturaux et flottants d'une grande intensité dramatique, et dessine un personnage riche, démesuré dans la haine comme dans l'amour.

Pertinentes interventions d'Arbace (Leonardo de Lisi) et du Grand prêtre de Neptune (Elio Ferreti). Nous aimons toujours la direction d'orchestre de Marco Guidarini et certains de ses Mozart au charme "académique". Il était bien le seul - avec Papageno ! - l'an dernier, à la même époque, à sauver du naufrage une Flûte de fort mauvais goût. Avec Idomeneo, c'est ce charme académique qui devient la raison d'être de la musique. Des passages quasi chambristes aux allures toutes symphoniques des fureurs du monstre marin, Idomeneo devient transparent.

Les Choeurs de Nice se déploient doucement au gré des vents de Crête, distillant une musique dont les subtils glissements à la fin du deuxième acte, atteignent la presque inégalable, la bouleversante pudeur du Trio de Così...

On pouvait alors fermer les yeux et croire en beaucoup de choses.
 
 
 

Christian COLOMBEAU
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