C  R  I  T  I  Q  U  E  S

les concerts de Forum Opera


Opéra national de Lyon

Le siège de Corinthe

(Gioacchino Rossini)

(01/10/01)

Direction musicale Maurizio Benini
Mise en scène Massimo Castri
Réalisée par Monica Conti
Décors et costumes Maurizio Balo
Eclairages Luigi Saccomandi

Mahomet II Michele Pertusi
Omar Paul Gay
Cléomène Stephen-Mark Brown
Néoclès Marc Laho
Hiéros Christophe Fel
Adraste Gérard Bourgoin
Pamira Darina Takova
Ismène Hélène Obadia

orchestre et choeur de l'Opéra national de Lyon

Mahomet va se faire voir chez les grecs.







Résumé :

Les Islamistes assiègent Corinthe.
Les occidentaux se lamentent.

Leur chef George Bush (Cléomène, incarné par Stephen Mark Brown) a promis la main de Maddeleneka Allbright (Pamyra, incarnée par Darina Takova) à Bush Jr (Néoclès : Marc de Beuliou Laho).

Dans sa jeunesse, Maddeleneka a fauté avec le beau Enrico Macias, qui, sous sa vraie identité, níest autre que líabominable Ben Laden (Mahomet II, incarné par Michele Pertusi).

Quand líaffaire se complique, líassemblée nationale vote les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain (Hiéros : Christophe Fel) et se replie courageusement sur Bordeaux.

Níen pouvant plus, Maddeleneka révèle à Ben Laden líimpureté de ses origines et se suicide en avalant une tranche de jambon.
 

Sur ce livret díune intense actualité, Rossini a composé une oeuvre quíon juge habituellement comme un retour en arrière par rapport à sa production italienne. Cíest en partie exact en ce sens que les structures en sont plus rigides et plus académiques (airs, cabalettes, choeurs et ensembles se succèdent sagement, alors que "Maometto II" abondaient en formes originales (le gigantesque terzetone du premier acte par exemple). Mais "Guillaume Tell" níaurait sans doute pas pu naître sans ce "Siège" qui líannonce en maints passages. Cíest en acceptant un nouveau cadre et en transcendant les contraintes que Rossini pourra composer un chef díoeuvre entièrement original.

Comme on níest pas à Opéra International, je vous dispenserai de líanalyse comparative des versions italiennes et française, de celle des mérites comparées des créatrices du rôles assortie de remarques acides sur Montserrat qui aurait sûrement été lamentable si elle líavait chanté (ce qui est díailleurs probable !).

Le ridicule de la production a déjà été évoqué lors de sa création à Pesaro : líaction est transposée sous Byron, les Turcs ont des fausses barbes et un fez avec un délicieux pompon qui leur chatouille le nez, tout le monde lève son sabre pour crier "aux armes" mais jamais en même temps, il y a deux cyprès qui symbolisent les tours jumelles du World Trade Center et líun díentre eux síabat sur la scène au moment où Pa myra se suicide (je níinvente rien !) ; ceci dit, on síy fait.

Notre plaisir est ailleurs et il est grand !

Michele Pertusi dispense des vocalises impeccables et nous gratifie de variations et de notes aiguës dans les reprises de cabalettes, le timbre est toujours beau. Malgré une projection limitée, la voix passe bien la rampe : on en redemande!

La voix de Darina Takova est un peu sèche (elle passait mieux à la Scala dans "Lucrezia"), mais elle y met du coeur, avec de louables tentatives belcantistes malgré une technique moins assurée : on aime aussi.

En Cléomène, Stephen Mark Brown se sort très bien díun rôle très difficile mais dépourvu de grands airs pour se faire applaudir : aigus, variations avec une voix un peu trop blanche, alla Kunde.

Néoclès est incarné par Marc Lahot qui síen tire fort honorablement quoique le volume soit un peu confidentiel et quelques aigus "un peu limites î. Un regret : il se dispense de la reprise de sa cabalette (celle-ci étant fort courte, líeffet tombe un peu à plat).

Déjà entendu dans de petits rôles, Christophe Fel est pour moi une découverte en Hiéros : voix saine, homogène et solide, juste ce quíil faut díinvestissement dramatique.

Les comprimari sont également excellents.

Le véritable point faible consiste en la médiocre performance des choeurs masculins, dans un ouvrage où ils sont particulièrement exposés.
Chez les ténors, seuls un ou deux perfectionnistes tentent les notes aiguës : on les en louerait volontiers síils ne venait rompre líéquilibre de la majorité de leurs collègues, paresseusement et prudemment restés muets dans les passages difficiles.

Le choeur féminin est díune toute autre valeur, ce qui accentue le déséquilibre dans les ensembles.

Il en résulte une curieuse "Bénédiction des drapeaux " dont la virilité níémane pas du camp quíon attendrait !

Ainsi, on níentend plus que ces dames quand le choeur entonne les vers :Ý ìRépondons à ces chants de victoire / Méritons un trépas immortel (quíest ce que ça veut dire, díailleurs ? !) / Nous verrons dans le champs de la gloire / Le tombeau se changer en autel î.

Líeffet comique est accentué à la reprise du passage, les hommes scandant sans conviction de timides "Marchons ! Marchons !" largement couverts par le choeur féminin.

La direction de Maurizio Benini mía paru un peu rapide au premier abord, avec des tempi quíon attend plutôt des Rossini buffo (cíest souvent la même musique !). Ce choix se révèle en fait pertinent sur la durée car il gomme une partie du statisme de líaction (les 3/4 de líoeuvre sont passés à chanter "Marchons ! Marchons !" tout en restant sur place !). A quelques minimes accidents près, líorchestre répond valeureusement à ces intentions.

Au global, une soirée exaltante et un succès légitime grâce au chef et aux chanteurs.
 
 

Placido Carrerotti

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