OPERAS - RECITALS - CONCERTS LYRIQUES
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NANCY
30/06/2007
 
Hiromi Omura (Silvia) & Karine Deshayes (Zanetto)
© Ville de Nancy

ZANETTO

Opéra en un acte, livret de Giovanni Targioni Tozzetti et Guido Menasci
d’après la pièce Le Passant, que François Coppée tira de sa nouvelle au même titre
 
Musique de PIETRO MASCAGNI (1863-1945)

Créé au « Liceo Musicale Gioachino Rossini » de Pesaro, le 2 mars 1896.

Silvia : Hiromi Omura
Zanetto : Karine Deshayes

Chœurs de l’Opéra national de Lorraine
Chef des Chœurs : Merion Powell
Orchestre symphonique et lyrique de Nancy
Direction musicale
Giuliano CARELLA



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I PAGLIACCI


Opéra en un prologue et deux actes

Musique et livret de RUGGERO LEONCAVALLO (1857-1919),

d’après un fait réel dont il fut témoin et s’inspirant éventuellement des drames
La Femme de Tabarin
(1887) de Catulle Mendès
et Un Drama nuevo (1867) de Manuel Tamayo y Baus
Créé au Teatro Dal Verme de Milan, le 21 mai 1892.

Canio (Pagliaccio) : Hugh Smith
Nedda (Colombina) : Lisa Daltirus
Tonio (Taddeo) : Adrian Gans
Beppe (Arlecchino) : Sébastien Guèze
Silvio : Nigel Smith
Un paysan : Tadeusz Szczeblewski
Un paysan : Xavier Szymczak

Chœurs de l’Opéra national de Lorraine
Chef des Chœurs : Merion Powell
Choeur d’enfant des élèves du Conservatoire national de Région de Nancy
Chefs : Christine Bohlinger, Xavier Olagne

Orchestre symphonique et lyrique de Nancy
Direction musicale
Giuliano CARELLA

Assistant Direction musicale : Ludovic Perez
Mise en scène : Jean-Louis Martinelli
Assistant Mise en scène : Edouard Reichenbach
Costumes : Patrick Dutertre, Assistante Costumes : Christine Thepenier

Décors : Gilles Taschet
Lumières : Marie Nicolas
Vidéo : Mathilde Germi

Décors et Costumes réalisés dans les Ateliers
de l’Opéra national de Nancy et de Lorraine
(Nouvelles productions)

Nancy, Opéra national de Nancy et de Lorraine
30 juin 2007
Un somptueux Mascagni inconnu… mais I Pagliacci égarés à Broadway !


Zanetto est un petit joyau que Pietro Mascagni cisela après son puissant drame Cavalleria rusticana, et dans la lignée de son tendre et poétique ouvrage L’Amico Fritz. Comme dans ce dernier, on retrouve la chaleur posée et tendre que le Compositeur-Phare de la Jeune Ecole sut allier à la passion violente et emportant tout sur son passage.
Dès que l’on découvre le timbre et le chant de Hiromi Omura, un mot vient spontanément à l’esprit : somptueux. La voix, large et veloutée dans tous ses registres, nous frappe à peine, que l’on est également émerveillé par la qualité du chant, épousant la belle ligne mélodique que Mascagni a donné à Silvia, avec cette retenue dans la douleur et dans la tendresse participant à l’équilibre de cette « aquarelle lyrique » que représente Zanetto. Le ravissement produit par le chant de la cantatrice japonaise devait bien vite rassurer un public pouvant se révéler inquiet à la suite de l’annonce de son indisposition en cette cinquième et dernière représentation. Karine Deshayes s’est révélée fort bonne interprète du rôle-titre et a su rendre la fraîche candeur mais également l’espièglerie du jeune ménestrel Zanetto. Ciselant avec maestria – c’est le cas de le dire - une direction à la fois compétente et amoureuse de ce répertoire, le Maestro Carella a insufflé à ses instrumentistes la sensibilité à la poésie que Mascagni a semé au long de sa délicieuse musique.
L’on est également impressionné par le volume hors du commun du ténor Hugh Smith, Canio-Pagliaccio, qui semble faire le tour de la salle en un clin d’œil ! On déchante quelque peu, par la suite, surpris, par une intensité que l’on attendait plus puissante dans les moments forts comme le grand air célèbre entre tous Vesti la giubba, où, précisément, l’intensité plus que la force est nécessaire. Malgré cela, il se tire globalement bien de sa partie, remplaçant pratiquement au pied levé le ténor prévu. La Nedda-Colombina de Lisa Daltirus est pétulante à souhait et sert aussi bien les parties lyriques à la Jeune Ecole que les moments de colorature glissés par Leoncavallo. La puissance, l’étendue de sa voix et la qualité du chant de Adrian Gans nous vaut un Tonio-Taddeo à la fois maître de cérémonie impressionnant (dans le Prologue) et Jago pervers (pléonasme voulu !) dans l’opéra. Le second ténor, Sébastien Guèze, impressionne par la pâte de sa voix, à la fois légère mais consistante, et son Beppe-Arlecchino piquant d’espièglerie. Forts efficaces le Silvio de Nigel Smith et ses pays Tadeusz Szczeblewski et Xavier Szymczak.
Les Chœurs de l’Opéra de Nancy, réglés par Merion Powell, sont impeccables comme toujours, dès le Zanetto où ils chantent au début, hors scène, et dans I Pagliacci où leur rigueur et leur précision ne manquent pas d’impressionner, une fois de plus, le public. Le Maestro Carella, restreignant si bien l’Orchestre symphonique et lyrique de Nancy aux demi-teintes de Zanetto, lui fait prendre à merveille les fortes couleurs bonhommes ou tragiques de Leoncavallo, ainsi que le lyrisme si fluide particulier au compositeur napolitain.

