C O N C E R T S
 
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MARSEILLE
(Opéra Municipal)

24/01/2002

 
Macbeth
(Giuseppe Verdi)

Direction Musicale : Giuliano Carella
Mise en scène : Ricaedo Canessa
Décors : Poppi Ranchetti
Costumes : Jean-Noêl Lavresvre
Lumières : Valério Alfieri

Macbeth : Lucio Gallo
Lady Macbeth : Inès Salazar
Banquo : Andréa Papi
Macduff : Misha Didyk


Il est des spectacles dont on ressort parfois contrarié, ceux qui par exemple vous déroutent par leur mise en scène au discours dérangeant ou décalé ; d'autres où la colère domine, où une chanteuse massacre votre air favori ; et d'autres fort heureusement (mais bien trop rares) qui vous conduisent vers les cimes paradisiaques du bonheur musical et théâtral.

Qu'on se le dise de suite, rien de tout cela ce soir à l'Opéra de Marseille ! Le propos peut paraître un peu rude mais ce spectacle a pour moi été la première (et comme souvent douloureuse) expérience où je me suis franchement interrogée sur la raison d'être de ce que je voyais !
Qu'il se trouve sur cette terre des personnes sans talent est bien légitime (et j'en fais partie d'ailleurs) mais qu'il y ait également des directeurs de salles responsables (des deniers publics par ailleurs) pour les engager est on ne peut plus répréhensible ! Les choses devraient fort heureusement changer pour cette maison avec l'arrivée de la très professionnelle Renée Auphan.

La maîtrise d'ouvrage de ce Macbeth a donc été confiée à une équipe de haut vol, concentrée autour d'un metteur en scène international qui a entre autres oeuvré pour une Tosca à Miramas (sic !) et un Otello aux USA dont on ne saura rien de plus. Pas de mise en scène, encore moins de direction d'acteur, un sens du dramatique à la limite de la caricature ou du grotesque (on a atteint des sommets du genre au 3ème acte avec les apparitions et la danse des sylphides !). Le tout se déroulant dans des décors surabondants et sans cohérence, faits d'éléments d'architecture vaguement renaissance, vaguement néo-gothique, dévastés par les ronces et les lianes du château de la Belle au bois Dormant. Le tout aurait pu être encore sauvé si nous n'avions pas souffert des lumières hideuses concoctées pour l'occasion. Couleurs plus que datées en douche permanente, l'effet concours au massacre surtout quand dans le programme nous apprenons que ce professionnel aurait assisté Pizzi et Wilson, c'est de toute évidence de l'amateurisme que peut relever de telles entreprises.

C'est du domaine musical que la soirée, si elle n'a pas été des meilleures a échappé au naufrage. La direction enlevée et rythmée de Giuliano Carella nous montre un chef qui connaît bien, maîtrise et aime visiblement ce répertoire. Il est efficace et attentif aux chanteurs, on aurait aimé plus de nuances, histoire de dire que Verdi n'a pas toujours écrit pour la cavalerie, mais que tirer d'un orchestre rebel qui vit depuis plus de vingt ans sans chef ? Les choeurs en revanche accusent un sérieux déficit (d'âge ?), les aigus chez les femmes ne sont pas toujours heureux et les ensembles trop souvent décalés, cruel rythme !

Le Macbeth de Lucio Gallo n'est pas très crédible ; à une voix serrée, trop petite et à l'émission engorgée, il tente de répondre par une interprétation d'un Macbeth tout en force. Nous n'y accrochons pas le moins du monde et là aussi nous cherchons le musicien. Le Macduff de Misha Didyk est malheureusement l'image de ce que les écoles russes peuvent fournir de pire. Il a de la puissance vocale, il en use (trop), et ce chant bruyant et sans charme est marqué par un affligeant vibrato et des aigus criés qui semblent ensorceler le public.

Mais heureusement ce soir, il y avait sur le plateau Andréa Papi, à la voix ample, souple et chaleureuse de Banquo, l'ami trahi qu'il campe avec noblesse. Notons surtout la sublime présence d'Inès Salazar en Lady Macbeth. Si elle n'est pas à priori une grande voix et si elle n'est pas toujours homogène sur tout le registre, l'intelligence de la musicienne nous livre une Lady ensorceleuse et démoniaque. Totalement fascinante physiquement, elle est de surcroît capable de superbes aigus pianissimi, tendus à l'extrême, et d'éclats de voix foudroyants !

Nous les remercions tous deux qui ont été, avec le chef, la quasi unique raison de monter ce spectacle tel que nous l'avons vu, si ce n'est la curiosité d'entendre Macbeth dans la version originale de 1847, un peu mince non ?

En tout cas, si vous cherchez Shakespeare, foncez à La Criée, 200m plus loin sur le port, assister à la très belle et touchante vision de Philippe Adrien du Roi Lear !

Edwige Vandernoot

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