C O N C E R T S
 
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PARIS
08/11/2006
 
ALTER EGO

Julia Migenes : Chant

Philippe Calvario, Mise en Scène
Frédéric Michel, Assistant à la mise en scène
Bertrand Couderc, Création Lumière

Edouard Ferlet, Arrangements musicaux

Avec

Edouard Ferlet, piano
Alain Grange, violoncelle
Xavier Desandre-Navarre, percussions
Thierno Thioune, danseur

PROGRAMME

- Repente (José Carlos Capinan / Edu Lobo)
- How insensitive (Vinicius de Moraes /Carlos Jobim)
- Motherless Child (Traditionnal)
- Uninvited (Alanis Morissette) 
- Cold (Annie Lennox)
- Par tous les sens (Edouard Ferlet) orchestre seul
- When we dance (Sting)
- Les paumés du petit matin (Jacques Brel)
- Haïti (Gilbert Gil /Caetano Veloso)
- Ping Pong (Edouard Ferlet) orchestre seul
- All Blues (Miles Davis)
- Blower’s Daughter (Damien Rice)
- Use Me (Bill Withers)

Théâtre du Châtelet – Paris
8 novembre 2006

UNE DIVA PEUT EN CACHER UNE AUTRE…


On se souviendra longtemps de sa Carmen dans le film de Francesco Rosi (1984), avec quand même, Plàcido Domingo et Ruggiero Raimondi… Elle n’avait, certes, pas la voix du rôle, ni la tessiture, car Migenes est plutôt un soprano lyrique léger… Mais quel abattage, quelle personnalité, quelle sensualité ! En un mot, elle était formidable…

Aussi bonne danseuse et comédienne que chanteuse, elle n’hésitera pas à explorer tous les styles : comédies musicales, shows façon « cabaret », opéras aussi, bien sûr.. Et l’on n’oubliera pas de sitôt sa phénoménale prestation dans « Angels in America », opéra de Peter Eötvös, d’après la pièce de Tony Kushner, donné en 2004 au Théâtre du Châtelet. (*)

C’est dire si l’on était impatient de la revoir pour cette unique soirée – toujours dans ce même théâtre – et globalement, notre attente ne fut pas déçue…

Philippe Calvario, qui fut assistant de Patrice Chéreau sur plusieurs projets – les chiens ne font pas des chats – est réputé pour ses mises en scène intelligentes : il avait réalisé un très bel « Amour des Trois Oranges » au Festival d’Aix en Provence 2004, et en décembre de la même année, cet « Angels in America » mentionné plus haut.

Rien d’étonnant par conséquent à ce que Migenes l’ait choisi comme complice pour l’accompagner dans ce périple, cette « traversée des genres », dont cependant toute œuvre lyrique a  été exclue.

Dans un éclairage rouge, elle arrive, revêtue d’une tenue plutôt sexy : pantalon en skaï noir assez serré et guepière pigeonnante, noire également, qui met en valeur sa belle poitrine. Silhouette juvénile, démarche féline, grâce dans chaque geste et chaque mouvement : Julia semble ne pas avoir pris une ride et pourtant, le temps a passé depuis Carmen !

Les éclairages sont savants, les musiciens excellents. C’est tout juste si on peut regretter qu’elle ait sacrifié au goût du jour en faisant appel pour quelques numéros à un danseur de hip hop assez pataud et globalement pas très à la hauteur, surtout face à une artiste comme elle.

La voix, certes amplifiée par le micro,  est intacte, et je dirais même qu’on la sent comparativement plus puissante qu’à ses débuts. Ce qui stupéfie, chez elle, c’est ce naturel confondant, cette facilité avec laquelle elle se déplace dans l’espace scénique, complétement sombre ou brillamment éclairé et aussi parfois ouvert dans toute sa profondeur, laissant apercevoir une partie du décor du dernier opéra de Pascal Dusapin « Faustus the last night», alors en répétition, en l’occurrence une immense horloge posée à même le sol ; c’est aussi cette impression qu’elle donne d’improviser parfois, alors qu’en fait, tout est réglé au quart de seconde, se situant dans la lignée de la grande tradition de l’école américaine, où rien n’est laissé au hasard, et où le chant, la danse et la parole s’agencent et s’emboitent de manière parfaite, « professionnelle ».

On apprécie son sens du rythme dans les mélodies brésiliennes, la finesse et la poésie de son interprétation d’un chant traditionnel irlandais non répertorié dans le programme, la sensibilité de « When we dance » une chanson de Sting, et last but not least,  la façon délicieuse et spirituelle dont elle interprète « Les paumés du petit matin » de Jacques Brel.

On peut certes regretter qu’elle n’ait pas glissé un peu de lyrique dans son programme, d’autant plus que la dame a aussi de l’humour à revendre, comme le prouve son spectacle « Diva on the verge » (« Diva sur le fil » – on pourrait traduire aussi par « Diva au bord de la crise de nerfs ») dont il existe une vidéo. Dans ce petit bijou d’ironie et de nostalgie, elle décline les différents états traversés par une diva d’opéra, tout en n’hésitant pas au passage à régler ses comptes avec le milieu lyrique, qui a beaucoup  critiqué sa « singularité » et son indépendance.

Merci donc, Madame, pour votre joie de vivre, votre punch, votre liberté, votre charisme et votre éternelle jeunesse.

Et à quand votre retour sur les planches, dans « Diva on the verge », par exemple, enfin « back on stage » ?



Juliette BUCH



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(*) : « Angels in America » sera diffusé sur FR3 le samedi 2 décembre 2006. Une occasion de revoir Julia Migenes dans un de ses meilleurs rôles.

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