C O N C E R T S 
 
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BRUXELLES
24/10/05
Roberta Invernizzi © DR

George Frideric HAENDEL (1685-1759)

Cantate Tra le fiamme HMV 170
Concerto pour hautbois, cordes et basse continue en si bémol majeur HWV 30
Cantate Figlio d’alte speranze HMV 113
Cantate Da quel giorno fatale (Il delirio amoroso) HMV 99

Roberta Invernizzi, soprano

La Risonanza

Emiliano Rodolfi, hautbois et flûte
David Plantier,
Olivia Centurioni,
Elena Telò, violons
Gianni De Rosa, alto
Caterina Dell’Agnello, violoncelle et viole de gambe
Rebecca Ferri, violoncelle
Vanni Moretto, violone
Isabel Lehmann, flûte
Fabio Bonizzoni, clavecin et direction

Bruxelles, église des Minimes – 24 octobre 2005

Il y a des concerts où vous vous rendez les yeux fermés, persuadé de ne pas être déçu, mais au contraire ragaillardi par un répertoire familier et des interprètes au sommet de leur art. En l’occurrence, c’est aussi la gourmandise qui vous ramène au soprano gorgé de soleil et délicatement corsé de Roberta Invernizzi. Cependant, ce confort a parfois un prix. S’il ne faut pas attendre d’émotions fortes ni de grands frissons de la première partie du programme, à l’entrain contagieux du jeune Haendel et à l’admiration béate que suscitent la rondeur, la sensualité d’une voix radieuse et l’aplomb d’une impeccable virtuose, succède assez vite un sentiment de frustration, sinon de perplexité : tout est parfaitement rodé, savamment calculé et dosé, mais ce contrôle absolu ne laisse aucune place à l’aventure, à la spontanéité. N’est-ce pas pourtant la valeur ajoutée du concert ? La prise de risque, l’abandon à l’inspiration du moment, même dans des pages légères, motivent le déplacement du public et pimentent le bonheur des retrouvailles. Dans les cantates comme dans le concerto pour hautbois, la Risonanza est au diapason : lecture solide et sans failles, vitaminée, carrée mais sans surprise. Un cran en dessous, l’aria brillante qui clôt Figlio d’alte speranze donne l’impression que la chanteuse s’économise, ce qui n’est pas impossible car la pièce qui l’attend est d’une tout autre envergure…

De fait, si la fraîche et lumineuse Tra le fiamme évoque l’oratorio La Resurrezione composé quelques mois plus tard (1708), Il Delirio amoroso forme un véritable drame lyrique miniature et annonce les chefs-d’œuvre à venir. Plus vaste et fantasque, éminemment baroque dans ses contrastes et ses climax, cette cantate exige, au même titre qu’une Lucrezia, un chant intensément vécu comme seules les vraies personnalités peuvent en délivrer. De gentils merles (Deborah York), de jolis rossignols (Maria Zadori) ont éludé ses enjeux, mais la plainte amoureuse d’une Kozena (« Per te lasciai la luce ») nous a vrillé l’âme. Roberta Invernizzi sculpte le récitatif avec plus de naturel – un naturel que l’on aurait tort de prendre pour de la désinvolture –, ses vocalises semblent également couler d’une source moins agitée (« Un pensiero voli in ciel »), mais au gré d’un lamento insoutenable, la plénitude et la morbidezza d’aigus dardés submergent l’auditeur, pour qui l’onde douloureuse se double aussi d’une vague de plaisir. Heureusement, avec le poison, Haendel fournit l’antidote : c’est la caresse mélancolique, mais chaude, apaisante du violoncelle. Galvanisés par leur héroïne qu’ils couvent du regard, les musiciens de la Risonanza se ressaisissent et assurent avec brio les changements de décor, en particulier l’entrée majestueuse et le virevoltant menuet qui nous transportent sur les bords de l’Achéron (ou de la Seine ?) pour le lieto fine d’usage. La mise en bouche fut longue, mais l’attente récompensée.

En présentant le bis, une aria extraite du Duello amoroso pour soprano et contralto, Fabio Bonizzoni dévoile le projet d’une intégrale des cantates de Haendel. A bon entendeur…

Bernard Schreuders
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