C O N C E R T S 
 
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PARIS
14/11/05
 © Denis Rouvre

Récital Marie-Nicole Lemieux

Marie-Nicole Lemieux (contralto)
Daniel Blumenthal (piano)

Reynaldo Hahn (1875-1947)
À Chloris (poème de Théophile de Viau)
Si mes vers avaient des ailes (poème de Victor Hugo)
Fêtes galantes (poème de Paul Verlaine)

Ernest Chausson (1855-1899)
L'Albatros (poème de Charles Baudelaire)
Le charme (poème d’Armand Sylvestre)
Apaisement (poème de Paul Verlaine)
Le Chevalier Malheur (poème de Paul Verlaine)

Georges Enesco (1881-1955)
Sept chansons de Clément Marot (poèmes de Clément Marot)

Claude Debussy (1862-1918)
Fêtes galantes II (poèmes de Paul Verlaine)

Reynaldo Hahn
Offrande (poème de Paul Verlaine)
D'une prison (poème de Paul Verlaine)
Trois jours de vendange (poème d'Alphonse Daudet)
L'heure exquise (poème de Paul Verlaine)
Quand la nuit n'est pas étoilée (poème de Victor Hugo)

Bis

Reynaldo Hahn : Puisque j'ai mis ma lèvre (poème de Victor Hugo)
Francis Poulenc (1899-1963) : Hôtel (poème de Guillaume Apollinaire)
Henri Duparc (1848 – 1933) : Invitation au voyage (poème de Charles Baudelaire)
Erik Satie (1866-1925) : Dapheneo (poème de Mimi de Godedbska)
Henri Duparc : Chanson triste (poème de Jean Lahor)

Paris, L'Athénée Théâtre Louis-Jouvet, le 14 novembre 2005

L’Athénée renoue le temps d’une soirée avec ses lundis glorieux - quand défilaient aux alentours des années 80 sur l’une des plus belles scènes parisiennes les plus grandes voix - dans un répertoire de son âge et qui convient à sa luxueuse intimité : la mélodie française des débuts du vingtième siècle. Le théâtre se transforme spontanément en salon. Au diapason, Marie-Nicole Lemieux abandonne sa candeur et sa blondeur canadiennes pour revêtir les atours d’Yvette Guilbert, cheveux roux, robe longue noire, écharpe à plume ; Il ne manque que les gants. Les lumières s’éteignent ; l’air s’imprègne de parfums rares, de chagrins secrets, d’aveux étouffés ; l’heure devient exquise. A un point tel qu’elle durera près de cent minutes, au lieu des soixante habituelles, sans entracte avec pas moins de cinq rappels.

Contralto ou mezzo-soprano ? La question se pose à l’issue de ce récital où la tessiture souvent s’éloigne des rivages sombres qui appartiennent à la plus grave des voix de femme. La réponse a peu d’importance. Seuls comptent la chaleur du timbre, la courbe du chant, son ampleur naturelle, ses sonorités vibrantes et la manière dont l’instrument épouse, plus que le texte, l’esprit de ces poèmes.

Car si la diction chancelle de temps à autre; si les mots s’enrobent parfois de coton, l’intelligence de l’interprétation rachète, ô combien, les quelques écarts de diction.

Les pièces les plus dramatiques y trouvent en premier leur compte : la souffrance résignée de la septième chanson de Clément Marot (« Du confict en douleur »), le dialogue tragique de la dernière mélodie des Fêtes galantes (« Colloque sentimental »), deux moments intenses et bouleversants. Daniel Blumenthal démontre alors son affinité avec les musiques de Georges Enesco et Claude Debussy. La mélancolie délicate de Reynaldo Hahn, le lyrisme ardent d’Ernest Chausson le révèlent moins inspiré.

Mais la palette de Marie-Nicole Lemieux ne se limite pas aux affects. La bonne humeur, inhérente aux natures généreuses, souvent affleure. Le sourire, le rire même, surviennent quand par exemple elle s’adresse « Aux damoyselles paresseuses d'escrire a leurs amys » (troisième chanson de Clément Marot).

D’autres sentiments aussi, d’autres nuances complexes sont exprimés chaque fois avec une justesse admirable. Jusque dans les silences, quand elle se tait, que le piano déroule ses rubans de notes, le visage merveilleusement expressif continue de chanter.

Tant de richesse confond. Au moment des saluts, une spectatrice éperdue de reconnaissance, s’écrie « Merci !». « C’est moi qui vous remercie » répond la cantatrice, avec une voix de petite fille, curieusement haut perchée, émouvante par sa simplicité. « Vous êtes trop gentil… Il est difficile de dire non », s’excuse-t-elle encore, tandis qu’inlassablement le public frappe dans ses mains, avant d’ajouter confuse : « Ca me fait beaucoup de bien ». Ce n’est, Madame, qu’un juste retour des choses.

Christophe Rizoud
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