C O N C E R T S 
 
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AVENCHES
13/07/05
© DR
Giusepe VERDI

NABUCCO

Opéra en 4 actes 
Livret de Temistocle Solera

Leo Nucci (Nabucco)
Paoletta Marrocu (Abigaïlle)
Alfredo Zanazzo (Zaccaria)
Annamaria Chiuri (Fenena)
Valter Borin (Ismaele)
Evelyn Meier (Anna)
Christoph Meinen (Abdallo)
Pavel Izdebski (Le Grand Prêtre)

Orchestre du Festival
Choeurs du Festival

Pier Francesco Maestrini (mise en scène)
Alfredo Troisi (décors, costumes et lumières)
Giorgio Paganini (direction musicale)
Pascal Meier (chef des choeurs)

Avenches
Arènes romaines, 13/07/2005

Le Festival d'Avenches au sommet

Le Festival d'opéra d'Avenches, souvent affublé du qualificatif de "petit Vérone", se bat depuis 11 ans pour trouver la renommée. Après des débuts hésitants, sinon catastrophiques, des années de malchance en raison de météos capricieuses (Avenches n'est pas une station balnéaire), des années aventureuses à cause de programmations hasardeuses, voire prétentieuses, l'édition 2005 semble enfin tenir le bon bout de la chandelle. L'orchestre attaché au Festival est en progrès constant, la mise en scène et les décors ont trouvé les artisans idéals pour des arènes romaines, les solistes sont d'un niveau international, des atouts qui démontrent la capacité du Festival de se hisser au niveau des meilleurs rendez-vous lyriques estivaux.  

Certes, Nabucco de Giuseppe Verdi est un opéra de festival. Populaire par son simple choeur des Hébreux, cette oeuvre révèle pourtant des trésors de musique opérant leur magie sur le public. Mais au-delà, décors, costumes et solistes sont des éléments majeurs. Encore faut-il qu'ils s'intègrent dans un ensemble cohérent sans le tape à l'oeil si souvent rencontré dans cet opéra. En s'entourant d'artistes susceptibles de magnifier l'oeuvre de Verdi, Sergio Fontana, le directeur artistique de la manifestation avenchoise, a réalisé un bel exploit.

Sur une scène de très grande ouverture, seuls des décorateurs rompus à ce genre d'exercice sont à même de proposer un décor efficace, une machinerie simple, et des éclairages intelligents. Son rempart de briques flanqué de deux portes dorées s'échappant sur un majestueux escalier central vers les deux battants d'une porte coulissante s'avère bien conçu pour le passage des nombreux acteurs et figurants qui habitent la scène. Avec ses éclairages passant subtilement de l'aube tombante à la nuit, s'infiltrant avec finesse dans l'ambiance de l'opéra, Alfredo Troisi (décors, costumes et lumières) réalise l'accord parfait. Usant tantôt de spots, tantôt de lumières diffuses, il donne vie à l'action qu'elle soit intime ou grandiose, comme avec le fameux choeur des Hébreux. Tirant habilement profit du mur de briques quelque peu disgracieux du Musée archéologique en bordure des arènes, il habille cet écran géant en projetant des symboles assyriens ou juifs comme un surtitrage à l'opéra. Dans sa mise en scène, Pier Francesco Maestrini ne sombre pas dans le kitsch des productions véronaises à grand spectacle. Certes, les choeurs sont imposants mais jamais envahissants. Dans leurs beaux costumes, les protagonistes sont à l'aise. La direction d'acteurs est discrète et sensible, à l'image de la scène finale entre Nabucco et Abigaïlle qui se développe dans un climat d'intense émotion.


© DR

A ce jeu-là, la plupart des chanteurs s'investissent au mieux de leurs moyens vocaux et théâtraux, le plateau restant "catalysé" par les présences charismatiques d'un Leo Nucci (Nabucco) radieux et d'une Paoletta Marrocu (Abigaïlle) délirante. A eux deux, ils tiennent le spectacle. Dommage qu'Alfredo Zanazzo (Zaccaria) montre d'aussi évidents signes de faiblesse qui rendent parfois pénible l'audition et que le style à l'emporte-pièce du ténor polonais Valter Borin (Ismaele) s'accommode mal de l'oeuvre verdienne encore proche du belcanto. Quant aux autres protagonistes, ils sont sans grand relief, sauf la soprano suisse Evelyn Meier (Anna), dont l'excellente vocalité perce le plateau lors de ses trop rares interventions.

C'est la présence électrique du baryton italien Leo Nucci dans un Nabucco désarçonnant d'humanité qui reste le moment fort de cette soirée. Jusqu'au moment de son blasphème, son Nabucco revêt une voix à l'autorité phénoménale, collant à l'arrogance du personnage. Puis, quand la folie le gagne, l'artiste plonge dans ses ressources émotionnelles pour se faire plus intime, plus intérieur. C'est alors que le baryton captive son public : dans un souffle de voix qui se perpétue jusqu'aux derniers rangs de l'arène, il chante sa détresse.

Qui donc affirme que les voix verdiennes n'existent plus ? Avec Paoletta Marrocu, le théâtre lyrique tient un cinglant démenti. De sa voix claire, puissante mais tout aussi capable d'offrir quelques pianissimi "caballiens", la soprano italienne s'empare crânement du terrible rôle d'Abigaïlle et se hisse au niveau de ses plus célèbres devancières. Se jouant des écueils de ce rôle assassin, elle imprime à son interprétation une fougue, une force de persuasion, une sensibilité qui n'est pas sans rappeler une certaine Abigaïlle que Maria Callas donnait à Rome en 1949. En symbiose totale avec l'esprit insufflé par Leo Nucci, Paoletta Marrocu se surpasse constamment. En lumineuse comédienne, elle seconde sa voix des gestes et des regards d'une actrice habitée.

Quelques jours plus tard, c'était Renato Bruson qui reprenait le flambeau laissé par Leo Nucci. Malheureusement, le baryton mythique de la scène lyrique a offert un spectacle vocal désolant. Usée, sa voix laisse apparaître un large et insupportable vibrato. Balançant les bras désespérément, marchant à grandes enjambées sur la scène, Renato Bruson tente de pallier ses carences par un jeu scénique qui tourne au ridicule. Episode navrant de la fin de carrière d'un chanteur qui dessert l'aura dont il a si pleinement joui jusqu'ici.
 
 

Jacuqes SCHMITT
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