C O N C E R T S
 
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ZURICH

07/10/2001

 
La Khovantchina
Modest Petrovitch Moussorgski

orchestration de Dmitri Shostakovitch

Mise en scène: Alfred Kirchner
Direction musicale: Vladimir Fedoseyev

Prince Ivan Khovanski: Matti Salminen
Prince Andrei Khovanski: Viktor Lutsiuk
Prince Vassili Golitsine: Rudolf Schasching
Le boyard Chakovitli: Michael Volle
Dossifei: Nicolai Ghiaurov
Marfa: Yvonne Naef
Un clerc: Martin Zysset
Emma: Margaret Chalker
Susanna: Ljuba Chuchrova
Kouzka: Peter Kálmán
1. Strelet: Valeriy Murga
2. Strelet: Jacob Will
Varsonofiev: Sergei Aksenov
Streschniev: Kenneth Roberson

Choeurs de l'Opéra de Zürich
Choeurs de chambre de Moscou
Orchestre de l'Opéra de Zürich

 


SALADES RUSSES

Écrite entre deux cuites et jamais achevée par Moussorgski, (la partition-piano chant omet la dernière scène et l'orchestration originale se limitait à deux actes), la Khovantchina souffre d'un livret médiocre et d'une inspiration musicale parfois faible et globalement hybride.

Malgré une avalanche de péripéties qui demandent plusieurs lectures pour être mémorisées (le livret est d'un tel ennui que Berlioz ne l'aurait sûrement pas renié pour une suite des Troyens), les scènes se succèdent sans que ne se constitue une intrigue réellement structurée.

Autre faiblesse, l'absence de caractérisation des personnages et de progression dramatique dans leurs relations: ainsi, tout comme Didon et Enée, mais dans le sens inverse, Marfa et Andrei s'engueulent à l'acte I pour mourir réconciliés à l'acte V sans s'être franchement beaucoup vus entre ces deux actes, et on s'en fout.

La musique privilégie la déclamation godounovienne, quelque peu lassante à la longue (surtout dans l'orchestration volontairement frustre de Chostakovitch) agrémentée de quelques choeurs ou danses au lyrisme beaucoup plus marqué.

Malgré ces défauts, l'oeuvre réserve quelques grandes scènes et l'on peut y trouver son plaisir si l'on n'est pas trop regardant.

L'intérêt de cette reprise reposait sur l'interprétation de Dossief par Nicolai Ghiaurov, qui chanta surtout par le passé le rôle de Khovanski. Ce premier rôle est à peine moins important: moins exposé techniquement mais plus exigeant dramatiquement (Chaliapine l'interpréta à Paris et à Londres: ce n'est pas un rôle de comprimario !). Les amateurs de vieilles barbes ne seront pas déçus: à l'âge de 72 ans et
après 46 années de carrière, il était exagéré de s'attendre à des miracles.

Pourtant... la voix de Ghiaurov a certes perdu en aigu et le timbre est usé, mais le volume reste important, le vibrato limité, et la musicalité est très correcte, même si elle n'atteint plus des sommets. L'interprétation évite un histrionisme de pacotille en donnant toute sa dignité de croyant à un personnage qu'on pourrait facilement transformer en un simple fanatique (Oussama pas l'air facile à chanter tout ça !).

Autre bonne surprise (pour moi), l'excellente interprétation de Matti Salminen (coaché par Ghiaurov lui-même, paraît-il): l'acteur et le chanteur sont ici irréprochables.

Dans le rôle trop court d'Andrei, Viktor Lutsiuk est également remarquable (et pas coincé dans l'aigu !): nous passerons sur le Vassili un peu engorgé de Rudolf Schasching, nettement au-dessous du niveau général.

Le rôle de Marfa n'est pas très long non plus; c'est grand dommage quand on dispose d'une authentique contralto de la qualité d'Yvonne Naef: belle voix, beau chant et belle interprétation.

Tous les autres rôles sont d'excellente qualité, mais il serait fastidieux de tous les citer.

Mention spéciale également pour les choeurs masculins, plus efficaces et précis que leur collègues féminins.

La direction nerveuse de Vladimir Fedoseyev est également très efficace, avec un orchestre de très bon niveau.

L'honnêteté m'oblige à préciser que les interprètes, chanteurs ou orchestre, sont aussi aidés par l'exceptionnelle acoustique de la salle, un véritable bijou.

Un mot rapide sur la mise en scène peu inspirée d'Alfred Kirchner: des costumes alternant les années 50 et XVIIe siècle, un décor constitué de portes type "cabines de plages" et de morceaux d'escaliers (on a vu ça 100 fois!), une projection sur le mur du fond (des automobiles devant des HLM, un cours d'eau), une bonne direction d'acteurs (doit-elle quelque chose au metteur en scène, d'ailleurs ?), quelques incongruités enfin (profitant du rythme de la strette du final du III, le boyard empoigne Khovanski pour quelques pas de valse !).
 
 

Placido Carrerotti
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