C O N C E R T S
 
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PARIS
03/04/2007
 
Le Téléphone
© DR
Gian Carlo MENOTTI (1911 – 2007)

 LE TÉLÉPHONE
(ou l’amour à trois)

Opéra-bouffe en un acte sur un livret du compositeur
Créé à Broadway en 1947
Version française par Léon Kochnitzky

Lucie : Katia Velletaz
Ben : Benoît Capt

AMELIA AL BALLO
Opéra-bouffe en un acte
sur un livret du compositeur
Créé en 1937
Version italienne

Amelia : Brigitte Hool
Il Marito : Marc Mazuir
L’Amante : Davide Cicchetti
L’Amica : Graciela Valceva Fierro
Il Commissario di polizia : David-Alexandre Borloz
Prem ière femme de chambre : Prune Guillaumont
Deuxième femme de chambre : Katja Trayser
Ensemble Orchestral de Paris : :
Direction Musicale : : Bruno Ferrandis

Mise en scène et décors : Eric Vigié
Assistante scénographie : Rachel Hamel
Costumes : Ecole de Couture de Laursanne, Etat de Vaud
Lumières : Henri Merzeau
Chœurs de l’Opéra de Lausanne
Chef de chœur : : Véronique Carrot

Théâtre National de l’Opéra-Comique
Salle Favart – 3 avril 2007


 
LE TRIOMPHE DE L’HUMOUR


La venue à la salle Favart, grâce à une co-production avec l’Opéra Comique, de ce charmant spectacle plébiscité par la presse et le public lors de sa création à Lausanne en novembre 2006, est, certes, une heureuse initiative de plus à mettre à l’actif de Jérôme Savary, directeur sortant de cette noble maison.

Et aussi une manière éclatante de prouver qu’avec une mise en scène intelligente, des décors astucieux et une distribution homogène, constituée, non de stars hyper médiatisées, mais de chanteurs talentueux et bons comédiens, il est possible de réussir une production lyrique.

Cette série de représentations à Favart trouvait de surcroît une résonance toute particulière, puisque, le 1er février dernier, l’auteur nous avait quittés.

Ces deux petits bijoux surréalistes, très représentatifs du talent de compositeur et de librettiste de Menotti dans toute sa diversité, ont en commun la particularité de mettre en scène deux héroïnes en proie à une obsession.

Pour la première, il s’agit de Lucie, passant ses journées à deviser au téléphone avec ses amis et connaissances, au point d’en oublier de parler à son fiancé qui n’aura pas d’autre possibilité pour la demander en mariage que de lui... téléphoner. Cette sorte de Voix humaine pour rire, joliment troussée, lorgne délibérément vers Cimarosa et Pergolèse pour l’écriture musicale, avec un soupçon de Prokofiev et de Stravinsky.

Quant à Amelia, son obsession est d’aller au bal, et ce, à tout prix, même s’il faut pour cela se débarrasser de son amant et de son mari pour finalement partir au bras du commissaire de police, initialement chargé de démêler l’imbroglio dans lequel les protagonistes se sont laissés embourber.

L’idée de composer Amelia al Ballo, son premier opéra, vint à Menotti lors d’un séjour qu’il fit en Autriche, accompagné de Samuel Barber. Immergé avec délices dans les opéras de Mozart et le Rosenkavalier de Richard Strauss, Menotti fut fasciné par la coiffeuse de leur hôtesse, une baronne : un meuble extravagant, très baroque, orné de guirlandes et d’amours joufflus … C’est cet « objet » étonnant qui deviendra le point de départ de son opéra, l’action débutant précisément devant la coiffeuse d’Amelia.

Comme dans Le Téléphone, le pastiche musical est au rendez-vous, d’une inspiration nettement orientée vers le XIXe siècle : Puccini, avec des références assez marquées à Gianni Schicchi, voire Verdi (Un ballo in maschera) et une écriture, tant vocale qu’orchestrale, nettement plus ample. Un an après sa création, Amelia al ballo sera représenté au Metropolitan de New York. Leontyne Price gravera l’air le plus célèbre - dans sa version anglaise - pour un enregistrement de référence, The Art of the Prima Donna paru chez RCA.

Humour, pastiche, jeux de miroirs, reflets d’une certaine nostalgie, constituent parmi tant d’autres les ingrédients de ces pages délectables, admirablement montées, jouées et chantées par Eric Vigié et toute son équipe.

Le décor tournant est commun aux deux œuvres, avec un « habillage différent » pour chacune d’elles…

Pour Le téléphone, il s’agit d’un grand salon où trône un énorme appareil téléphonique, qui fait également office de canapé, et un grand écran de télévision où défilent des extraits de films hollywoodiens en noir et blanc, montrant, entre autres, Marilyn Monroe et Audrey Hepburn au téléphone. Au fond, une grande baie vitrée à travers laquelle on aperçoit des gratte-ciel. Les deux chanteurs - acteurs sont vraiment excellents : bonne voix, diction irréprochable, excellente présence scénique… D’ailleurs, il faut reconnaître que le gros téléphone a, lui aussi, beaucoup de prestance…

Pour Amelia, le décor devient une alcôve où gît un lit gigantesque – qui sera, entre autres, une cachette idéale pour l’amant…


Amelia al Ballo
© DR

Il y a quelque chose de très cinématographique dans ces deux mises en scène : un style plutôt hollywoodien pour Le Téléphone et très « Italie des années cinquante - soixante » pour Amelia al Ballo. Brigitte Hool campe une Amelia blonde platine, sexy, très star, un peu évaporée, sorte de Marylin Monroe mâtinée de Sofia Loren. Fofolle, mais pas vulgaire, extravagante, mais digne, et surtout obstinée. Cette artiste est absolument épatante, hilarante et délirante à souhait, tout en possédant un grand soprano lyrique, solide et bien timbré.

Marc Mazuir, le Mari, est très bien aussi, quant à Davide Cicchetti (l’Amant), malgré une voix peu puissante parfois, il est irrésistible, habillé en Tintin. En Commissaire de Police, David-Alexandre Borloz ne démérite pas, avec un organe très puissant et un peu monolithique, tout à fait à l’image de ce personnage un peu fruste, qui, pourtant, à la fin de l’intrigue, raflera la mise.

Les autres petits rôles et le chœur sont formidables et le tout est mené tambour battant par Bruno Ferrandis à la tête d’un Ensemble orchestral de Paris très en verve…

Depuis deux saisons déjà, sous l’impulsion de son nouveau directeur, précisément le metteur en scène Eric Vigié (qui fut également l’assistant de Gian Carlo Menotti au festival de Spoleto), l’Opéra de Lausanne a formé un ensemble vocal permanent, « L’ENVOL » (Ensemble Vocal de Lausanne), composé de chanteurs suisses et de jeunes chanteurs ayant étudié dans les conservatoires helvétiques. Une politique aussi innovante et dynamique mériterait d’être reprise dans bien des théâtres de France et de Navarre, et ce délicieux spectacle en est assurément la brillante illustration.



Juliette BUCH


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