C O N C E R T S
 
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NANCY
29/02/2004

Satyricon - Toute la distribution
© Opéra de Nancy
Bruno MADERNA (1920-1973)

Le Journal vénitien
Oeuvre pour ténor, orchestre et bande magnétique (1972)
Livret de Jonathan Lévy d'après James Boswell
Nigel Robson : Boswell


Boswell : Nigel Robson
© Opéra de Nancy

Satyricon
Opéra en un acte (1973)
Livret tiré de l'oeuvre de Pétrone

Fortunata : Sally Burgess
Criside : Valérie Florencio
Quartilla : Corinne Romijn
Trimalchio : Wolfgang Ablinger-Sperrhacke
Habinnas : Nigel Robson
Eumolpus: Frans Fiselier
Niceros: Alain Wendling
Scintilla: Gaëlle Pauly
Une invitée / Cario : Astrid Bas
Philargyrus : David Tridant

Orchestre symphonique et lyrique de Nancy
Direction musicale : Luca Pfaff

Mise en scène et lumières : Georges Lavaudant
Décors : Nicky Rieti
Costumes : Jean-Pierre Vergier
Assistante mise en scène : Jane Piot
Assistante costumes : Brigitte Tribouilloy
Assistant lumières : Pierre Guérin

Coproduction Opéra des Flandres,
Opéra de Nancy et de Lorraine
Nancy, le 29 février 2004



Le travail habile de Luca Pfaff et de Georges Lavaudant relie deux ouvrages différents, Le Journal vénitien, d'après la chronique de voyage du jeune Boswell dans la Venise de la fin du 18ème siècle, et le Satyricon, plongée acide dans la décadence de la civilisation romaine. On voit bien ce qui lie les deux : la technique de composition aléatoire, signature musicale de Maderna, l'alternance permanente des langues utilisées (français, allemand, italien, anglais), la question de la moralité et de la tentation, la succession de séquences mettant en scène tour à tour des personnages typés...

Au début, Boswell, seul, en costume d'époque, poudré et cabotin, arpente l'avant-scène : magnifique Nigel Robson, timbre riche, aisance, élégance et humour dans la parodie de bel canto... Derrière lui, s'ouvre le banquet de Trimalcion : Lavaudant choisit à juste titre de ne pas verser dans l'actualisation du thème, et reste dans une atmosphère antique et oisive, à peine tempérée par quelques éléments contemporains. Il est vrai que le texte est suffisamment explicite quant à l'universalité, intemporelle, de l'argument pour qu'il ne soit pas nécessaire d'en ajouter sur le "signifiant" : cela nous change agréablement de bien d'autres scènes...


Quartilla : Corinne Romijn / Fortunata : Sally Burgess
            Cario/une invitée : Astrid Bas
© Opéra de Nancy

Dans les dix-neuf numéros du matériau initial proposé par Maderna, Luca Pfaff fait un choix judicieux de moments assez courts et caractérisés, donnant à l'ensemble une trame dramatique cohérente, un lien narratif certes ténu, mais une béquille salvatrice pour le spectateur... à défaut d'un vrai synopsis. L'utilisation de la bande magnétique est limitée, anecdotique, ponctuant ou explicitant le discours scénique. Georges Lavaudant a, semble-t-il, souhaité rappeler le côté bon vivant de Maderna, et paraît éprouver comme une sympathie bonhomme pour ces personnages parfaitement vulgaires, grotesques, du Satyricon. Une partie du public frémit devant l'apparition hermaphrodite ou l'esclave traîné comme un chien en laisse, mais s'il craint le pire, il est déçu, la provocation attendue se fait discrète, reléguée dans ses extrêmes sur l'écran vidéo. Lavaudant a même la bonne grâce d'aider les spectateurs dans leur compréhension de l'ouvrage, en chapitrant, sur ce même écran, les numéros choisis par Luca Pfaff : Lady Luck, Fortunata, La Matrone d'Ephèse, Carriera del Trimalchio, Love Ecxtasy...


Trimalchio : Wolfgang Ablinger-Sperrhacke / Fortunata : Sally Burgess
            Criside : Valérie Florencio / Scintilla : Gaëlle Pauly
© Opéra de Nancy

Musicalement, l'affaire est pourtant parfois rude pour une grande partie du public. Mais les citations musicales de Maderna, nombreuses et souvent teintées d'une belle ironie (les trompettes d'Aïda...), permettent régulièrement de se raccrocher à une branche plus familière dans un torrent parfois déroutant. On sent même comme un frémissement de détente circuler dans les rangs à un moment particulièrement splendide et relativement "classique", le beau trio de Love Ecxtasy, ou pendant la "song" à la Kurt Weill de Fortunata. Plateau vocal équilibré, avec une magnifique prestation de Wolfgang Ablinger-Sperrhacke dans le testament de Trimalchio,... et du tubiste, fort justement convié sur scène au salut final. Des éclairages parfois bien parcimonieux n'estompent pas la belle luminosité de costumes astucieux et assez flatteurs pour les femmes.

L'initiative de l'Opéra des Flandres et de celui de Nancy de coproduire des ouvrages lyriques de Maderna est la bienvenue, tant ce compositeur semble aujourd'hui absent des scènes européennes. Toutefois, l'on en juge par la réaction polie mais peu chaleureuse - si ce n'est pour Nigel Robson et Wolfgang Ablinger-Sperrhacke - du public nancéien, en tout cas lors de la représentation à laquelle était présent Forum Opéra, il faudra une grande force de conviction pour récidiver...
 
 
 

Sophie ROUGHOL
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