C O N C E R T S
 
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VIENNE
24/01/2006
 
Philippe Jaroussky, contre ténor

Ensemble Matheus
Direction et violon : Jean-Christophe Spinosi

Antonio Vivaldi (1678-1741)
concerto en sol mineur RV439 pour flûte « La notte »

Georg Friedrich Händel (1685-1759)
« Dover, giustizia, amor », air de Polinesso in Ariodante
« Pena tiranna », air de Dardano in Amadigi di Gaula

Vivaldi
ouverture de La fida ninfa

Händel
« Cara sposa » puis « Venti, turbini », airs de Rinaldo in Rinaldo

Vivaldi
« sinfonia » de Griselda
« Sorge l’irato nembo », air d’Orlando in Orlando furioso
“Sol da te”, air de Ruggiero in Orlando furioso

Concerto en ré majeur RV 513 pour deux violons

« Vedro con mio diletto », air de Anastasio in Giustino
« Se in ogni guardo », air de Argillano in Orlando finto pazzo

Bis: “Sento in seno” in Giustino
“Nel profondo” in Orlando furioso

Mozart-Saal, Konzerthaus, Vienne, le 24 janvier 2006

L'éthique de Spinosi

Pendant huit jours le Konzerthaus viennois propose son cycle de musique ancienne et baroque « Resonanzen », ouvert cet année avec Bajazet de Vivaldi (Fabio Bondi) et qui s’achèvera avec Rodelinda de Händel (Alan Curtis). Entre ces deux dates le spectateur viennois a pu retrouver ces deux compositeurs au sein d’un même concert.

L’ensemble Matheus et Philippe Jaroussky faisaient ainsi leur début au Konzerthaus. Disons d’emblée qu’ils ont remporté un franc succès auprès d’un public conquis. Le bondissant Jean-Christophe Spinosi dirige son ensemble avec dynamisme ; qu’il ait les mains libres ou qu’il prenne son violon, l’orchestre le suit sans faillir. Notons au passage la bonne tenue des solistes Anne-Violaine Caillaux dans le concerto pour deux violons, de Stefano Vezzani au hautbois (Amadigi) ou de Alberto Guerra (Amadigi et Rinaldo) au basson. Quant au flûtiste Jean-Marc Goujon, il nous enchante dans les douces variations du « Sol da te » de Orlando furioso.

Pour la partie vocale, le programme obéit à la répartition classique : air brillant et rapide alternant avec air lent et introspectif.

Philippe Jaroussky ne commence pas par un « tour de chauffe » mais par un coup d’éclat, le difficile air de Polinesso. Reconnaissons que la projection de la voix dans la Mozart-Saal est limitée dans le medium, mais la sûreté des vocalises, puis la rapidité des variations lors de la reprise, impose d’entrée de jeu une technique vocale parfaitement huilée.

L’air de Dardano puis le « Cara sposa » de Rinaldo lui offrent la possibilité de déployer une sensibilité pleine de retenue. Le dernier air de la première partie renoue avec la virtuosité. Le tempo d’enfer adopté pour « Venti, turbini » est assez jubilatoire, mais cette cavalcade risque de laisser le basson au bord de la route, le décalage avec le soliste étant évité de justesse.

Au crédit des interprètes versons également l’air d’Orlando « Sorge l’irato nembo » jouant sur la dynamique des nuances, ainsi que l’air de Ruggiero, occasion d’un dialogue avec la flûte (très belles volutes à la tierce ou à la sixte de la voix).

Jean-Christophe Spinosi soigne particulièrement l’accompagnement de l’air d’Anastasio, avec son accentuation ternaire, ce qui met d’autant plus en valeur le legato du contre-ténor. Le programme officiel se termine par l’air d’Argillano : une fois de plus le feu d’artifice vocal est au rendez-vous et le Da Capo permet à Philippe Jaroussky des incursions brillantes dans l’aigu.

Devant l’enthousiasme des auditeurs, les interprètes offrent deux bis que le chanteur présentera fort sympathiquement en allemand : l’émouvant « Sento in seno » sur pizzicato de cordes et le « Nel profondo » aux sauts d’octave saisissants. La joie de chanter et d’accompagner des interprètes est communicative et le public leur en sait gré et leur fait fête.

Terminons par un tout petit détail sans rapport avec la musique mais qui pourrait améliorer la présentation des artistes : il faudrait veiller à soigner les entrées, les sorties et les saluts pour gommer une impression de gaucherie ou d’improvisation. Mais cette remarque est plus de l’ordre de la forme et n’enlève rien au plaisir musical partagé en leur compagnie.



Valéry Fleurquin
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