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RENNES
18/05/2004

(© Laurent Guizard)
Leo DELIBES (1836-1891)

LAKME

Opéra en 3 actes

Livret Edmond Gondinet et Philippe Gille
D'après Le Mariage de Loti de Pierre Loti (1850-1923)

Créé le 14 avril 1883 à l'Opéra-Comique à Paris

Direction musicale : Alain Altinoglu
Assistant à la direction musicale : Gwennolé Ruffet
Mise en scène : François De Carpentries et Karine van Hercke
Chorégraphie : Brigitte Chataignier
Décors et costumes : Philippe Léonard
Lumières : Thierry Fratissier
Chef de chant : Colette Diard
Chef de choeur : Gildas Pungier

Orchestre de Bretagne
Choeur de l'Opéra de Rennes,
Membres de l'Harmonie Municipale

Lakmé : Chantal Perraud 
Gerald : James Oxley
Nilakantha : Fabio Previati
Frédéric : Boris Grappe
Ellen : Mélanie Boisvert
Rose : Kelly Hodson
Mistress Bentson : Muriel Souty
Mallika : Danièle Alexandre
Hadji : Didier Helleux
La Déesse : Brigitte Châtaignier

Nouvelle coproduction
Opéra de Rennes - Grand Théâtre de Reims

Représentation du 18 mai 2004



Dès le lendemain de la répétition générale (13 avril 1883) tout Paris savait que Lakmé serait un succès. De très grandes cantatrices françaises s'illustrèrent dans le rôle-titre : Lily Pons (1946), Mado Robin (1956), Mady Mesplé (1960) et leur digne héritière, Natalie Dessay (1995).
Pourtant, soit l'oeuvre n'intéresse plus les directeurs d'opéra, soit aucune colorature ne veut se lancer dans partition, il est vrai périlleuse. L'ouvrage est très rarement donné de nos jours, saluons donc le courage de l'Opéra de Rennes qui a osé le monter, en coproduction avec le Grand Théâtre de Reims.

Certes, la mise en scène, les décors et les costumes sont très classiques. Daniel Bizeray directeur de l'opéra de Rennes s'en explique : "Un jour, furetant dans l'atelier de stockage de l'opéra, j'y trouvai d'anciens et magnifiques châssis toilés de Lakmé, superbement peints, datant de l'après guerre ( probablement 1954) mais en parfaite état de conservation. Photographiés et remis à la taille d'une maquette, ces décors confirmèrent cette belle impression, malgré le goût de l'époque pour la surabondance, soulignant le côté un peu kitsch du livret. L'utilisation des châssis toilés les plus sobres sur caillebotis de bois recréant une perspective à l'ancienne, le recours à une dramaturgie resserrée autour de la double intrigue politique et amoureuse, permettent aujourd'hui la renaissance d'une Lakmé dont le thème ne manque pas d'actualité". Tout est dit !

Cependant, une innovation de Brigitte Châtaignier est à souligner. Cette chorégraphe est reconnue en Inde et en France parmi les rares artistes qui maîtrisent le style traditionnel Mohini Attam, une danse féminine du Kérala (Inde du sud). Elle a créé un personnage de danseuse présente pendant toute l'action, mimant chaque situation, spécialement l'envoûtement de Lakmé pour lui faire abandonner son amour coupable. Les saris qui ont permis aux protagonistes d'évoluer gracieusement et de jouer avec ces longues pièces d'étoffe drapée sont de toute beauté.
Un petit bémol pour le dernier tableau : tellement dénudé, un peu statique, et privé de l'émotion attendue. Non seulement on ne voit pas Lakmé absorber la feuille de datura, mais elle meurt seule au milieu de la scène devant Nilakanta et non dans les bras de Gérald qui est censé lui "avoir donné le plus doux rêve".

Lakmé était dévolu au soprano colorature Chantal Perraud issu de la formation lyrique du CNIPAL de Marseille et de la troupe de l'Opéra National de Lyon. Elle a campé une très belle héroïne à la voix souple, mélodieuse, aux demi-teintes bien tenues, même si elle en abuse parfois un peu. Le célébrissime air des clochettes a retenti avec sûreté, musicalité, sans aucun effort apparent. Son jeu scénique était expressif et pudique à la fois.

James Oxley, d'origine britannique, était Gérald. Sa voix de ténor dit "leggero" cadrait bien avec ce rôle, mais des problèmes dans les notes de passage l'ont obligé à émettre parfois dans une voix de tête au timbre assez pâle.

Nilakantha était tenu par le baryton italien Fabio Previati. On aurait aimé plus d'autorité dans son brahmane : dans les aigus, un vibrato excessif a pu entacher la projection du son. Il s'est néanmoins très honorablement acquitté de son grand air interprété mezza voce.

Le chef Alain Altinoglu s'est déjà fait remarquer dans Don Giovanni avec la Grande Ecurie et la Chambre du Roy, ainsi que la Flûte enchantée avec l'orchestre d'Ile de France et lors de la création mondiale de Pérela de Dusapin, pour laquelle il dirigeait l'orchestre national de Montpellier. Il a su insuffler à l'Orchestre de Bretagne un juste mélange de violence et de passion. Au baisser de rideau, les cors anglais sont venus, à juste titre, recueillir les applaudissements.

Une bonne soirée, en somme. On aimerait retrouver Lakmé plus souvent en France.
 
 
 

E.G. SOUQUET
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