C O N C E R T S 
 
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BRUXELLES
14/12/04
© Johann Jacobs / La Monnaie
Benjamin BRITTEN

A Midsummer Night's Dream

Opéra en trois actes

Oberon : Michael Chance
Tytania : Laura Clayocmb
Puck : David Greeves
Theseus : Brindley Sherratt
Hippolyta : Ruby Philogene
Lysander : Alfred Boe
Demetrius : Leigh Melrose
Hermia : Deanne Meek
Helena : Madeline Bender 
Bottom : Laurent Naouri
Quince : Henry Waddington
Flute : Richard Coxon
Snug : Gwynne Howell
Snout : Kim Schrader
Starveling : Lionel Lhote

Orchestre Symphonique et Choeur d'enfants de la Monnaie
Les Pastoureaux
Trinity Boys Choir
Direction musicale : Ivor Bolton

Mise en scène : David MacVicar

Bruxelles, Théâtre de la Monnaie
14 décembre 2004

Oeuvre peu souvent jouée, un peu atypique dans l'ensemble des opéras de Britten, Le Songe, d'après Shakespeare, mais en réalité sur un livret de Benjamin Britten et de son ami le ténor Peter Pears, apparaît comme une comédie burlesque, une fable mise en musique, autant qu'un véritable opéra. Pensée comme un opéra de chambre, avec une orchestration légère, dans laquelle les cordes, la harpe et le célesta sont omniprésents, l'oeuvre présente une grande subtilité, sans cesse balancée entre ironie réaliste et fantaisie poétique.

Trois univers bien distincts vont se côtoyer sans se mélanger vraiment : le monde des fées, où règnent Oberon et Tytania, le monde des humains où l'on retrouve deux couples d'amoureux, comme dans Cosi Fan Tutte, et le monde des artisans, traité ici dans le genre burlesque le plus comique. A ces trois univers correspondent trois écritures vocales distinctes se répondant avec finesse ; on remarquera aussi la grande complexité des ensembles vocaux, très nombreux dans la partition, et des parties de choeur, pourtant destinées à des enfants.


Le Choeur des enfants
© Johann Jacobs

Abordant l'univers de Shakespeare, Britten se montre, dans l'inspiration sinon dans l'écriture, tout proche de la musique baroque, digne héritier des madrigalistes anglais, de Purcell et de sa reine des fées.

La production de la Monnaie, mise en scène par David McVicar et placée sous la direction musicale d'Ivor Bolton, offre plus de satisfaction aux yeux qu'aux oreilles. Dans un décor unique mais grandiose (Rae Smith), représentant le grenier de tous les rêves, bric-à-brac de jouets éventrés, de vieux fauteuils percés et de vieilles armoires d'où sortent les fées, sous les bienveillants auspices d'une énorme lune et avec, pour seule évocation du jardin originellement voulu par Shakespeare et le compositeur, la branche noueuse d'un arbre gigantesque, les trois univers vont se mêler, les fées intervenant sur le destin des hommes. Ce décor, rappelant l'univers de Dickens ou celui, très à propos, d'une carte de Noël, d'une grande puissance évocatrice, est particulièrement réussi, et porte véritablement toute la pièce.

Britten, au moment où il adapte son livret, porte une attention toute particulière au rôle d'Oberon, dont il fait le véritable Deus ex machina qui ourdit toute l'intrigue, et donc le rôle principal de l'opéra ; confié à un contre-ténor, écrit à l'origine pour Alfred Deller, le rôle est ici repris par Michael Chance, dont le moins qu'on puisse dire c'est que la voix n'est plus ce qu'elle a été : timbre inégal, justesse très approximative, manque évident de puissance et moyens expressifs réduits d'autant, le malheureux Oberon ne peut en imposer que par son physique, impressionnant, certes, mais insuffisant pour incarner le digne partenaire de Titania (Laura Claycomb), pleine de gouaille et de virtuosité. Puck, sorte de génie féerique du mal (rôle acrobatique, mais rôle parlé) est tenu par le beau David Greeves qui, par une surprenante présence scénique, réussit à voler la vedette à Oberon. L'univers des fées est complété par les choeurs d'enfants de la Monnaie, que sont venus renforcer les Pastoureaux et le Trinity Boys Choir, petit monde grouillant fort sympathique, même si sur le strict plan musical, la réalisation n'est pas toujours parfaite. On sait comme il est difficile de faire chanter les enfants en scène.


Laurent Naouri / Laura Claycomb
© Johann Jacobs

Les deux couples d'amoureux sont assez réussis : très belle réalisation vocale tant chez Demetrius (Leigh Melrose) que chez Lysander (Alfred Boe), petite supériorité, du côté des femmes, pour l'Hermia de Deanne Meek sur l'Helena de Madeline Bender. De part et d'autre, beaucoup de charme, de jeunesse et d'élégance, comme il sied à d'aristocratiques amoureux athéniens... 

Dans le camp des artisans, on relèvera surtout l'exceptionnelle prestation de Laurent Naouri, un peu inattendu dans le rôle de Bottom, dont il transcende la lourdeur par une verve truculente, une précision vocale et une assurance scénique remarquables. Ses comparses, aux rôles moins importants, s'en sortent également fort bien, surprenant le public par leurs entrées à travers la salle, comme si le metteur en scène voulait souligner la proximité de ces artisans shakespeariens avec nos contemporains.

Enfin, le couple princier de Thésée et Hippolyta (Brindley Sherratt et Ruby Philogene), semblant tout droit sorti d'une opérette, offre, sur le plan visuel, une agréable diversion.

Dans la fosse, moins précis qu'il ne le voudrait, et surtout moins poétique, moins sensuel que ne le voudrait la partition, Ivor Bolton décline les actes les uns après les autres, proprement, mais sans réelle ferveur. Il vient à l'esprit que, dans cette trop grande salle, l'orchestration pourtant particulièrement soignée de Britten se trouve comme diluée et manque d'ampleur. Mais heureusement, la mise en scène très réussie rachète les quelques imperfections musicales, de sorte que le public ressort ravi, enchanté, et c'est l'essentiel.
 
 

Claude JOTTRAND
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