Les « tics modernes » des mises en scène d’opéra sévissent dès le début : on nous refuse la double magie du rideau et l’on est accueilli à l’entrée dans une salle si chaleureusement XVIIIe-Art déco, par l’austère rideau de fer coupe-feu. D’autre part, lorsqu’un acte ou un opéra se conclut, au lieu d’une chute du rideau coordonnée avec la charge orchestrale, le rideau demeure immobile, figé en l’air et les lumières s’éteignent, comme dans une revue de music hall ou comme au temps de l’opérette à grand spectacle, où l’on éteignait et rallumait pour impressionner le public et l’éblouir de paillettes. Dernière « manie » (et elle est de taille), durant un prélude ou un Intermezzo, on impose au public supposé ignorant, une pantomime inutile (quand elle n’est pas sordide ou ridicule), le distrayant de la musique, faute impardonnable. Dans Zanetto, passons sur l’absence de référence à la Renaissance et au passant qui n’est plus troubadour !
Par contre, les recours fréquents à la bouteille de champagne par Silvia sonnent faux avec la contenance du personnage, avec la grâce de l’interprète et même avec la musique de Mascagni ! Mascagni, parlons-en… son petit chef d’œuvre si réussi et poignant sans effets appuyés, nous fait oublier le froid canapé design et en s‘accrochant aux étoiles de la nuit, on peut se passer de l’image de Florence au loin. Ce fut en revanche une belle trouvaille du metteur en scène Jean-Louis Martinelli de placer les choeurs dans le foyer de l’Opéra, donnant judicieusement l’impression que leur chant vient de nulle part et obtenant ainsi l’effet de fable voulu par Mascagni.

Le cas de I Pagliacci est plus grave.
Les costumes contemporains n’apportent rien à Pagliacci mais empêchent évidemment de se plonger dans l’histoire à laquelle on est tout prêt à croire, ému par avance de la charge d’émotion, précisément, que réserve cet ouvrage comportant l’un des airs d’opéra les plus célèbres de tous les temps et que l’on n’a pas le droit d’abîmer, d’appauvrir, de minimiser comme ce fut le cas.


I Pagliacci
© Ville de Nancy

Au moment de se grimer pour faire rire le public de Pagliaccio, le mari trompé, voilà que l’acteur Canio ne sent pas la force, bouleversé par cette même situation qui lui arrive en réalité et dont il vient d’avoir la preuve ! « Vesti la giubba e la faccia infarina : revêts l’habit et enfarine-toi la face… », s’écrie-t-il, mais nulle mise en valeur par la mise en scène… le charme était du reste rompu dès que l’on voyait paraître Nedda, fort occupée avec son téléphone portable !
A ces personnages de pauvres comédiens ambulants suffisent en effet les costumes plus ou moins campagnards de la fin du XIXe d’une part, et de la Commedia dell’Arte dont Arlecchino et Colombina sont de célèbres représentants, références connues de tous et imprégnant jusqu’à la musique de Leoncavallo (la sérénade d’Arlequin « O Colombina »).


I Pagliacci
© Ville de Nancy

Le pire nous attendait pour la « Comédie » du deuxième acte, où régnait le genre du n’importe quoi avec des couleurs ou accoutrements grotesques. Taddeo était couvert de plumes blanches, Pagliaccio en jaune vif, Arlecchino en perruque verte et pantalon de cuir de la même couleur, façon peau de serpent, et dont les losanges jacquard du débardeur évoquent - au moins ! - ceux du costume typique d’Arlequin. Le metteur en scène a ignoré que dans la comédie italienne les larmes côtoient le sourire, a ignoré la finesse de cette pointe de sérieux dans le drame, de ce soupçon de crédibilité : Taddeo est ridicule mais ne peut voiler la vilenie de Tonio. Pagliaccio doit vraiment se blanchir le visage où domine l’ambigu sourire du clown, plus triste que jamais car Canio est désespéré… Arlecchino évidemment espiègle, doit respirer la fraîcheur de Beppe, et non charger son personnage d’inutiles gestes répétitifs yé-yé. Colombina n’a pas besoin du costume de Mistinguett ou de Joséphine Baker, mais doit figurer une Colombina de campagne, misérable peut-être, mais pourquoi vulgaire  dans ses attitudes ?
A un journaliste lui demandant « Croyez-vous opportun le réalisme sur la scène lyrique ? », Leoncavallo répondait avec le bon sens de sa sympathique bonhomie : « Le réalisme, oui mais jusqu’à un certain point. Il ne faut pas oublier que sur la scène les maisons sont toujours de carton ! ». Cela posé, il faut tout de même, et juste un petit peu, jouer le jeu pour que l’on y croie… et ce juste un petit peu, Jean-Louis Martinelli nous l’a refusé.

Le rideau de velours (on le voit tout de même, à la fin !) de l’Opéra de Nancy vient de se refermer sur cette belle idée de donner Zanetto, dont le bruit court qu’elle est la volonté du Directeur, en attendant de nous dévoiler une autre belle idée, en inauguration de saison. Le somptueux Wiener Blut de Johann Strauss, traité en allemand et avec le professionnalisme réservé à l’opéra, comme dans les pays germaniques où l’opérette viennoise éclate dans toute sa splendeur…


Yonel Buldrini


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