C O N C E R T S 
 
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PARIS
15/11/05

Dimitri Chostakovitch

LE NEZ

Opéra en trois actes et dix tableaux (1930)

Livret de Dimitri Chostakovitch et Evgueni Zamiatine

D’après la nouvelle de Nikolai Vassilievitch Gogol

Mise en scène                   Yuri Alexandrov
Décors                             Zinovy Margolin
Costumes                         Maria Danilova
Lumières                          Gleb Filshtinsky

Kovalev: Vladislav Sulimsky
Ivan, son valet: Sergei Skorokhodov
Le Nez: Avgust Amonov
Ivan Iakovlevitch: Edem Umerov
Tatiana Kravtsova: Praskovia Ossipovna
Yuri Popov: le gendarme du quartier
Alexander Morozov: le docteur
Vadim Kravets: l’employé du journal
Konstantin Pluzhnokov: Larijkine
Larisa Shevchenko: Pélagie Grigorievna Podtochine
Zhanna Dombrovskaya: sa fille
Vladimir Samsonov: le laquais
Tatiana Filimonova: la dame
Valery Lebed: le père
Tatiana Kravstova: la mère
Vasily Gorshkov: Pierre Féodorovitch
Alexander Gerasimov: Ivan Ivanovitch
Olga Markova-Mikhailenko: une vieille dame noble
Ekaterina Tsenter: la marchande
Andrei Zorin: intermède
Viktor Vikhrov: le vieillard
Alexander Gerasimov: un marchand
Vasiliy Gorshkov: un colonel
Liudmila Kanunikova: une dame respectable
Vladimir Samsonov: Khorzev-Mirza
Yuri Vorobiev: un policier en service, un valet
Vladimir Zhivopistsev: un officier de police
Yulia Khasanovaa: Sirin

Orchestre, Ballet et Chœurs du Théâtre Mariinski
Direction musicale : Valery Gergiev

Opéra-Bastille, le 15 novembre  2005

Après Cardillac il y a quelques semaines, et avant L’Amour des Trois Oranges en décembre, l’Opéra de Paris continue son exploration du répertoire de l’entre-deux-guerres avec une production clef en mains du Théâtre Mariinski du Nez, opéra de jeunesse de Dimitri Chostakovitch.

Le compositeur russe n’a effectivement que 21 ans lorsqu’il compose cet ouvrage, largement expérimental dans la forme, mais témoignant d’une extraordinaire maîtrise de l’écriture musicale. Et c’est bien cette richesse musicale qui fait tout le prix de cet ouvrage au scénario improbable.

Inspiré de Gogol, et de quelques autres sources russes, Le Nez nous compte les tribulations du major Kovalev à la recherche d’un nez qui a choisi la liberté. Il s’agit là d’une farce satirique.

Disons tout de suite que ce côté critique, passé à la moulinette délirante de Chostakovitch-librettiste, nous échappe largement d’autant que la société que Gogol dépeint est antérieure de près de 100 ans à la composition de l’ouvrage : seule la corruption du policier nous amuse, sans doute parce qu’elle est de toutes les époques.

En ce qui concerne le côté burlesque en revanche, on est servi : un orchestre en folie (on notera en particulier le premier interlude, pour percussions seules) recourant à des instruments inusités sur les scènes lyriques (balalaïka, domra ou l’étonnant flexatone à la sonorité de scie musicale) ; des chanteurs soumis à des tessitures incroyables (le gendarme culmine au mi-bémol !) ; un découpage hyperdynamique permettant à 70 personnages de s’exprimer durant moins de 2 heures de musiques (faites le calcul, ça ne fait pas beaucoup par chanteur !).

La mise en scène pleine d’invention de Yuri Alexandrov joue à fond cette carte du délire permanent, imposant une agitation quasi mécanique sur scène. Le décor est du même métal : a priori, une représentation en dur d’une cours d’immeuble vue d’avion, mais qui sait se déformer et user de trappes pour tromper les repères visuels du spectateur (la première apparition du gendarme est assez confondante : un toit d’immeuble s’ouvre comme un couvercle pour laisser place à une marionnette géante affublée de la minuscule tête de l’interprète).

Certains détails néanmoins restent  difficilement compréhensibles, telle cette scène où le Nez, grimé en Napoléon premier, sort d’un cercueil.  

On passe donc une bonne soirée, mais on ne peut s’empêcher de trouver toute cette agitation un peu vaine ; sans doute conscient des limites d’une telle démarche, Chostakovitch reviendra à davantage de structuration dans ses ouvrages ultérieurs.

L’ouvrage est interprété par la troupe du Théâtre Mariisnky, la distribution précise étant réservée aux spectateurs qui achètent le programme ou à ceux qui arrivent à trouver une des rares affiches du jour.

Le niveau vocal est au mieux correct.

Dans le rôle omniprésent de Kovalev, Vladislav Sulimsky manque franchement de projection et comme beaucoup ce soir là, il est régulièrement couvert par l’orchestre.

On pardonnera quelques problèmes d’intonation aux différents ténors compte tenu de la difficulté de leurs rôles : je ne suis pas certain que Yuri Popov atteigne vraiment son mi bémol, mais ça n’a guère d’importance.

Moins exposés mais tout aussi remarquables, Vadim Kravets et employé du journal et Zhanna Dombraskaya très en voix en fille de Mme Podtochine.

Bien plus en retrait en revanche, le docteur d’Alexander Morozov qui fait un peu honte à la réputation des grandes basses russes.

C’est bien sûr de l’orchestre que nous viennent nos plus grandes joies : transportée par l’énergie de son directeur musical, la formation russe est absolument flamboyante, brillant de mille couleurs.

Pourtant, le succès public sera mitigé, le parterre clairsemé se vidant dès après le premier salut, privant la troupe d’un rappel mérité.

Placido Carrerotti
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