C O N C E R T S
 
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STRASBOURG
14/05/2007
 
 © DR

Gaetano DONIZETTI


Lucia di Lammermoor

Opéra en 3 actes
Livret de Salvatore Cammarano
tiré du roman de Sir Walter Scott :
The Bride of Lammermoor

Direction musicale : Giuliano Carella
Mise en scène : Stein Winge
Collaboration à la mise en scène : Halldis Hoaas
Décors : Johannes Schuetz
Costumes : Kari Gravklev
Lumières : Franz David

Lord Enrico : George Petean
Lucia : Hye-Youn Lee
Sir Edgardo de Ravenswood : Leonardo Capalbo
Arturo : Marc Laho
Raymondo Bidebent : Giorgio Giuseppini
Alisa : Carolina Bruck-Santos
Normanno : Roger Padullés

Chœurs de l'Opéra national du Rhin
Direction des Chœurs : Michel Capperon

Orchestre Symphonique de Mulhouse

Nouvelle production

Strasbourg, Opéra, 14 mai 2007

Un vent de fraîcheur


Au risque de nous répéter, mais il est des vérités qu’il est bon non seulement de dire, mais de redire, l’Opéra du Rhin a su à nouveau faire preuve d’un flair décidément exceptionnel en réunissant de jeunes artistes dont on reparlera certainement.

Cette production de Lucia di Lammermoor affichait ainsi deux distributions, l’une avec Tatiana Lisnic et Joseph Calleja, le ténor qui monte, l’autre avec Hye-Youn Lee et Leonardo Capalbo, le ténor qui pourrait bien monter à son tour !

Nous avons entendu pour notre part la seconde distribution et nous y avons retrouvé avec bonheur la jeune Hye-Youn Lee qui fut ici une « Jeune Voix du Rhin » remarquée si ce n’est remarquable. Elle a fait preuve dans ce rôle emblématique du bel canto romantique d’un engagement et d’une maîtrise tout à fait extraordinaires. Elle possède un charme ravageur et affiche une voix saine et sûre, jusque dans le suraigu, généreux. La souplesse des vocalises (on chipotera en espérant des trilles plus nets, mais on appréciera les reprises variées), l’expression et l’élégance du chant, la finesse du jeu concourent à une superbe incarnation du rôle : on ne saurait résister.

A ses côtés, le non moins jeune Leonardo Capalbo fait preuve de qualités similaires : une voix très belle, qui peut paraître un peu légère dans un premier temps, mais qui s’épanouit dans des aigus superbement déployés. Les phrasés sont assez joliment menés, notamment les passages de la voix de tête au registre de poitrine, ainsi que les crucifiantes montées vers l’aigu dans le finale du dernier acte. Assurément, un ténor à suivre de près.

Le couple formé par ces deux jeunes brillants artistes est enchanteur et d’une parfaite crédibilité scénique.

A leur côté, le baryton George Petean est une autre révélation, et non des moindres. Organe absolument magnifique, legato royal, aigus impressionnants et d’une solidité qui semble à toute épreuve (il finit le duo avec le ténor à l’unisson !), prestance scénique : ce baryton a tout pour faire des étincelles dans le répertoire verdien. Là encore, une carrière à suivre !

Les autres protagonistes ne sont pas en reste, de Giorgio Giuseppini, basse au timbre somptueux et imposant, dont le chant rivalise d’élégance (qui doit lui aussi faire merveille dans Verdi) aux excellents Marc Laho en Lord Arturo et Roger Padullés en Normanno.

Les chœurs montrent une belle santé, tout comme l’orchestre, mais par-dessus tout règne en maître Giuliano Carella qui porte à bout de bras l’ensemble : l’énergie avec laquelle il empoigne la partition est assez décoiffante. Surtout, il est d’une attention de tous les instants à l’égard des chanteurs, notamment dans les cadences des duos et des ensembles où pas un décalage n’est à noter. Mais le chef sait aussi soigner l’orchestre et modèle avec art les passages qui le mettent en valeur, tel le hautbois accompagnant la deuxième entrée de Lucia. On appréciera par ailleurs le Glassharmonica joué par Thomas Bloch pour la scène de la folie. Le timbre évanescent et étrange de cet instrument apporte un plus indéniable à cette scène qui dépasse le « simple » numéro de chant : un vrai moment de théâtre.

La sobriété est le maître mot de Stein Winge qui met ainsi en valeur le drame humain de cette histoire terrible. On ne saurait le lui reprocher tant cette économie de moyens alliée à un intelligent travail scénique devient une force, surtout avec des chanteurs qui ont l’âge et le physique de leur rôle : la puissance des sentiments et des situations ne peut qu’être exaltée par cette approche.

Le décor, fort bien mis en valeur par les éclairages, se limite ainsi à une pièce aux murs blancs dans laquelle un panneau, noir d’un côté et recouvert de miroirs de l’autre, tourne, recule ou avance, variant l’espace selon les situations. L’Ecosse de l’histoire de Walter Scott est discrètement évoquée à travers les costumes, l’ensemble tendant à l’universalité pour se concentrer sur la dimension humaine de l’intrigue. On pourrait reprocher un peu de froideur à cette vision, quelques maladresses aussi qui insistent sur la violence des situations (des pistolets un peu trop ostentatoires lors de l’intrusion d’Edgardo aux noces de Lucia et Arturo, un peu trop de sang dans la scène de la folie...), mais elle sert si bien le drame qu’on finit par se laisser convaincre.

Une superbe production menée par une équipe jeune qui montre déjà une étonnante maîtrise de l’ouvrage et prouve que l’on n’a pas besoin de « stars » pour rendre justice à un ouvrage si exigeant vocalement. Bref, le genre de spectacle qui rend heureux.



Pierre-Emmanuel LEPHAY


Prochaines représentations :
Avec Lisnic/Calleja : 20, 24 à Strasbourg, 1° et 3 juin à Colmar
Avec Lee/Capalbo : 18, 22 mai à Strasbourg

Renseignements : operanationaldurhin.fr

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